Qui fait la guerre oublie l’humanité

epa09801377 Oleg (R), who decided to remain in Irpin, passes his son Maksim over a fence to his wife ...
08 mars 2022

«Aujourd’hui, malgré tout, nous réaffirmons notre conviction selon laquelle la fraternité est plus forte que le fratricide, que l’espérance est plus forte que la mort, que la paix est plus forte que la guerre». Le 5 mars 2021, commençait le voyage apostolique du Pape François en Irak. Un voyage déconseillé par de nombreuses personnes pour des raisons de sécurité, et redouté par d’autres en raison du risque d’«échec», étant donné les divisions internes à la société irakienne, et le dialogue pas toujours facile entre les diverses religions présentes dans le pays. Cette visite, fortement voulue par le Pape, a été — en dépit des préoccupations de la veille — un succès. Et même plus: elle a été un voyage-message qui a souligné que la paix est possible, la coexistence nécessaire, et que — comme l’a affirmé François dans la ville de Mossoul dévastée par la férocité de l’ei — la fraternité, malgré tout, est plus forte que le fratricide. Les paroles prononcées il y a un an dans l’une des régions les plus martyrisées de la planète retentissent aujourd’hui de façon prophétique, comme un avertissement, tandis qu’au cœur de l’Europe se combat une guerre destructrice, déclenchée par l’invasion de l’Ukraine de la part de l’armée russe. Les souffrances sont im-menses, tout comme la dette des vies humaines brisées par ce conflit. L’ordre même des choses en est bouleversé car, comme le constatait déjà amèrement Hérodote, «en temps de paix, les fils ensevelissent leurs pères; en temps de guerre, les pères ensevelissent leurs fils».

Jamais comme auparavant, si ce n’est peut-être au cours de la crise des missiles de Cuba en 1962, l’humanité n’a craint une escalade militaire qui se transforme dangereusement en un nouveau conflit mondial. Une folie étrangère à la raison pourtant redoutée comme une possibilité. Et toutefois, il y a déjà de nombreuses années, le Pape avait déjà mis en garde — sans être vraiment écouté — contre une troisième guerre mondiale combattue «par morceaux»: de la Syrie au Yémen, de l’Afghanistan à l’Irak. Une liste à laquelle s’ajoute à présent de façon tragique l’Ukraine. Inlassablement, François a élevé la voix au cours de ces près de neuf ans de pontificat en faveur des peuples opprimés par le fléau des guerres, en particulier celles oubliées parce que combattues loin des centres de pouvoir ou ignorées par les grands moyens de communication. Combien de fois le Pape a-t-il lancé des appels pour les enfants du Yémen, victimes innocentes d’un confit brutal. Combien de fois a-t-il rappelé le drame de la Syrie et combien d’initiatives a-t-il lancées — de prière, humanitaires et diplomatiques — pour ce peuple qui, depuis plus de dix ans, ne connaît pas la paix.

«Qui fait la guerre oublie l’humanité», a-t-il dit dimanche 27 février à l’Angelus, le cœur déchiré pour l’Ukraine. Qui fait la guerre, a-t-il ajouté, «ne regarde pas la vie concrète des personnes», mais «se confie à la logique diabolique et perverse des armes, qui est la plus éloignée de la volonté de Dieu». Et c’est aussi la plus éloignée de la logique de la fraternité, qui accepte patiemment l’autre tel qu’il est, en tant que fils du même -Père. En visitant, en septembre 2014, le cimetière militaire de Redipuglia à l’occasion du centenaire de la première guerre mondiale, le Pape François dénonça l’absurdité de la guerre en soulignant qu’elle «est folle» parce que «son plan de développement est la destruction». En ces jours, de l’Ukraine ravagée par l’invasion militaire russe, arrivent des images précisément de cette destruction qui n’épargne personne. Et l’interrogation qui se fait jour après jour plus angoissante est: pendant combien de temps encore?

Alessandro Gisotti