Synthèse de la Lettre du Pape émérite Benoît xvi sur le rapport relatif aux abus dans l’archidiocèse de Munich et Freising

 Synthèse de la Lettre du Pape émérite  Benoît   xvi   sur le rapport relatif aux abus dans ...
15 février 2022

Le Pape émérite Benoît xvi intervient, directement et personnellement, pour s’exprimer sur le rapport relatif aux abus commis dans le diocèse de Munich et Freising, en Allemagne, dont il a été l’archevêque pendant moins de cinq ans. Il le fait dans une lettre à la tonalité pénitentielle, qui contient sa «confession» personnelle exprimant sa «douleur d’autant plus grande pour les abus et les erreurs qui se sont produits au cours de mon mandat en différents lieux».

Dans la première partie de la lettre, Joseph Ratzinger dit avoir vécu «ces jours d’examen de conscience et de réflexion» après la publication du rapport. Il remercie les nombreuses personnes qui lui ont exprimé leur proximité ainsi que ceux qui ont collaboré avec lui pour prendre connaissance de la documentation et préparer les réponses envoyées à la commission. Comme il l’a déjà fait ces derniers jours, il présente à nouveau ses excuses pour l’erreur absolument involontaire concernant sa présence à la réunion du 15 janvier 1980 au cours de laquelle il a été décidé d’accueillir dans le diocèse un prêtre qui devait être soigné. Il se dit également «particulièrement reconnaissant pour la confiance, l’appui et la prière que le Pape François m’a exprimés personnellement».

Dans la deuxième partie de la lettre, le Pape émérite se dit frappé par le fait que chaque jour l’Eglise place au centre de chaque célébration de la messe, «la confession de notre faute et la demande de pardon. Nous prions publiquement le Dieu vivant de pardonner notre faute, notre grande et très grande faute». Il est clair, poursuit Benoît xvi , «que les mots “très grande” ne s’appliquent pas de la même manière à chaque jour, à chaque jour en particulier. Mais chaque jour me demande si, aujourd’hui, je ne devrais pas parler d’une très grande faute. Et il me dit d’une manière consolante que, aussi grande que puisse être ma faute aujourd’hui, le Seigneur me pardonne si je me laisse scruter par lui en toute sincérité et si je suis réellement disposé à changer».

Joseph Ratzinger évoque ensuite ses conversations en tête-à-tête avec des victimes d’abus commis par des clercs. «Dans toutes mes rencontres avec les victimes d’abus sexuels de la part de prêtres, surtout pendant mes nombreux voyages apostoliques, j’ai regardé dans les yeux les conséquences d’une très grande faute et j’ai appris à comprendre que nous sommes nous-mêmes entraînés dans cette très grande faute quand nous la négligeons ou quand nous ne l’affrontons pas avec la décision et la responsabilité nécessaires, comme il est trop souvent arrivé et qu’il arrive encore».

«Comme lors de ces rencontres, je ne peux qu’exprimer, une fois encore, à l’égard de toutes les victimes d’abus sexuels ma profonde honte, ma grande douleur et ma demande sincère de pardon. J’ai eu de grandes responsabilités dans l’Eglise catholique. Ma douleur est d’autant plus grande pour les abus et les erreurs qui se sont produits au cours de mon mandat en différents lieux. Chaque cas d’abus sexuel est terrible et irréparable. Aux victimes d’abus sexuels, j’exprime ma profonde compassion et mon regret pour chaque cas».

Benoît xvi dit ensuite qu’il comprend toujours davantage «la répugnance et la peur que le Christ a ressenties sur le Mont des Oliviers quand il a vu tout ce qu’il allait devoir surmonter intérieurement. Que les disciples dorment à ce moment-là représente malheureusement la situation qui, aujourd’hui encore, se reproduit et par laquelle je me sens aussi interpellé. Ainsi, je ne peux que prier le Seigneur et supplier les anges et tous les saints et vous aussi, chères sœurs et frères, de prier pour moi le Seigneur notre Dieu».

Joseph Ratzinger conclut sa lettre par ces mots: «Bientôt, je serai face au juge ultime de ma vie. Bien que, regardant en arrière ma longue vie, je puisse avoir beaucoup de motifs de frayeur et de peur, mon cœur reste -joyeux parce que je crois fermement que le Seigneur n’est pas seulement le juge juste mais, en même temps, l’ami et le frère qui a déjà souffert lui-même mes manquements et qui, en tant que juge, est aussi mon avocat (Paraclet). A l’approche de l’heure du jugement, la grâce d’être chrétien me devient toujours plus claire. Etre chrétien me donne la connaissance, bien plus, l’amitié avec le juge de ma vie, et me permet de traverser avec confiance la porte obscure de la mort».

Une courte annexe de trois pages accompagne la lettre de Benoît xvi , rédigée par quatre experts juridiques — Stefan Mückl, Helmuth Pree, Stefan Korta et Carsten Brennecke — qui avaient déjà participé à la rédaction des 82 pages de réponses aux questions de la commission. Ces réponses, qui étaient jointes au rapport sur les abus à Munich, avaient suscité la controverse et contenaient une erreur de transcription qui avait porté à l’affirmation que l’archevêque Mgr Joseph Ratzinger était absent de la réunion au cours de laquelle la décision avait été prise de recevoir un prêtre qui s’était rendu coupable d’abus.

Dans les nouvelles réponses, les experts réaffirment que le cardinal Ratzinger, lorsqu’il a reçu le prêtre qui devait être soigné à Munich, ne savait pas qu’il était un prédateur sexuel. Et lors de la réunion de janvier 1980, la raison pour laquelle il devait être soigné n’avait pas été mentionnée, tout comme il n’avait pas été décidé non plus de l’engager dans une activité pastorale. Les documents confirment les propos de Joseph Ratzinger.

La raison de cette erreur concernant la présence — initialement niée de Joseph Ratzinger — est détaillée par la suite: seul le professeur Stefan Mückl a été autorisé à voir la version électronique du dossier de l’instruction, sans pouvoir sauvegarder, imprimer ou photocopier les documents. Dans la phase d’élaboration successive, Stefan Korta a commis par inadvertance une erreur de transcription en retenant que Joseph Ratzinger était absent le 15 janvier 1980. Cette erreur de transcription ne peut donc pas être imputée à Benoît xvi comme une fausse déclaration consciente ou un «mensonge». D’ailleurs, en 2010 déjà, plusieurs articles de presse, jamais démentis, parlaient de sa présence lors de cette réunion et le Pape émérite lui-même, dans la biographie écrite par Peter Seewald, publiée en 2020, affirme avoir été présent.

Les experts soutiennent que dans aucun des cas analysés dans le rapport, Joseph Ratzinger n’était au courant d’abus sexuels commis ou soupçonnés d’avoir été commis par des prêtres. La documentation ne fournit aucune preuve du contraire et, en effet, répondant à des questions précises sur ce point lors de la conférence de presse, ces mêmes avocats, auteurs du rapport, ont déclaré qu’ils présumaient que probablement Joseph Ratzinger était au courant, mais sans que cette affirmation ne soit corroborée par des témoignages ou des documents.

Enfin, les experts démentent que les réponses qu’ils ont rédigées au nom du Pape émérite aient minimisé la gravité du comportement exhibitionniste d’un prêtre. «Dans le mémoire, Benoît xvi n’a pas minimisé le comportement exhibitionniste, mais l’a expressément condamné. La phrase utilisée comme prétendue preuve de la minimisation de l’exhibitionnisme est sortie de son contexte». Dans sa réponse, Benoît xvi a qualifié les abus, y compris l’exhibitionnisme, de «terribles», de «fautes», de «moralement répréhensibles» et d’«irréparables». Dans l’évaluation du droit canonique, «il a été simplement indiqué que, selon le droit alors en vigueur, de l’avis des conseillers de droit canonique, l’exhibitionnisme n’était pas un crime de droit canonique, parce que la norme pénale pertinente n’incluait pas, dans le cas d’espèce, un comportement de ce type».

L’annexe, signée par les quatre con-seillers juridiques et dont le Pape émérite assume la responsabilité, contribue ainsi à clarifier ce qui provient de l’esprit et du cœur de Joseph Ratzinger, et ce qui est le résultat des recherches de ses conseillers. Benoît xvi réaffirme qu’il n’avait pas connaissance des abus commis par des prêtres durant son bref épiscopat. Mais au travers de paroles humbles et profondément chrétiennes, il demande pardon pour la «très grande faute» des abus et pour les erreurs, qui ont eu lieu notamment au cours de son mandat.