FEMMES EGLISE MONDE

Nouvelles generations

La difficulté d’être jeunes
et catholiques

 La fatica  di essere giovani  e cattoliche  DCM-002
05 février 2022

Je suis née catholique, je descends de trois générations de femmes catholiques. D'une certaine manière, le catholicisme m'a été imposé, je l'ai toujours connu comme la juste manière de faire les choses. Au fur et à mesure que je grandis et que ma foi évolue, je la choisis chaque jour parce que je l'ai identifiée comme le lieu où Dieu me parle.

Etre une jeune femme catholique

En tant que jeune originaire d'un pays démocratique, où les droits et les libertés des citoyens – en particulier ceux des femmes – sont non seulement inscrits dans la Constitution, mais aussi respectés quotidiennement dans la société, je trouve souvent mes valeurs personnelles en conflit avec les valeurs de l'Eglise catholique, qui m'ont été enseignées et avec lesquelles j'ai grandi. Cela m'a conduit à avoir une sensation d’incertitude sur ma moralité et sur la façon de me positionner sur certaines questions. Je pense que beaucoup de jeunes peuvent se reconnaitre dans ce que je dis.

Dans ce monde globalisé où tous sont si explicites et ont des opinions sur tout, nous (les jeunes catholiques) nous sentons souvent remis en question par nos ami(e)s non catholiques et, à notre tour, nous remettons en question notre propre foi, ne sachant pas vers qui nous tourner pour obtenir les réponses précises dont nous avons besoin, car l'Eglise catholique est structurée d'une manière particulière et ne donne donc pas toujours des réponses directes. L'incertitude sur certaines questions m'a conduit à un moment donné à ressentir un grand vide, que je ne savais pas comment combler. J'étais animatrice des jeunes et j'ai continué à servir l'Eglise et la pastorale des jeunes, mais le vide demeurait : je ne me connectais toujours pas avec Dieu de la manière dont j'en avais besoin.

En tant que jeunes, nous sommes facilement submergés et dépassés par tout ce qui se passe dans notre vie et autour de nous, qu'il s'agisse de l'école, du travail, de la vie sociale, des problèmes socio-économiques ou des efforts pour tenter de maîtriser notre santé mentale. Nous finissons par négliger notre formation spirituelle, et c'est là que j'étais en train d’abandonner. Ayant désespérément besoin de combler ce vide, j'ai participé à un week-end de retraite (ce que peu de jeunes font), et c'est grâce à l'accompagnement spirituel d'un prêtre que j'ai pu trouver un moyen de me connecter avec Dieu.

Cette expérience m'a procuré un sentiment de satisfaction et d'épanouissement. Ça m'a rappelé que tout ce dont j'avais besoin pour combler ce vide avait toujours été là. Je viens d'une petite communauté paroissiale, j'ai donc toujours ressenti l'amour et la chaleur des paroissiens, qui sont comme les membres d'une famille élargie. Quand je suis là, je ressens un fort sentiment d'appartenance. J'en suis fière et je choisis chaque jour de faire partie de cette communauté qui croit et qui appartient à Jésus. Ce même sentiment d'appartenance me permet, en tant qu'individu, de choisir activement chaque jour d'être catholique.

Etre une jeune femme africaine

J'aime être une femme, je suis fière d'être africaine et j'ai choisi d'être catholique. Ce sont ces trois aspects qui façonnent mon identité, et ils ont tous de bons et de mauvais côtés. En tant qu'Africains, nous grandissons en sachant que nous sommes élevés par une communauté, que chaque aîné de votre communauté représente vos parents. Ce sens de la communauté, vous le trouvez également dans nos Eglises catholiques en Afrique, et cela confirme que vous êtes vraiment au bon endroit. En tant que jeune femme africaine, j'aime que l'Eglise catholique offre des espaces où les femmes peuvent marcher ensemble pour se rapprocher de Dieu. Il est émotionnant de voir comment les différentes confraternités féminines, même si elles ne sont pas parfaites, témoignent de leur amour pour Dieu et l'Eglise comme unité ; je sais que je ne marche jamais seule.

En tant que jeunes femmes africaines, nous sommes confrontées au défi de maintenir et de préserver nos cultures et nos traditions tout en essayant d'être de ferventes catholiques. L'influence occidentale de l'Eglise catholique a souvent conduit à des malentendus sur la croyance dans les ancêtres – souvent accompagnée d'une connotation négative – alors que, d'autre part, on nous apprend à honorer les saints.

En outre, bien qu'il existe aujourd'hui de nombreuses opportunités pour les jeunes, les femmes doivent toujours jouer un rôle de soutien ; nous le constatons tant dans l'Eglise que dans le contexte féminin africain. Les femmes subissent de fortes pressions pour réussir et être performantes, mais pas autant que leurs homologues masculins ; elles peuvent être diacres et religieuses, mais pas prêtres.

L’Eglise et l’écoute des jeunes

Je pense que l'Eglise a fait une tentative louable d'écouter les opinions des jeunes, mais seulement dans une certaine mesure, sur un aspect particulier. L'Exhortation apostolique post-synodale Christus Vivit, qui se présente comme la lettre du Saint-Père aux jeunes, nous a aidé à aborder la vie dans le contexte de notre religion.

De plus, voir un jeune s'exprimer lors de l'assemblée générale a été comme franchir une étape importante. Cela a montré que l'Eglise est à l'écoute et qu'elle se soucie d'entendre les opinions des jeunes.

Cependant, il existe une inégalité dans la représentation. La jeunesse africaine reste une minorité – les problèmes ou les défis africains ont toujours été considérés comme des questions mineures. Cela a mis en évidence la nécessité d’instituer un Forum mondial des jeunes et, de la même manière, un Forum africain des jeunes africains qui se consacrera aux questions touchant spécifiquement les jeunes d’Afrique.

Les jeunes s’éloignent de l’Eglise

Dans le contexte africain, l'éducation est importante. Cela pousse de nombreux jeunes à donner la priorité à l'éducation ; même les week-ends sont consacrés au travail scolaire (pendant cette pandémie, c'est devenu la règle pour tous les étudiants).

N’étant pas profondément enracinés dans notre foi, nous faisons nôtres les opinions et les idéaux des autres (ceux de nos parents). C'est pourquoi il est plus facile de les abandonner - et beaucoup le font lorsqu'ils quittent la maison : ce ne sont pas nos idéaux, nous les avons adoptés.

Malheureusement, en raison de la pression des médias sociaux, les jeunes ont un grand besoin de gratification ou de solutions instantanées. La plupart d'entre eux ont grandi en se faisant dire que les événements de la vie se dérouleront dans un ordre précis et que si vous faites bien les choses, tout suivra cet ordre. Parfois, cependant, les choses ne se passent pas ainsi ; par exemple, vous vous retrouvez au chômage après avoir terminé vos études. L'Eglise catholique ne semble pas offrir de solutions ou de conseils sur la manière de traiter ce type de problèmes. Frustrés, de nombreux jeunes finissent par la quitter et se rapprochent d'autres Eglises qui promettent de leur donner accès à tout ce qu'ils veulent en un seul instant.

Comment invertir la route

Il n'y aura jamais de solution valable pour tous, mais favoriser les rencontres personnelles avec le Christ, offrir des espaces, des orientations et un soutien dès le plus jeune âge pourrait être un bon début. On devrait toujours avoir le sentiment que l'Eglise catholique est le lieu où l'on rencontrera le Christ avant même d'être le lieu de prières structurées, de règles et de procédures.

Koketso Mary Zomba


KOKETSO MARY ZOMBA
est une jeune femme laïque et catholique. Elle a 29 ans et est née à Pretoria, capitale administrative de l'Afrique du Sud.  Secrétaire générale du Comité interdiocésain de la jeunesse de la Conférence épiscopale d'Afrique du Sud et membre de la jeunesse du district pastoral de Tshepo à Hammanskraal, elle a été choisie pour représenter la région de l'Afrique australe (Afrique du Sud, Botswana et Swaziland) lors des réunions préparatoires à Rome du Synode des évêques sur le thème « Jeunesse, foi et discernement vocationnel », qui ont eu lieu en octobre 2018. Nous lui avons demandé une réflexion sur sa manière d’être catholique et sur l'Eglise.