Audience aux Leaders pour la paix

La politique comme architecture et artisanat de paix

 La politique comme architecture  et artisanat de paix  FRA-036
07 septembre 2021

Une politique conçue comme «architecture et artisanat de paix»: c’est ce que le Pape François a souligné, en recevant au palais apostolique, dans la matinée du samedi 4 septembre, une délégation d’une quinzaine de membres de la Fondation «Leaders pour la paix». Nous publions ci-dessous le discours prononcé par le Pape à la suite de l’adresse d’hommage de M. Jean-Pierre Raffarin:

Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux de m’adresser à vous, honorables Leaders dévoués à la paix qui venez de nombreuses parties du monde. Je remercie Monsieur Jean-Pierre Raffarin pour ses aimables paroles.

Notre rencontre advient à un moment historique particulièrement critique. La pandémie, malheureusement, n’est pas encore achevée, et ses conséquences économique et sociales, spécialement pour la vie des plus pauvres, sont lourdes. Non seulement elle a appauvri la famille humaine de nombreuses vies, chacune précieuse et irremplaçable, mais elle a aussi semé la désolation et augmenté les tensions. Face à l’aggravation convergente des multiples crises, politiques et environnementales — la faim, le climat, le nucléaire pour en citer quelques-unes — votre engagement pour la paix n’a jamais été autant nécessaire et urgent.

Le défi est celui d’aider les gouvernants et les citoyens à affronter ces problèmes critiques comme des opportunités. Par exemple: certaines situations de crises environnementales, malheureusement aggravées par la pandémie, peuvent et devraient provoquer une plus grande prise de res-ponsabilité, avant tout de la part des dirigeants les plus élevés, mais aussi, en cascade ceux des niveaux intermédiaires et de l’ensemble des citoyens. En réalité, nous voyons souvent que c’est «du bas» que proviennent les sollicitations et les propositions. Ceci est une très bonne chose, bien que souvent de telles initiatives soient instrumentalisées pour d’autres intérêts de la part de groupes idéologiques. Dans cette dynamique socio-politique vous pouvez jouer un rôle constructif, principalement en favorisant une bonne connaissance des problèmes et de leurs causes profondes. Cela fait partie de cette éducation à la paix qui, justement, vous tient très à cœur.

Par ailleurs, la pandémie, avec sa longue période d’isolement et d’«hypertension» sociale, a inévitablement mis en crise l’agir politique en lui-même, la politique en tant que telle. Mais cependant ceci peut devenir une opportunité, pour promouvoir une «meilleure politique», sans laquelle est rendu impossible «le développement d’une communauté mondiale, capable de réaliser la fraternité à partir des peuples et des nations qui vivent l’amitié sociale» (Enc. Fratelli tutti, n. 154). Une politique — je me mets dans votre perspective — qui se construit comme «architecture et artisanat de la paix» (cfr ibid., n. 228-235). Pour construire la paix, deux choses sont nécessaires: l’«architecture», «où interviennent les diverses institutions de la société»  (ibid., n. 231), et l’«artisanat» qui devraient impliquer tout le monde, aussi ces secteurs qui souvent sont exclus ou rendu invisibles (cf. ibid.).

Il s’agit donc de travailler simultanément à deux niveaux: culturel et institutionnel. Au premier niveau il est important de promouvoir une culture des visages, qui mette au centre la dignité de la personne, le respect de son histoire particu-lièrement de ses blessures et de ses exclusions. Et aussi une culture de la rencontre dans laquelle nous nous écoutons et nous accueillons nos frères et sœurs, avec «confiance dans les réserves de bien qui sont dans le cœur des gens» (ibid., n. 196). Au second niveau il est urgent de favoriser le dialogue et la collaboration multilatérale, parce que les accords multilatéraux garantissent mieux que les accords bilatéraux, «la sauvegarde d’un bien commun réellement universel et la protection des Etats les plus faibles» (ibid. n. 174). Dans tous les cas «n’en restons pas aux discussions théoriques, touchons les blessures, palpons la chair des personnes affectées» (ibid., n. 261).

Mesdames et Messieurs, je vous remercie pour votre visite et j’encourage votre engagement pour la paix et pour une société plus juste et fraternelle. Que Dieu vous accorde d’expérimenter dans votre vie la joie qu’il a lui-même promise aux artisans de paix.