Campagne du dicastère pour le service du développement humain intégral

Annuler la dette
des pays africains

 Annuler la dette des pays africains Annuler la dette des pays africains  FRA-016
20 avril 2021

Une campagne pour l’annulation de la dette des pays africains a été lancée ces jours derniers par le dicastère pour le service du développement humain intégral (Dsdhi) et par la Commission vaticane Covid-19, en collaboration avec les institutions catholiques locales du continent.

En présentant l’initiative — au cours d’un webinaire qui s’est déroulé dans l’après-midi du mercredi 7 avril — le cardinal Peter Kodwo Appiah Turkson, préfet du Dsdhi, a souhaité «un système de vérifications et de contrôles afin que les ressources dégagées au bénéfice du continent, aillent là où il y a effectivement besoin de développer et d’améliorer les conditions des peuples et des personnes». Il ne s’agit donc pas d’un chèque en blanc, mais de la prise de responsabilités réciproques, en particulier à l’égard de ceux qui sont davantage dans des situations de pauvreté extrême. En effet, a poursuivi le cardinal Turkson, «avec des mécanismes de contrôle adaptés, on peut assurer que l’argent qui ne doit plus être remboursé soit dépensé pour promouvoir la santé et l’instruction, pour garantir ce développement humain intégral auquel tous les hommes et les femmes, comme nous le rappelle souvent le Pape François, ont droit».

Organisée par les deux organismes susmentionnés en collaboration avec Caritas Africa, le Symposium des conférences épiscopales d’Afri-que et de Madagascar (Secam), la Conférence des jésuites d’Afrique et de Madagascar (Jcam), l’Association des femmes consacrées d’Afrique (Acweca), cette campagne «se révèle encore plus urgente à cause» de la pandémie en cours, a dit sœur Alessandra Smerilli, récemment nommée sous-secrétaire pour le secteur foi et développement du Dsdhi. Celle-ci «part de l’Afrique, où l’Eglise locale a donné forme à une instance présente dans la société civile», a poursuivi la religieuse et économiste italienne des Filles de Marie auxiliatrice, soulignant que la contribution du dicastère «a été, et est, celle d’aider» la campagne pour l’annulation de la dette «à acquérir une visibilité internationale, dans l’espérance que se crée un vaste mouvement, comme en 2000. De manière à ce qu’elle attire l’attention du g 7 et du g 20, c’est-à-dire de ceux qui peuvent avoir de manière directe et concrète une influence sur la question».

«Le moment est venu de regarder, de juger et d’agir au nom des pauvres et des plus vulnérables», avait dit en ouverture Mgr Gabriel Justice Yaw Anokye, archevêque de Kumasi (Ghana) et président de Caritas Africa. «Dans les périodes de difficulté et de crise — a-t-il ajouté —, nous pouvons voir l’action de Dieu dans la solidarité».

«Nous ne pouvons pas ne pas agir — lui a fait écho le prêtre nigérian Henry Terwase Akaabiam, secrétaire général du Secam — car si l’Afrique vit dans l’endettement, le monde entier vivra dans l’endettement. Si l’Afrique va bien, le monde entier va bien».

«C’est vrai — a confirmé le père Augusto Zampini, secrétaire adjoint du Dsdhi et membre de la direction de la Commission vaticane Covid-19, voulue par le Pape il y a précisément un an — et alors que nous pensons à comment combattre et vaincre la pandémie d’un point de vue sanitaire, nous devons garder à l’esprit ce que dit François: comment sortirons-nous de cette crise, meilleurs ou pires? Car nous devons nous rappeler que cette crise n’est pas isolée, mais elle est liée aux précédentes: la crise due à la pandémie n’a fait qu’exacerber des crises déjà en cours. Nous ne pouvons donc pas sortir de cette crise, qui est sanitaire, économique, sociale, politique, culturelle, sans alléger le poids de la
dette».

«Ce n’est pas seulement une question technique ou de simple solidarité, bien qu’importante — a ajouté Augusto Zampini —, mais une question de justice. De justice intergénérationnelle, parce que nous ne pouvons pas faire payer tous les effets de nos erreurs à nos enfants et aux générations futures, et de justice spirituelle. Et nous ne pouvons pas non plus oublier la dette écologique des “Grands”, principaux responsables du changement climatique; mais dont le poids retombe en grande partie sur les pays les plus pauvres. Comme les pays africains».

«La dette et la pauvreté sont cousines, elles vont malheureusement de pair», a commenté sœur Hellen A. Bandiho, secrétaire générale d’Acweca. «Imaginez le nombre d’écoles qui peuvent être cons-truites chaque année — a expliqué la religieuse tanzanienne des Sisters of Saint Therese of the Child Jesus — ou des bancs qui peuvent être achetés pour permettre aux étudiants d’apprendre commodément, au lieu d’être assis sous les arbres. Imaginez le nombre de centres sanitaires qui peuvent être construits ou améliorés pour permettre aux femmes de parcourir moins de kilomètres à pied pour les rejoindre».

«C’est certainement une question éthique — a affirmé le père Charlie Chilufya, directeur du bureau justice et écologie de la Jcam — mais pas seulement: c’est bien davantage. Le fait est que la persistance de la pandémie dans les périphéries du globe, par manque de moyens, met à risque la santé de tous». Aujourd’hui, le coût des dettes accumulées serait suffisant à vacciner tout le continent contre le coronavirus. Toutefois, a souligné le jésuite de Zambie, «cette crise, qui est très violente, fournit également de nombreuses opportunités de collaboration que l’on n’avait jamais vues auparavant: les gens, comme nous aujourd’hui, sont en train de s’unir pour trouver une solution en vue de promouvoir la vie dans le monde».

Pour sa part, Jaime Atienza, de l’ong Oxfam, a attiré l’attention sur le lien existant entre toutes les forces qui peuvent concourir pour améliorer les situations de crise. «Nous sommes à un moment où nous devons pousser la finance vers la justice sociale», a-t-il dit.

«Tout est lié. C’est pourquoi, — a-t-il poursuivi — nous devons travailler et insister davantage pour obtenir des mesures plus amples, un élan plus fort vers les objectifs de développement durable; et cons-truire des coalitions, pratiquer l’exercice de la solidarité avec la société civile, les médias, les leaders mondiaux».

«L’urgence de l’annulation de la dette — a souligné le jésuite Dominic Chai, économiste sud-
coréen ayant grandi en Californie, qui collabore avec la Commission vaticane Covid-19 — nous demande de travailler avec constance et de continuer le dialogue entre tous. En agissant ainsi, il sera possible de développer aussi bien la conscience que l’engagement à un nouveau niveau, non seulement dans le contexte africain, mais dans n’importe quelle région du monde où le poids de la dette injuste se fait sentir».

L’universalité de l’action pour l’annulation de la dette partout où cela devient nécessaires (pas seulement en Afrique, mais également en Amérique latine, en Asie et en Océanie) est un concept également réaffirmé par le cardinal Turkson. Comment faire dans la pratique? Tout d’abord en partant du modèle «voir-juger-agir», a expliqué le cardinal. Ensuite, «en mettant en œuvre des actions de plaidoyer et de pression dans deux directions: dans les dialogues avec les grandes institutions financières et internationales et dans les relations avec les gouvernements et les groupes au niveau local et national, pour garantir la plus grande transparence des activités». Car «la personne, comme l’enseigne la doctrine sociale de l’Eglise — a conclu le préfet du Dsdhi — a une dignité qui ne peut pas être compromise: personne ne peut être laissé en arrière à cause de l’injustice. Nous sommes appelés à être les gardiens de nos frères: tel est le cœur de notre solidarité».