Journée mondiale de commémoration des victimes du génocide

Rwanda: un devoir
de mémoire

Le «Bisesero Genocide Memorial» dans l’ouest du Rwanda
14 avril 2021

Faire mémoire du génocide qui ensanglanta entre avril et juillet 1994 le Rwanda, l’extraordinaire pays des mille collines, encastré au cœur de la Région des Grands Lacs, est certainement un devoir pour les croyants et les non-

croyants. Il ne s’agit simplement de revenir en arrière dans l’histoire pour retrouver de pâles photogrammes décolorés par le temps. Nous nous trouvons plutôt face à une réalité impitoyable, funeste et violente que non seulement le peuple rwandais, mais toute la communauté des nations, a le sacrosaint devoir de ne pas oublier.

La brutalité des assassinats perpétrés en ces mois fut la manifestation évidente de ce que l’âme humaine, dans sa dépravation, peut concevoir de plus diabolique et pervers. C’est pourquoi il est important d’affirmer, avec le cœur et avec l’esprit, la ferme condamnation de ce qui eut lieu à l’époque, en exprimant un sentiment civil, énergique et vigilant, une passion authentique pour tout ce qui concerne le droit à la vie, la non-violence, la paix, la fraternité, l’égalité, la liberté et la démocratie. Dans ce tragique épisode, il est utile de le rappeler, au moins 800.000 personnes trou-vèrent la mort, dont un grand nombre de tutsis, mais aussi de hutus, immolés comme victimes sacrificielles d’une violence effrénée à l’enseigne de la folie.

Bien que l’année précédant cet horrible massacre, en octobre 1993, ait été déployée une force de paix multinationale, la Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda (Minuar), dont le mandat était limité à un appui aux parties pour l’application de l’accord d’Arusha (Tanzanie), afin de soutenir un partage pacifique du pouvoir (accord qui, par ailleurs, ne fut jamais réellement appliqué), la grande partie de la Minuar se retira immédiatement après l’explosion de la violence à Kigali et aux alentours. Le fait que l’Onu n’ait pas garanti la protection de la population civile du génocide a été examiné et reconnu dans un rapport des Nations unies, publié en décembre 1999.

En outre, le génocide rwandais représenta l’implosion d’une diplomatie qui ne fut pas en mesure de prévenir les ignobles massacres des civils, et ensuite de limiter les effets d’un lourd enchaînement d’événements au niveau régional, qui est encore en cours. Parmi eux, l’exode du pays des hutus rwandais: fin août 1994, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (hcnur) avait estimé en outre à deux millions le nombre des réfugiés dans les pays limitrophes, dont 1,2 millions au Zaïre, 580,000 en Tanzanie, 270,000 au Burundi et 10,000 en Ouganda. Sur une population de sept millions d’habitants, la quasi-totalité avait subi les conséquences du conflit.

Il reste le fait que si aujourd’hui encore, le secteur oriental de la République démocratique du Congo est incandescent, c’est parce que dès cette époque, la crise du Rwanda a contaminé par induction les pays voisins. D’autre part, ceux que l’on a appelé les génocidaires rwandais comptaient dès la fin 1994, des alliés dans l’administration locale des deux provinces congolaises du Kivu, et certains officiers des anciennes Far (Forces armées rwandaises) gagnèrent, de fait, le contrôle des camps de réfugiés. Les opérateurs humanitaires n’étaient absolument pas en mesure de leur tenir tête. Il suffit de penser qu’à Goma, dans le Nord Kivu, les tentes étaient regroupées par secteur, commune, sous-préfecture et préfecture, telle une copie conforme de l’organisation administrative du pays que les réfugiés avaient quitté depuis peu. La présence dans les camps des anciens dirigeants du Rwanda équivalait, en réalité, à une sorte de gouvernement en exil. Les officiers de haut grade des anciennes Far finirent par être transférés dans un camp à part, et leurs subordonnés furent persuadés de se défaire de leurs uniformes; mais la population était encore de toute évidence sous leur contrôle, et sous celui des miliciens hutus interahamwe.

Par la suite, la première et la deuxième guerre congolaise ont eu pour effets que, outre provoquer la mort de nombreux réfugiés rwandais dans les contrées internes de Shabunda, Walikale et Tingi-Tingi, une galaxie de formations armées a vu le jour, surtout au Nord et au Sud Kivu, qui sèment aujourd’hui encore la mort et la destruction.

Entre temps, le Rwanda s’est relevé et les nouvelles générations, se tournant vers l’avenir, confèrent un élan important, non seulement au progrès économique, mais surtout à la recomposition de ces divisions sur une base ethnique, qui ont -beaucoup nui au tissu social. A ce propos, le rôle des agences éducatives dans le domaine de la société civile et en particulier dans celui des églises chrétiennes, est fondamental pour construire un avenir à l’enseigne de la coexistence pacifique et du bien-être commun.

Giulio Albanese