Messe pour les cinq cents ans de l’évangélisation du peuple asiatique

Merci pour la joie
que les Philippins
apportent dans le monde

SS. Francesco - Santa Messa per la Comunità Filippina  14-03-2021?
16 mars 2021

«Cinq cents ans se sont écoulés depuis que l’annonce chrétienne est arrivée pour la première fois aux Philippines. Vous avez reçu la joie de l’Evangile... Et cette joie se voit dans votre peuple, elle se voit dans vos yeux, sur vos visages, dans vos chants et dans vos prières. La joie avec laquelle vous portez votre foi dans d’autres terres»: c’est ce qu’a souligné le Pape au cours de la Messe célébrée dans la basilique vaticane dans la matinée du dimanche 14 mars, à l’occasion du cinquième centenaire de l’évangélisation des Philippines. Nous publions ci-dessous le texte de l’homélie prononcée par le Pape après la proclamation de l’Evangile.

«Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique» (Jn 3, 16). C’est là le cœur de l’Evangile, c’est là le fondement de notre joie. Le contenu de l’Evangile, en effet, n’est pas une idée ou une doctrine, mais c’est Jésus, le Fils que le Père nous a donné pour que nous ayons la vie. Jésus est le fondement de notre joie, cela n’est pas une belle théorie sur la façon d’être heureux, mais c’est l’expérience d’être accompagné et aimé sur le chemin de la vie. «Il a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils». Arrêtons-nous un moment, frères et sœurs, sur ces deux aspects: «il a tant aimé» et «il a donné».

Tout d’abord, Dieu a tant aimé. Ces paroles, que Jésus adresse à Nicodème — un vieillard juif qui voulait connaître le Maître — nous aident à découvrir le véritable visage de Dieu. Depuis toujours, il nous a regardés avec amour et par amour, il est venu parmi nous dans la chair de son Fils. En lui, il est venu nous chercher dans les lieux où nous nous sommes égarés; en Lui il est venu nous relever de nos chutes; en Lui, il a pleuré nos larmes et guéri nos blessures; en Lui, il a béni notre vie pour toujours. Quiconque croit en lui, dit l’Evangile, ne se perd pas (ibid.). En Jésus, Dieu a prononcé la parole définitive sur notre vie: tu n’es pas perdu, tu es aimé. Toujours aimé.

Si l’écoute de l’Evangile et la pratique de notre foi ne dilatent pas notre cœur pour nous faire saisir la grandeur de cet amour, et si peut-être nous nous glissons vers une religiosité sérieuse, triste, fermée, alors c’est le signe que nous devons nous arrêter un peu et écouter à nouveau l’annonce de la bonne nouvelle: Dieu t’aime tellement qu’il te donne toute sa vie. Ce n’est pas un dieu qui nous regarde avec indifférence d’en haut, mais c’est un Père, un Père amoureux qui s’implique dans notre histoire; ce n’est pas un dieu qui prend plaisir à la mort du pécheur, mais un Père soucieux que personne ne soit perdu; ce n’est pas un dieu qui condamne, mais un Père qui nous sauve avec le baiser bénissant de son amour

Et venons-en au deuxième mot: Dieu «a donné» son Fils. Justement parce qu’il nous aime tant, Dieu se donne lui-même et nous offre sa vie. Celui qui aime sort toujours de lui-même — ne l’oubliez pas: celui qui aime sort toujours de lui-même. Toujours, l’amour s’offre, se donne, se dépense. La force de l’amour est précisément cela: il brise la coquille de l’égoïsme, rompt les limites des certitudes humaines trop calculées, abat les murs et vainc les peurs, pour se faire don. C’est la dynamique de l’amour: faire don de soi, se donner. Celui qui aime est ainsi: il préfère risquer en se donnant plutôt que de s’atrophier en se retenant pour lui-même. C’est pourquoi Dieu sort de lui-même, parce qu’il «a tant aimé». Son amour est si grand qu’il ne peut s’empêcher de se donner à nous. Quand le peuple en marche dans le désert a été attaqué par des serpents venimeux, Dieu a fait faire à Moïse le serpent de bronze; en Jésus, cependant, élevé sur la croix, il est venu lui-même nous guérir du poison que donne la mort, il s’est fait péché pour nous sauver du péché. Dieu ne nous aime pas en paroles: il nous donne son Fils pour que quiconque le regarde et croit en lui soit sauvé (cf. Jn 3, 14-15).

Plus on aime et plus on devient capable de donner. Cela est aussi la clé pour comprendre notre vie. Il est beau de rencontrer des personnes qui s’aiment, qui se veulent du bien et partagent leur vie; on peut dire d’elles comme de Dieu: elles s’aiment tellement qu’elles donnent leur vie. Ce n’est pas ce que l’on peut produire ou gagner qui compte, c’est surtout l’amour que l’on sait donner.

Et cela est la source de la joie! Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils. L’invitation que l’Eglise adresse ce dimanche prend alors tout son sens: «Réjouis-toi [...]. Ré-jouissez-vous et soyez dans l’allégresse, vous qui étiez dans la tristesse: rassasiez-vous de l’abondance de votre consolation» (Antienne d’ouverture; cf. Is 66, 10-11). Je repense à ce que nous avons vécu il y a une semaine en Irak: un peuple martyrisé a exulté de joie; grâce à Dieu, à sa miséricorde.

Parfois, nous cherchons la joie là où elle n’est pas, nous la cherchons dans les illusions qui disparaissent, dans les rêves de grandeur de notre moi, dans l’apparente sécurité des choses matérielles, dans le culte de notre image, et tant d’autres choses... Mais l’expérience de la vie nous enseigne que la véritable joie est de se sentir aimé gratuitement, se sentir accompagnés, avoir quelqu’un qui partage nos rêves et qui, lorsque nous faisons naufrage, vient nous aider et nous conduire vers un port sûr.

Chers frères et sœurs, cinq cents ans se sont écoulés depuis que l’annonce chrétienne est arrivée pour la première fois aux Philippines. Vous avez reçu la joie de l’Evangile: que Dieu nous a tant aimés qu’il a donné son Fils pour nous. Et cette joie se voit dans votre peuple, -elle se voit dans vos yeux, sur vos visages, dans vos chants et dans vos prières. La joie avec laquelle vous portez votre foi dans d’autres terres. J’ai souvent dit qu’ici, à Rome, les femmes philippines sont des «contrebandières» de la foi! Parce que là où elles vont travailler, elles travaillent, mais elles sèment la foi. C’est — permettez-moi l’expression — une maladie générationnelle [génétique], mais une maladie bienheureuse! Conservez-la! Apportez la foi, cette annonce que vous avez reçue il y a 500 ans, et que vous portez maintenant. Je veux vous dire merci pour la joie que vous apportez au monde entier et dans les communautés chrétiennes. Je -pense, comme je l’ai dit, à tant de belles expériences dans les familles romaines — mais il en est ainsi partout dans le monde — où votre présence discrète et laborieuse a également su être aussi un témoignage de foi. Avec le style de Marie et Joseph: Dieu aime apporter la joie de la foi à travers un service humble et caché, courageux et persévérant

En cette occasion si importante pour le saint peuple de Dieu aux Philippines, je veux également vous exhorter à ne pas casser l’œuvre de l’évangélisation — qui n’est pas du prosélytisme, c’est une autre chose. Cette annonce chrétienne que vous avez reçue doit toujours être apportée aux autres; l’Evangile de la proximité de Dieu demande à s’exprimer dans l’amour des frères; le désir de Dieu que personne ne soit perdu demande à l’Eglise de prendre soin de ceux qui sont blessés et vivent aux marges. Si Dieu aime tant qu’il se donne lui-même, l’Eglise aussi a cette mission: elle n’est pas envoyée pour juger, mais pour accueillir; pas pour imposer, mais pour semer; l’Eglise est appelée non pas à condamner mais à apporter le Christ qui est le salut.

Je sais que c’est le programme pastoral de votre Eglise: l’engagement missionnaire qui implique tout le monde et rejoint tout le monde. Ne vous découragez jamais de marcher sur ce chemin. N’ayez pas peur d’annoncer l’Evangile, de servir, d’aimer. Et avec votre joie, vous pourrez faire en sorte que l’on dise aussi de l’Eglise: «Elle a tant aimé le monde!». Une Eglise qui aime le monde sans le juger et qui se donne pour le monde est belle et attirante. Chers frères et sœurs, je souhaite qu’il en soit ainsi, aux Philippines et partout sur la terre.