Quatre Petite Sœurs de Jésus dans la périphérie de Milan, où le Pape François rencontra les plus fragiles
Les Petites Sœurs de Jésus vivent dans un HLM à la périphérie de Milan, on l’appelle la zone des Maisons Blanches. A présent elles sont quatre, depuis fin août Giuliana, Rita et Valeria ont été rejointe par Florence, d’origine nigériane. Des vies consacrées à la prière dans la petite chapelle à l’intérieur de leur appartement, et au dur travail à l’extérieur et à l’intérieur du quartier.
Actuellement, elles vivent grâce à des travaux de nettoyage dans des bureaux et dans une maison d’accueil pour malades et leurs familles qui habitent en dehors de la ville. «Il y a quelques années, nous avons travaillé également dans une entreprise de nettoyage de l’institut contre les tumeurs, dans la cantine d’une école maternelle et comme femmes de ménage dans des maisons privées», dit la petite sœur Giuliana.
Ouvrières parmi les ouvriers, c’est ainsi qu’elles veulent se sentir. Elles vivent dans ce quartier de périphérie où les immigrés — aujourd’hui pour la plupart d’Afrique du Nord, d’Amérique centrale et du Sud, du Sri Lanka, des Philippines — représentent depuis toujours 20% de la population; il en était déjà ainsi quand, en revanche, dans les Maisons Blanches, il y avait les «case minime», de vieilles maisons avec des balustrades s’ouvrant sur une cour intérieure, construites pendant l’après-guerre pour accueillir des familles milanaises en difficulté et des immigrés du sud de l’Italie. Un quartier très ancien, qui jusqu’au XVe siècle accueillit le monastère des frères Humiliés, une ferme avec une cour fermée par des bâtiments agricoles et des édifices qui formaient une grange monastique, la grange de Monluè, jusqu’à ce que l’Ordre ne soit dissout par saint Charles Borromée. Aujourd’hui encore ce quartier est valorisé par la présence de deux maisons d’accueil pour immigrés et demandeurs d’asile politique.
Les Petites Sœurs, un institut religieux féminin de droit pontifical, arrivèrent ici en 1954; ensuite, en 1977, quand les «case minime» furent démolies, elles se transférèrent dans les Maisons Blanches. Leurs présence, assidue et silencieuse, a représenté un point de référence d’accueil et de solidarité pour les habitants de ce territoire de frontière.
Dans cet immeuble de 477 appartements de diverses dimensions vivent environ 2.000 personnes, dont beaucoup de personnes âgées seules. Misère et chômage s’ajoutent à des années de négligence et d’abandon et c’est pourquoi ce quartier est souvent décrit comme un lieu abandonné et de délinquance, la forteresse de la criminalité. «Mais il n’en est pas ainsi, il n’y a pas que de la souffrance», explique la petite sœur Giuliana. Le 25 mars 2017, le Pape François en visite à Milan a choisi de venir ici pour rencontrer les familles les plus fragiles et indigentes. Les Maisons Blanches finirent en première page et, depuis quelques mois, les premiers travaux de restructuration ont commencé.
Dans l’appartement des Petites Sœurs, il y a toujours un va et vient de personnes qui cherchent le réconfort, la prière, des conseil, l’écoute. «Et d’enfants — ajoute Giuliana —. Parfois ils arrivent avec l’excuse qu’ils ont soif, ensuite ils s’arrêtent pour jouer, pour dessiner. Eux aussi ont besoin d’être écoutés. D’autres fois ce sont les parents eux-mêmes qui nous demandent de les garder, comme on fait entre bon voisins, tandis qu’ils sortent».
Sœur Giuliana sort tôt le matin, comme ses consœurs, à l’exception de sœur Rita qui depuis quelques mois a quitté son travail à l’Institut contre les tumeurs pour s’occuper de la maison et être plus proche des gens du quartier. Le travail humble, fatigant, est important pour se sentir proches des autres. «Ces emplois nous aident à partager la difficulté et le quotidien de nombreuses personnes et nous rendent solidaires sans beaucoup de paroles. Notre routine nous met sur le même plan que nos voisins de pallier, nous aide à développer ces relations d’égalité et de soutien réciproque qui sont fondamentales pour notre mission. Le fait d’être parmi eux nous rend égales et abordables. Un petit signe du Royaume de Dieu, que nous aussi nous découvrons dans notre réalité, faite de rencontres, de regards, de gestes concrets». La Fraternité des Petites Sœurs naît en 1939, à l’initiative de petite sœur Magdeleine de Jésus attirée par le témoignage de Charles de Foucauld, l’héritier d’une noble famille militaire française qui renonça à tout, devint frère universel, prêtre, ermite et missionnaire et mourut en 1916 assassiné au Sahara. Il sera bientôt proclamé saint. Son charisme a contribué à faire disparaître ce préjugé qui considère les religieuses comme des personnes qui se retirent de la vie de tous les jours. «Tu vivras mélangé à la masse humaine comme le levain dans la pâte» disait la fondatrice de la congrégation sœur Magdeleine dans son testament spirituel, s’adressant aux Petites Sœurs. «Ce n’est pas le quartier le plus difficile de Milan, mais comme dans chaque périphérie il y a un concentré de malaises aussi bien économiques que personnels, en partie dus au manque de travail», explique sœur Giuliana. Nous créons un réseau.
Avec les étrangers — beaucoup sont arabes et de religion musulmane — nous organisons depuis neuf ans des réunions hebdomadaires pour favoriser la connaissance réciproque; récemment, un couple musulman a commencé à enseigner la langue arabe avec des leçons hebdomadaires ouvertes à tous qui servent à développer le dialogue. Par ailleurs, les Petites Sœurs naissent en terre islamique, parmi les nomades du Sahara algérien; c’est «un parcours délicat, malgré les bonnes relations — ajoute petite sœur Giuliana — . A la suite d’un attentat une dame italienne, qui jusqu’à ce moment avait établi avec sa voisine musulmane une relation faite de visites, d’échange de plats typiques, de participation aux fêtes respectives, nous a raconté sa peur; et la femme musulmane son sentiment d’insécurité. Nous les avons aidées à retrouver une relation de confiance, sans les laisser en proie aux préjugés».
Giuliana avait 21 ans quand elle rencontra les Petites Sœurs de Jésus au cours d’un pèlerinage en Palestine. «A Bethléem, j’ai été profondément frappée par leur présence dans un quartier arabe, par cette vie très simple, et par la difficulté du quotidien qui était contrebalancée par la joie de la partager avec les habitants du lieu. C’est là que j’ai senti l’invitation à connaître et à suivre Jésus de cette manière. Quelques années plus tard, j’ai demandé à faire partie de la Fraternité». Les Petites Sœurs se dépouillent de l’habit et aussi de leur nom de famille. Pour être pareilles aux autres, elles s’habillent comme les femmes des endroits où elles vivent, les plus pauvres du monde, et elles adoptent la langue et les habitudes des lieux où elles vivent. «Et afin qu’il n’y ait pas de distinctions entre nous sur les cinq continents, les sœurs prennent le nom de famille de Jésus», explique sœur Giuliana. Petite sœur Magdeleine disait qu’il «peut exister une vraie amitié, une affection profonde entre des personnes qui n’ont pas la même religion, la même race et qui ne sont pas du même milieu». C’est ce qu’on essaye de faire aux Maisons Blanches.
Lilli Mandara