· Cité du Vatican ·

Le Pape indique la marche à suivre pour être missionnaire

Léon XIV et les martyrs d’Algérie

 Léon XIV et les martyrs d’Algérie  FRA-010
02 septembre 2025

Andrea Tornielli

Dans le message envoyé aux participants à la rencontre annuelle pour l’amitié entre les peuples à Rimini, Léon XIV a cité l’exposition consacrée aux martyrs d’Algérie, à travers lesquels «resplendit la vocation de l’Eglise à habiter le désert en profonde communion avec l’humanité tout entière, en surmontant les murs de méfiance qui opposent les religions et les cultures, dans l’imitation totale du mouvement d’incarnation et de don du Fils de Dieu». Le Pape a souligné que «cette voie de présence et de simplicité» était «le véritable chemin de la mission». Une indication précieuse et particulièrement significative, non seulement pour le peuple rassemblé à Rimini, mais pour toute l’Eglise. En effet, la mission, comme on peut encore le lire dans le message, n’est jamais «une auto-exhibition, dans l’opposition des identités, mais le don de soi jusqu’au martyre de ceux qui adorent Jésus seul comme Seigneur, jour et nuit, dans la joie aussi bien qu’au milieu des tribulations».

En suivant le parcours de l’exposition sur les martyrs d’Algérie, il est émouvant de voir comment ils se sont dépensés pour ce peuple, simplement en partageant sa vie en chacun de ses aspects, en offrant un témoignage de fraternité, d’amitié, de proximité et d’aide concrète. Sans autopromotion, sans se soucier des chiffres, sans se fier à des stratégies élaborées sur le papier. C’est ce qui ressort d’une homélie de l’évêque martyr Pierre Claverie qui, en 1996, peu avant d’être tué par des fondamentalistes islamiques, répondant à la question de savoir pourquoi il continuait à vivre en Algérie alors qu’il risquait sa vie chaque jour, avait déclaré: «Nous sommes là-bas à cause de ce Messie crucifié. A cause de rien d’autre et de personne d’autre! Nous n’avons aucun intérêt à sauver, aucune influence à maintenir… Nous n’avons aucun pouvoir, mais sommes là comme au chevet d’un ami, d’un frère malade en silence, en lui serrant la main, en lui tenant le front.  A cause de Jésus parce que c’est lui qui souffre là, dans cette violence qui n’épargne personne, crucifié à nouveau dans la chair de milliers d’innocents».

Et il poursuivait: «Où serait l’Eglise de Jésus-Christ, elle-même Corps du Christ si elle n’était pas là d’abord? Je crois qu’elle meurt de n’être pas assez proche de la Croix de son Seigneur… Elle se trompe, l’Eglise, et elle trompe le monde, lors-qu’elle se situe comme une puissance parmi d’autres, comme une organisation humanitaire ou comme un mouvement évangélique à grand spectacle. Elle peut briller, elle ne brûle pas du feu de l’amour de Dieu».

Un jugement lucide et dramatique: l’Eglise meurt lorsqu’elle n’est pas assez proche de la croix de Jésus, lors-qu’elle se mondanise en se transformant en ONG, lorsqu’elle cherche le pouvoir politique et économique, lorsqu’elle se réfère aux chiffres, lorsqu’elle pense que pour évangéliser, il suffit de répéter le nom de Jésus-Christ à chaque occasion, au lieu d’accepter le défi de le suivre dans la réalité de la vie, dans la radicalité des choix et dans l’engagement en faveur des plus démunis. L’Eglise meurt lorsqu’elle transforme l’annonce de la foi en spectacle, lorsqu’elle pense pouvoir briller de sa propre lumière, oubliant qu’elle ne peut que refléter la lumière d’un Autre.

Le témoignage des martyrs d’Algérie, si éloigné de l’autopromotion égocentrique d’aujourd’hui, représente une provocation et un rappel à l’essence même de l’Evangile, signe de contradiction. Il est significatif qu’à la fin de son message pour la rencontre de Rimini, Léon XIV ait voulu rappeler le Pape François et son enseignement: «L’option pour les pauvres est une catégorie théologique avant d’être culturelle, sociologique, politique ou philosophique». Car Dieu «a choisi les humbles, les petits, les faibles et, par le sein de la Vierge Marie, il s’est fait l’un d’entre eux, pour écrire son histoire dans notre histoire. Le réalisme authentique est donc celui qui inclut ceux qui ont un autre point de vue, qui voient des aspects de la réalité qui ne sont pas reconnus par les centres de pouvoir où sont prises les décisions les plus déterminantes». Comme en ont témoigné les martyrs d’Algérie, jusqu’au bout, en mêlant leur sang chrétien à celui des nombreux musulmans victimes du fondamentalisme.