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Visite d’une délégation de la Cef en Terre Sainte

Le cardinal Aveline souhaite encourager le retour des pèlerins

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02 septembre 2025

Delphine Allaire

A Taybeh lors d’une Messe célébrée aux côtés de trois curés des paroisses chrétiennes de ce dernier village à majorité chrétienne du territoire éprouvé par les colons, dans une basilique de la Nativité déserte à Bethléem, ou auprès de la communauté monastique bénédictine d’Abu Gosh, le cardinal Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille et président de la Conférence épiscopale française, est venu du 16 au 20 août en pèlerinage avec un groupe de prélats à la rencontre des communautés religieuses locales pour leur apporter un soutien spirituel, matériel et fraternel. Comme le Pape Léon XIV l’y a invité dans un bref message, il s’est agi de vivre ce déplacement «comme un témoignage fort de -proximité et de miséricorde». Un voyage en des heures douloureuses et incertaines que le Souverain Pontife accompagne ainsi en esprit et par la prière.

«Nous ne sommes pas là pour parler, mais pour écouter et pour comprendre», a expliqué le cardinal Aveline devant les journalistes réunis dans les locaux du Patriarcat latin de Jérusalem. Aux côtés de ses deux vice-présidents, Mgr Benoît Bertrand et Mgr Vincent Jordy, mais aussi de l’auxiliaire de Jérusalem des Latins, Mgr William Shomali, l’archevêque de Marseille fait état de la tristesse, de l’angoisse et de la désolation ressenties ces derniers temps: «Il est difficile de vivre ici en sachant ce qu’il se passe tout près, à Gaza. Nous l’avons dans la tête et dans les cœurs. Nous savons à quel point cette situation pèse». Lors d’un entretien téléphonique dans la matinée du 19 août avec le curé Gabriel Romanelli, le cardinal avait été informé des opérations d’évacuation dans le quartier où se trouve l’église de la Sainte-Famille. Le cardinal Aveline a défini le père Romanelli de symbole de «la force intérieure» et de «la confiance en Dieu, quoi qu’il advienne», ajoutant qu’à son retour il aura «de nombreuses choses à dire à l’Eglise de France et aux Eglises d’Europe».

Pour commencer — a souligné le président de la Conférence épiscopale française — il faut encourager un retour progressif des pèlerins, en petits groupes et avec une nouvelle mentalité, en s’intéressant véritablement aux chrétiens et aux autres qui vivent sur cette terre. «Un pèlerin qui comprenne qu’il y a des chrétiens dans ce pays qui ne peuvent pas faire le pèlerinage qu’il est en train de faire. Un pèlerinage non pour améliorer le confort personnel de sa foi mais pour vivre une solidarité ecclésiale profonde. Il y a une conversion du pèlerin», souhaite le cardinal qui préside la Conférence ecclésiale de la Méditerranée. Selon lui, il en va de la responsabilité particulière de toute l’Eglise vis-à-vis de l’Eglise mère de Jérusalem. «La clé de lecture principale est politique, mais il y a une clé de lecture spirituelle et c’est la responsabilité des chrétiens que de l’appliquer. Cela concerne le mystère de l’Eglise et de la Passion», assure le cardinal français, ayant à ce sujet interrogé l’ancien patriarche latin de Jérusalem, Michel Sabbah, à Taybeh. «Nous vivons quelque chose de la continuation de la Passion du Christ», lui a-t-il répondu. Le cardinal a ensuite évoqué le mystère du judaïsme, méditant sur le lien «vital, profond et existentiel» entre juifs et chrétiens. «Comment vivre la foi juive comme une racine pour nous plus ou moins acceptée et pour eux comme un fruit plus ou moins reconnu? Avec les choix politiques actuels du gouvernement israélien actuel où, nous le savons d’expérience, toute critique du gouvernement israélien est taxée d’antisémitisme. Or, nous avons besoin d’un débat», assure-t-il, évoquant directement «le grave» antisémitisme croissant en Europe.

En cela, l’archevêque de la cité phocéenne ne cache pas son admiration pour son frère cardinal Pierbattista Pizzaballa, patriarche de Jérusalem des Latins, faisant preuve «de patience, de courage et de volonté de dire la vérité» sans jamais que son expression ne nuise à la dignité d’une personne, de quelque bord qu’elle se trouve. «L’un des buts de cette visite est de l’aider dans son travail», précise-t-il. Dans cette matière politique et spirituelle d’une complexité inégalée, le président des évêques de France souhaite toutefois insister sur la joie profonde de l’Evangile, dont la pauvreté fait partie, qu’il perçoit en ces lieux blessés et bénis. «Elle n’est pas un enthousiasme de surface mais une joie profonde car elle est liée à l’espérance. Quand toutes les raisons d’espérer disparaissent, seule reste dans le cœur de ceux qui croient au Christ l’espérance de la Résurrection», affirme-t-il, livrant une définition de l’espérance venue du moine trappiste André Louf: «Dieu sait faire des chefs d’œuvres avec les décombres de nos rêves». «Ici, beaucoup de rêves se sont effondrés, il y a beaucoup de décombres, mais voilà l’espérance que nous sommes venus partager».