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La paix, une épreuve

 La paix, une épreuve  FRA-010 La paix, une épreuve  FRA-010
02 septembre 2025

Guillaume Vanier

Diplômé en théologie, libraire à la Procure

A plus de 92 ans, le père jésuite Paul Valadier, spécialiste de Nietzsche et théologien moraliste reconnu, n’a rien perdu de son acuité pour nous aider à décrypter le monde qui nous entoure. Pour preuve, son livre La paix, une épreuve, un des premiers des éditions Loyola (publications de la province jésuite d’Europe occidentale francophone au sein des éditions du Cerf) où il s’attache à décrire ce que la paix requiert de nous et donc à débusquer, en miroir, la guerre sous tous ses aspects.

Mais d’abord, comment définir la paix? Face à sa réduction au simple «silence des armes», l’auteur liste toutes les menaces actuelles et nouvelles qui pèsent sur elle: la guerre classique certes, mais également sous sa forme nouvelle de «guerre par morceaux» (Pape François), le terrorisme, les divers trafics, la propagande des fake news sur les réseaux sociaux, la perte de confiance des citoyens entre eux et envers les autorités, bref tout ce qui contribue au délitement du lien social et civique, propre à l’émergence de régimes autoritaires. Paul Valadier va jusqu’à parler, pour nos pays occidentaux, d’une «apparence de paix». Sous la pression des événements extérieurs et parce que la violence habite le cœur de l’homme, «la culture civilisée est une couche fragile que les pulsions de mort déchirent facilement». Face à ce constat, l’auteur insiste particulièrement sur deux «remparts»: l’éducation des citoyens à la paix — ce qui signifie aussi l’apprentissage du débat démocratique — et la revitalisation du droit et des organisations internationales.

Dans ce monde de conflits ouverts ou larvés, le rôle des chrétiens, pour être indispensable, n’en est pas moins traversé d’une «tension dialectique»: comment répondre à la violence tout en restant fidèle à l’Evangile? Dans un des chapitres les plus intéressants du livre, Paul Valadier prend soin de faire le point sur des notions capitales mais parfois mal comprises des chrétiens eux-mêmes: pacifisme, non-violence, guerre juste. Dès lors, c’est en fonction de leur charisme particulier, de leur conscience, de leur discernement des évènements historiques que les chrétiens pourront s’engager, sous une forme ou un autre, et ne pas laisser croire que leur désir de la paix s’assimile, dans les faits, à une démission de leurs responsabilités. Avec réalisme et parce que nous risquons trop souvent de nous bercer de «naïvetés idéalistes», nous sommes invités à nous poser dès maintenant ces questions pour ne pas être pris au dépourvu si l’heure de la guerre vient à sonner.

La paix, écrit Paul Valadier, est une épreuve, mais, au long de ces pages, elle apparaît comme une exigence, particulièrement pour les chrétiens appelés à la vigilance, à l’esprit critique, au refus des idoles et des illusions, à cultiver la «fraternité universelle» pour désarmer les germes de la guerre et des totalitarismes. En filigrane se dessine une posture pour le croyant en tant qu’homme ou femme dans la cité, celle de demeurer «toujours un peu suspect aux yeux des dictateurs» d’où qu’ils viennent.

La paix, une épreuve, Paul Valadier, éditions Loyola, 2025, 172 pages, 16 euros.