
Il y a vingt ans, le 16 août 2005, la communauté de Taizé était frappée par un drame: son fondateur, frère Roger Schutz, était assassiné en pleine prière. Aujourd’hui encore, le souvenir de ce moine devenu un témoin universel d’espérance demeure indissociable de son combat pour la paix. Pour lui, le Corps du Christ et le mystère de la communion étaient inséparables de la quête de la paix dans le monde.
Né en 1915, en pleine Première Guerre mondiale, Roger Schutz grandit pendant la guerre. Il passera sa vie à essayer de faire en sorte que les horreurs connues par sa génération ne se répètent pas. En 1940, alors que la Seconde Guerre mondiale fait rage, il quitte la Suisse neutre pour s’installer à Taizé, en Bourgogne. A peine âgé de 25 ans, il y ouvre sa maison pour y accueillir des réfugiés, notamment des juifs. Après la guerre, avec les premiers frères qui le rejoignent, il apporte soutien aux prisonniers allemands détenus dans un camp voisin. «L’Eglise n’existe pas pour elle-même mais pour le monde, afin d’y déposer un ferment de paix», écrivait-il. Pendant la Guerre froide, son engagement s’élargit au monde entier.
Chaque été, Taizé devient un carrefour où se rassemblent des dizaines de milliers de jeunes du monde entier. Dans la prière, le silence et le chant, ils découvrent une fraternité qui transcende les conflits. Frère Roger leur rappelait que cette communion n’était pas un refuge, mais un envoi: «Être levain dans la pâte », disait-il, artisans de paix dans le monde d’aujourd’hui. Sa mort violente, en 2005, aurait pu ternir son message. Mais la réaction de la communauté, le choix du pardon, sans haine ni rancune, l’a au contraire prolongé. Fidèles à son esprit, les frères de Taizé continuent d’appeler à la réconciliation et à la paix. «Ne restez jamais immobiles, avancez avec vos frères, courez vers le but sur les pas du Christ». La communauté de Taizé a été fondée en temps de guerre, et le désir actuel de ses membres d’une paix durable et d’une réconciliation dans la vérité dans les pays déchirés par les conflits reste bien vivant, comme le rappelle frère Matthew, prieur de Taizé. Dans un monde traversé par la guerre, de l’Ukraine à Gaza, mais aussi au Soudan, au Nicaragua, ou au Myanmar, la parole de frère Roger résonne avec force. La paix ne se décrète pas: elle se construit, jour après jour, dans la confiance, l’accueil et le pardon. (zoé caillard)