· Cité du Vatican ·

Présentation d’un document sur la justice climatique

Pour une conversion écologique et des modèles économiques solidaires

 Pour une conversion écologique  et des modèles économiques solidaires  FRA-009
07 août 2025

Roberto Paglialonga

La crise climatique «n’est pas seulement un problème technique», mais «une réalité urgente, une question existentielle de justice, de dignité et de sauvegarde de la maison commune». Pour essayer de faire face à cette crise, les fausses solutions telles que le capitalisme «vert», la technocratie, la marchandisation de la nature et l’extractivisme, qui perpétuent l’exploitation et l’injustice, sont à refuser. Il faut, au contraire, «une profonde conversion écologique», un changement structurel, qui ne peut pas ne pas comprendre aussi un véritable changement de modèle du système économique, «en remplaçant la logique du profit illimité par l’écologie intégrale». Telle est la conviction exprimée dans le document Un llamado por la justicia climática y la casa común: conversión ecológica, transformación y resistencia a las falsas soluciones (Un appel pour la justice et la maison commune: conversion écologique, transformation et résistance aux fausses solutions), présenté dans la matinée du 1er juillet au Bureau de presse du Saint-Siège par le Symposium des Conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM), la Fédération des Conférences épiscopales d’Asie (FABC) et le Conseil épiscopal latino-américain (CELAM), coordonné par la Commission pontificale pour l’Amérique latine (PCAL). Y ont participé, avec la modération de la vice-directrice du Bureau de presse, Cristiane Murray, la secrétaire de la PCAL, Emilce Cuda, et les cardinaux Jaime Spengler, archevêque de Porto Alegre (Brésil), président du CELAM et de la Conférence des évêques du Brésil; Filipe Neri Ferrão, archevêque de Goa et Damão, en Inde, président de la FABC; Fridolin Ambongo Besungu, archevêque de Kinshasa, en République démocratique du Congo, et président du SCEAM.

C’est un appel commun des Eglises du sud du monde, ont expliqué les rapporteurs, qui s’insère dans la perspective de la prochaine COP30, qui aura lieu à Belém, au Brésil, du 10 au 21 novembre 2025, pour demander «équité, justice et protection» en défense de populations autochtones, d’écosystèmes, de communautés appauvries et de personnes vulnérables, comme les jeunes, les femmes et les personnes âgées. Il s’inspire de l’Encyclique Laudato si’ du Pape François, et de l’invitation du Pape Léon XIV à affronter «les blessures causées par la haine, la violence, les préjugés, la peur de la différence et par un modèle économique qui exploite les ressources de la Terre et marginalise les plus pauvres». Le document, que les rapporteurs ont présenté au Souverain Pontife avant la rencontre avec la presse, illustre les engagements que l’Eglise pourra mettre en œuvre: la défense des plus faibles dans les décisions prises sur le climat et la nature; la promotion de systèmes basés sur la solidarité, la «sobriété heureuse» et les principes de la sagesse ancestrale; le renforcement d’une alliance intercontinentale entre les pays du Sud; mais également la création d’un «Observatoire sur la justice climatique» pour suivre les résultats de la COP. L’accent mis sur la question de l’éducation, décisive pour lutter contre «la position ouvertement négationniste et apathique adoptée par des tranches super-riches de la société, appelées élites du pouvoir», est importante, souligne le document, qui reprend aussi l’Exhortation apostolique du Pape François Laudate Deum (n. 38).

Cependant, le rapport s’adresse également à tous les acteurs globaux avec des requêtes spécifiques: «Respecter les Accords de Paris», mettant «le bien commun au-dessus du profit»; transformer le système économique de façon plus durable pour la planète; «promouvoir les droits humains».

«Nous cherchons à atteindre le cœur des -croyants et des non-croyants», a déclaré Emilce Cuda. Les Eglises particulières du Sud global prévoient «de construire des ponts entre elles comme expression de la catholicité», et des ponts avec ceux qui sont en dehors de l’Eglise. Ainsi, le document est «une expression concrète de la capacité de dépasser les divisons et les idéologies» car «soit nous nous unissons soit nous nous -noyons».

«Le message est clair: il n’y a pas de justice climatique sans conversion écologique, et il n’y a pas de conversion écologique sans résister aux fausses solutions», lui a fait écho le cardinal Jaime Spengler. Parmi elles, la financiarisation et la marchandisation de la nature, le capitalisme «vert», l’extraction minière, les monocultures énergétiques, qui sacrifient des communautés et des écosystèmes. «Il y a des intérêts économiques qui se cachent derrière ces fausses solutions: est-il encore possible que la question climatique soit l’affaire d’une poignée de personnes?», a dénoncé le cardinal. La conversion a un prix à payer: «Soit nous avons le courage de prendre des décisions, soit nous mettons en danger l’avenir des prochaines générations».

L’inspiration peut venir d’une transition équitable, communautaire, avec, au centre, les jeunes et les femmes. Mais pour qu’elle se concrétise — au-delà de la défense de la souveraineté des peuples autochtones et des communautés traditionnelles sur les territoires, l’élimination des combustibles fossiles (le seuil de la hausse maximale des températures à 1,5°C a déjà été dépassé au cours de la période 2015-2024), la promotion de mécanismes de solidarité et le respect des cultures locales — il faut un changement de modèle économique. «Que les pays riches — indique le document — reconnaissent et s’acquittent de leur dette sociale et écologique en tant que principaux acteurs historiques responsables de l’extraction des ressources naturelles et des émissions de gaz à effet de serre; qu’ils s’engagent en faveur d’une économie accessible et efficace pour le climat qui ne génère plus de dette»; qu’ils forment une alliance avec les pays du Sud global pour l’éthique et la justice; qu’ils créent des «mécanismes de gouvernance du climat avec la participation active de la communauté»; que s’activent «des politiques de réduction de la demande et de la consommation ainsi que des objectifs de décroissance et de transition vers des modèles économiques plus circulaires, solidaires et réparateurs».

Dans ce sens, «l’Afrique est un exemple significatif», a souligné le cardinal Fridolin Ambongo Besungu. «C’est une terre riche, appauvrie depuis des siècles à cause de l’extractivisme et l’exploitation». Et aujourd’hui, «le continent qui pollue le moins paye le prix le plus fort de la pollution globale. Il est donc contradictoire d’utiliser les profits de l’extraction pétrolifère pour financer la transition».

Les mécanismes de compensation, encore insuffisants, seront fondamentaux, a également expliqué le cardinal Filipe Neri Ferrão. Et que les pays développés «s’acquittent de leur dette écologique, qui atteindra 192 trillions de dollars d’ici 2050». La COP30 au Brésil représente donc un appel historique, et tombe à un moment décisif pour l’humanité affligée aussi par la guerre: «Nous ne voulons pas que ce soit juste un autre évènement, mais un tournant moral», ont conclu les rapporteurs du document.