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La tâche grave et cruciale d’aider l’Eglise

 La tâche grave et cruciale  d’aider l’Eglise  FRA-009
07 août 2025

Jean-Charles Putzolu

«Je suis honoré de la confiance» accordée par Léon XIV, et je suis «pleinement conscient de la tâche grave et cruciale confiée à la Commission: aider l’Eglise à devenir toujours plus vigilante, responsable et compatissante dans sa mission de protection des plus vulnérables d’entre nous». C’est ainsi que S.Exc. Mgr Thibault Verny commente dans un communiqué sa nomination, le 5 juillet, comme nouveau président de la Commission pontificale pour la protection des mineurs. «Nos priorités seront axées sur le soutien aux Eglises, en particulier celles qui ont encore du mal à mettre en œuvre des mesures de protection adéquates», a ajouté le prélat, en assurant que «nous encouragerons la subsidiarité et le partage équitable des ressources afin que toutes les parties de l’Eglise, indépendamment de leur situation géographique ou de leur contexte, puissent respecter les normes de protection les plus élevées».

Mgr Verny mettra son expérience française au service de l’Eglise universelle, tout en conservant ses responsabilités diocésaines comme archevêque de Chambéry, évêque de Saint-Jean-de-Maurienne et de la Tarentaise en Savoie. Président du Con-seil de prévention et de lutte contre la pédophilie de la Conférence épiscopale de son pays jusqu’au mois de juin dernier, il a passé le relais à Mgr -Gérard Le Stang, évêque d’Amiens, élu par ses pairs lors de la dernière assemblée plénière. Au sein de l’archidiocèse de Paris d’abord, puis de la Conférence des évêques de France, Mgr Thibault Verny a participé activement à la lutte contre les abus dans l’Eglise, consacrant son temps à l’écoute et l’accompagnement des victimes ainsi qu’à la nécessaire interaction avec les autorités civiles et judiciaires. Il voit dans sa nomination une forme de reconnaissance du travail réalisé par l’Eglise de France avec la mise de la place de la Ciase (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise), jusqu’à la publication du rapport en octobre 2021 de son président Jean-Marc Sauvé et à l’institution de l’Inirr, organisme chargé de la réparation et l’indemnisation des victimes. Mgr Verny entend poursuivre le travail de son prédécesseur, le cardinal capucin américain Seán Patrick O’Malley avec lequel il a plusieurs fois eu l’occasion de collaborer, pour enraciner une culture de la protection des personnes vulnérables. Il se confie dans un entretien accordé aux médias du Vatican.

Monsignor Verny, vous prenez la présidence de la Commission pontificale pour la protection des mineurs, mise en place par François en mars 2014. Le Pape Léon XIV vous a choisi pour succéder au cardinal américain Sean O’Malley qui, à 80 ans, s’est retiré pour limite d’âge, comment accueillez-vous votre nomination?

Trois mots me sont venus à l’esprit et dans mon cœur. Tout d’abord, le mot humilité face à l’importance et à la gravité de la mission et des enjeux qui en découlent. Et puis le mot reconnaissance, vis-à-vis de notre Saint-Père, le Pape Léon XIV, pour la confiance qu’il me manifeste; reconnaissance évidemment aussi vis-à-vis du cardinal O’Malley que j’ai côtoyé au sein de la Commission et pour tout son travail. Le troisième mot, c’est détermination pour poursuivre et approfondir ce travail.

Vous avez une expérience au sein de la Conférence des évêques de France concernant cette délicate thématique. Vous allez pouvoir la mettre maintenant au profit de l’Eglise universelle...

En France, ma mission d’abord au sein de l’archidiocèse de Paris et ensuite de la Conférence des évêques m’a permis d’être à l’écoute des personnes victimes et de cheminer aussi avec elles. Cela a été une expérience décisive. Il m’a également été donné de travailler avec les interlocuteurs de la société civile, en particulier de la justice, avec lesquels nous avons pu mettre au point des protocoles de travail qui ont permis de stabiliser une méthodologie. C’est aussi un effet marquant de pouvoir travailler avec les instances civiles, en sus, bien sûr, de les tous les diocèses de France.

Quelles seront, selon vous, les priorités de la Commission et ses priorités pour l’Eglise universelle?

Je pense d’abord aux membres de la Commission pour la protection des mineurs et à tous ceux qui y travaillent. Je suis touché de continuer d’approfondir ce travail avec chacun des membres et avec l’équipe en place. Les priorités seront d’approfondir le travail qui a été déjà présenté à travers le rapport annuel, les initiatives auprès des pays qui en ont besoin et à travers l’initiative Memorare pour soutenir les Eglises dans l’accueil et l’accompagnement des victimes. Il y aura aussi le référentiel qui devrait bientôt paraître, qui donne des lignes directrices pour l’accompagnement et la protection des mineurs. Un autre point qui me semble important sera de pouvoir mettre en réseau les initiatives. Trop souvent, chaque pays travaille de son côté. Il faut pouvoir s’épauler les uns les autres et pouvoir partager ce qui se fait.

Quelle est, selon vous, l’importance du travail auprès des victimes et leur accompagnement?

La Commission n’est pas là pour se substituer aux structures locales et aux Conférences épiscopales. Il s’agit de sensibiliser dans les différents pays les différentes Conférences épiscopales, les différentes Congrégations religieuses, sur l’écoute et l’accompagnement spécifiques des personnes victimes. Au sein de la de la Commission pour la protection des mineurs, il est décisif qu’il y ait des personnes victimes, des parents de personnes victimes qui apportent leur expérience irremplaçable. Il me semble que c’est toute une mentalité, une culture, qu’il faut que l’on continue d’imprimer au sein des Eglises, pour qu’il y ait un état d’esprit de protection des mineurs qui devienne naturel, que ce soit au sein de l’Eglise, au sein des familles et aussi au sein de la société.

Quelle est votre appréciation du travail de la Commission telle que vous l’avez vu depuis votre diocèse savoyard, et notamment dans le climat d’hostilité parfois, ou tout au moins de méfiance de la part d’une partie de l’opinion publique, auquel la Commission et l’Eglise ont dû faire face?

Je pense que le mot hostilité n’est pas forcément adéquat. Je dirais plutôt exigence. Exigence vis-à-vis de l’Eglise au regard de sa mission, au regard de sa place dans la société, et l’attente d’une Eglise vraiment exemplaire en mesure de prendre soin des personnes vulnérables et en particulier des mineurs. Il y a cette part d’humilité à avoir de la part de l’Eglise, la reconnaissance de la vérité pour pouvoir regarder l’avenir. Quant à tout le travail de la Commission réalisé depuis sa création, il doit continuer de s’approfondir à la fois dans le paysage romain, celui de la Curie romaine, mais aussi dans le paysage des Conférences épiscopales et des Congrégations religieuses. A ce titre, le rapport annuel y contribue.

A un moment, on pouvait penser que la confiance était rompue entre les fidèles, ou une partie des fidèles, et les représentants de l’Eglise. Est-ce qu’aujourd’hui on a fait un travail de réconciliation? Est-ce qu’il faut encore le poursuivre?

Je reste prudent. La confiance ne se décrète pas. Elle se mérite et elle se travaille jour après jour. Il y a une tentation de vouloir parler d’autre chose, de vouloir tourner la page. Or, le travail de vérité et d’accompagnement des personnes victimes doit se poursuivre. La protection des mineurs demeure et sera toujours un sujet d’actualité. C’est à cette condition que l’Evangile sera audible et crédible.