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L’Etat de Palestine et la responsabilité de la communauté internationale

Displaced Palestinians at the Nuseirat refugee camp haul food parcels and other items they managed ...
07 août 2025

Andrea Tornielli

Le président Emmanuel Macron a annoncé que la France reconnaîtra l’Etat de Palestine et que cette annonce solennelle sera faite lors de l’Assemblée générale des Nations unies en septembre prochain. En attendant, l’organisation de la «Conférence internationale de haut niveau pour le règlement pacifique de la question de Palestine et la mise en œuvre de la solution à deux Etats», qui aurait dû se tenir au Palais de verre de l’ONU à New York en juin dernier sous la direction des gouvernements français et saoudien, mais qui a été reportée en raison de l’attaque israélienne contre l’Iran, est en cours.

Le drame qui se déroule actuellement à Gaza, les massacres répétés de dizaines de milliers de civils innocents qui ont perdu la vie sous les bombes et qui meurent maintenant de faim et de privations, ou sont attaqués alors qu’ils tentent de se procurer un peu de nourriture, devraient montrer à tous combien il est urgent de mettre fin aux attaques militaires qui provoquent un carnage, et combien il est devenu indispensable de trouver une solution à la question palestinienne. Une solution que le Saint-Siège réclame sans relâche depuis des décennies, et qui ne pourra jamais voir le jour sans la contribution active de la communauté internationale ainsi que des pays directement concernés.

Il est utile de rappeler à cet égard que le Saint-Siège avait déjà signé, il y a 25 ans, un premier accord fondamental avec l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Puis, il y a dix ans, le Saint-Siège a signé un accord global avec l’Etat de Palestine, qui est entré en vigueur en janvier 2016. Une décision et une reconnaissance en phase avec les préoccupations exprimées par les Papes depuis 1948 concernant l’état des Lieux Saints et l’avenir des Palestiniens. Paul VI a été le premier Pape à affirmer explicitement qu’ils étaient et sont un peuple, et pas seulement un groupe de réfugiés de guerre. Dans son message de Noël 1975, le Pape Montini demandait en effet aux enfants du peuple juif, qui voyaient désormais leur Etat souverain d’Israël consolidé, de «reconnaître les droits et les aspirations légitimes d’un autre peuple qui a lui aussi souffert pendant longtemps, le peuple palestinien».

Au début des années 1990, Jean-Paul II avait établi des relations tant avec l’Etat d’Israël (1993) qu’avec l’OLP (1994), à un moment où il semblait que les parties étaient proches d’un accord et d’une reconnaissance des deux Etats. En février 2000, quelques mois avant l’arrivée du Premier ministre israélien Ariel Sharon sur l’esplanade des Mosquées, qui marqua le début de la deuxième Intifada, le Saint-Siège avait signé l’accord fondamental déjà mentionné avec l’OLP. En arrivant à Bethléem, en mars 2000, Jean-Paul II avait déclaré: «Le Saint-Siège a toujours reconnu que le peuple palestinien a le droit naturel de posséder une patrie et le droit de pouvoir vivre en paix et sereinement avec les autres peuples de cette région. Au niveau international, mes prédécesseurs et moi-même avons plusieurs fois proclamé que l’on n’aurait pas pu mettre fin au triste conflit en Terre Sainte sans de solides garanties pour les droits de tous les peuples concernés, sur la base de la loi internationale et des importantes résolutions et déclarations des Nations unies».

Neuf ans plus tard, Benoît XVI, lors de sa visite en Terre Sainte, avait réaffirmé: «Puisse être reconnu universellement que l’Etat d’Israël a le droit d’exister, de jouir de la paix et de la sécurité à l’intérieur de frontières reconnues internationalement! De même puisse être reconnu le droit du peuple palestinien à une patrie souveraine et indépendante pour y vivre dans la dignité et se déplacer librement! Puisse la solution des deux Etats devenir une réalité, et ne pas demeurer seulement un rêve!». En 2012, le Saint-Siège avait apporté son soutien à l’admission de l’«Etat de Palestine» en tant que membre observateur aux Nations unies.

Lors de son voyage en Terre Sainte en mai 2014, le Pape François avait répété devant le président palestinien Mahmoud Abbas: «Le moment est arrivé pour tous d’avoir le courage de la générosité et de la créativité au service du bien, le courage de la paix, qui s’appuie sur la reconnaissance, de la part de tous, du droit de deux Etats à exister et à jouir de la paix et de la sécurité dans des frontières internationalement reconnues». Et il avait pour la première fois fait référence au pays qui l’accueillait comme «l’Etat de Palestine».

C’est ainsi qu’a été conclu l’accord global entre le Saint-Siège et l’Etat de Palestine, en juin 2015, qui insiste sur la solution des deux Etats déjà envisagée dans la résolution 181 de l’ONU de novembre 1947. Le préambule de l’accord, en se référant au droit international, encadre certains points clés, parmi lesquels: l’autodétermination du peuple palestinien, l’objectif de la solution à deux Etats, la signification non seulement symbolique de Jérusalem et son caractère sacré pour les juifs, les chrétiens et les musulmans, sa valeur religieuse et culturelle universelle en tant que trésor pour toute l’humanité. Le préambule réaffirme donc le droit du peuple palestinien à «être libre, en sécurité et digne dans son propre Etat indépendant», un «Etat de Palestine indépendant, souverain, démocratique et viable, sur la base des frontières antérieures à 1967, en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et dans la bande de Gaza, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité avec tous les pays voisins».

Rappelant l’accord fondamental conclu avec l’OLP en 2000, l’accord global renouvelait la demande d’une «solution équitable en ce qui concerne la question de Jérusalem, basée sur les résolutions internationales», affirmant que «les décisions et les actions unilatérales modifiant le caractère et le statut spécifiques de Jérusalem sont moralement et légalement inacceptables» et que «toute mesure unilatérale illégale, de quelque nature que ce soit, est nulle et sans effet» et «constitue un obs-tacle à la recherche de la paix».

Ce bref aperçu atteste de la cohérence et du réalisme de la position contenue dans les appels des derniers Papes, dans les déclarations du Saint-Siège aux Nations unies et dans les accords signés à ce jour. Immédiatement après l’attaque terroriste inhumaine perpétrée par le Hamas le 7 octobre 2023, le Pape François a condamné le massacre et a demandé à plusieurs reprises et publiquement la libération de tous les otages. Dans le même temps, tout en reconnaissant le droit d’Israël à se défendre, le Saint-Siège a demandé à plusieurs reprises — en vain — que l’ensemble du peuple palestinien présent dans la bande de Gaza ne soit pas frappé sans distinction, et a également demandé l’arrêt des attaques des colons contre la population palestinienne vivant dans les territoires de l’Etat de Palestine communément appelés Cisjordanie. Malheureusement, cela n’a pas eu lieu: à Gaza, et pas seulement à Gaza, on assiste à des attaques qui ne peuvent être en aucun être justifiées et qui constituent un massacre qui pèse sur la conscience de tous.

Comme l’a clairement et sans équivoque déclaré le Pape Léon XIV lors de l’Angelus du dimanche 20 juillet, il est urgent et nécessaire de «respecter le droit humanitaire», et «respecter l’obligation de protéger les civils, ainsi que l’interdiction des punitions collectives, de l’usage aveugle de la force et du déplacement forcé de la population». La communauté internationale ne peut continuer à assister inerte au massacre en cours. Il est à espérer que la Conférence internationale de haut niveau pour le règlement pacifique de la question de Palestine et la mise en œuvre de la solution à deux Etats, saisissant l’urgence d’une réponse commune au drame des Palestiniens, continuera avec détermination de trouver une solution pour enfin garantir à ce peuple un Etat aux frontières sûres, respectées et reconnues.