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Eglise et économie

Une question négligée en économie: le travail domestique

 Une question négligée en économie: le travail domestique  FRA-008
01 juillet 2025

Pierre de Lauzun

«Le travail domestique, en majorité féminin, est un élément essentiel mais souvent oublié de la vie commune, très largement négligé par les économistes. La Doctrine sociale de l’Eglise n’y échappe pas totalement, même si elle l’évoque brièvement. Or, ce sujet croise trois préoccupations, évoquées par Léon XIV, qui sont au cœur de cette Doctrine: la famille, le travail, et le don. En effet, le travail réalisé au sein de la famille est à la fois considérable, décisif pour la société, et gratuit. Il y a donc là matière à approfondir cette question majeure.

Parmi les nombreux textes sur la famille, le Compendium de la Doctrine sociale de l’Eglise (2003) souligne au n. 213 que «la famille, communauté naturelle au sein de laquelle s’expérimente la socialité humaine, contribue d’une manière unique et irremplaçable au bien de la société». Et il rappelle au n. 248 que «l’économie est née du travail domestique» et que «la famille doit donc être considérée, à bon droit, comme un acteur essentiel de la vie économique, orientée non pas par la logique du marché, mais par celle du partage et de la solidarité entre les générations». Cela dit, la question même du travail réalisé au sein de la famille n’est abordée qu’au n. 251: «Dans le rapport entre la famille et le travail, une attention spéciale doit être réservée au travail de la femme dans le cadre de la famille, c’est-à-dire tout le soin qu’elle lui consacre, qui engage aussi les responsabilités de l’homme comme mari et comme père. Ce travail, à commencer par celui de la mère, précisément parce qu’il vise le service de la qualité de la vie et s’y consacre, constitue un type d’activité éminemment personnel et personnalisant, qui doit être socialement reconnu et valorisé, notamment par une compensation économique au moins égale à celle d’autres travaux».

Ces mots sont très justes mais brefs; et le texte se concentre ensuite sur le seul travail réalisé à l’extérieur. Et comme on sait, de nombreux textes du Magistère développent de même le sujet de la dignité du travail et celui de l’importance du don dans l’économie — mais en dehors de la famille.

Certes, la science économique en fait encore moins mention: elle néglige presque totalement le travail domestique, car il est gratuit, et elle tend à ne considérer que ce qui fait l’objet d’une évaluation monétaire. Or, les calculs effectués pour mesurer l’importance de ce travail, en calculant le nombre d’heures et lui affectant une rémunération très modérée, montrent que le travail domestique équivaut au moins à 33 à 40% du PIB (production totale de l’économie), ce qui est énorme. En outre, il assure l’éducation des enfants et donc le renouvellement de la société. C’est donc une dimen-sion majeure de la vie économique, et elle assurée gratuitement. Et comme on sait, c’est en majorité le fait des femmes. Il y a donc des messages majeurs à porter, à la fois sur le rôle de la gratuité, sur celui des mères (avec les pères), mais aussi sur le besoin qu’il y aurait d’une plus grande reconnaissance sociale, tant en considération que sur le plan matériel.

Il y a donc là un thème de développement possible et bienvenu pour la Doctrine sociale, en vue d’une reconnaissance par la société de l’immense service ainsi rendu.