
Texte et photos: Marine Gauchard
Les régions des Marches et des Abruzzes, bordées par l’Adriatique et entourées par l’Apennin central, sont des trésors cachés d’Italie. Encore épargnées par le tourisme de masse, elles séduisent par leurs villages pittoresque inscrits aux plus beaux villages d’Italie, leurs montagnes aux sommets enneigés et leurs criques de sable blanc. Ces régions, qui renferment une grande richesse de paysages et d’histoire, réservent également des traditions et des lieux insolites…
La «scucetta» ascolane
Des applaudissements et des cris d’encouragement s’élèvent depuis la place Arringo, au cœur de la ville d’Ascoli Piceno. Un grand attroupement, sous une banderole indiquant «35e championnat mondial de scuccetta», pique la curiosité des passants, qui s’approchent. Sur une table, de nombreuses plaquettes d’œufs sont empilées les unes sur les autres, derrière, deux enfants tiennent un œuf dur dans la main, puis l’un cogne la pointe de son œuf sur celui de son adversaire… gagne l’adversaire dont l’œuf ne se fissure pas. Ce «championnat mondial» n’en a que le nom, c’est surtout une occasion de se réunir en famille afin de passer un bon moment et de faire perdurer cette ancienne tradition ascolane. La compétition est prise au sérieux, car les concurrents viennent des régions limitrophes pour participer. Cette année, c’est un Romain qui a gagné; l’année dernière, c’était un jeune d’Emilie-Romagne. Le tournoi sert également la bonne cause, car les fonds récoltés sont ensuite reversés à une association. La scucetta n’est pas la seule tradition sur cette place, car à quelques pas de là s’élève le duomo Saint-Emidius, dédié à l’évêque du même nom, patron de la ville. La cathédrale, en raison de travaux de rénovation, est plongée dans la pénombre, et ses belles fresques et voûtes sont malheureusement cachées par les échafaudages. Une lumière, qui provient de la crypte, attire le visiteur. Une fois l’escalier descendu, la déception s’estompe pour laisser place à l’émerveillement: une lumière chaude et diffuse laisse apparaître des colonnes en travertin et marbre rouge, des cycles de mosaïques colorées retracent les évènements ayant eu lieu à Ascoli à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Un sarcophage d’époque romaine, qui sert aujourd’hui d’autel, accueille les reliques de saint Emidius. Juste derrière, une majestueuse sculpture en marbre représente saint Emidius baptisant Polisia, la fille d’un proconsul d’Ascoli-Piceno qui s’est convertie au catholicisme.
Le musée malacologique
Plus loin, à 50 kilomètres d’Ascoli-Piceno, dans la ville côtière de Cupra Marittima, les lidos sont en travaux afin de faire peau neuve pour le début de la haute saison. Le soleil darde ses rayons, quelques impatients prennent déjà un bain de soleil sur la plage, tandis que d’autres, plus courageux, trempent leurs pieds dans l’eau fraîche. Le sable fin, l’eau turquoise et le front de mer parsemé de palmiers donnent un air paradisiaque à cette petite ville maritime. Une des principales attractions de la localité est le musée malacologique. Malacologique? En voilà un drôle d’adjectif. La route mène à une zone qui, à première vue, semble abandonnée. Le parking n’est occupé que par la camionnette du musée sur laquelle est écrit «Coquillages du monde entier». Un monsieur, très volubile et accueillant, explique avec passion l’histoire et les diverses collections du musée. Le rez-de-chaussée renferme 70.000 coquillages tandis que le premier étage expose une collection d’objets hétéroclites: jumelles, éventails et poussettes en nacre, squelettes de requin et de dinosaures, masques africains, céramiques et une collection de croix elles aussi en nacre. Une atmosphère particulière émane de ce lieu, le visiteur slalome parmi les vitres poussiéreuses et les panneaux d’explication usés par le temps mais détaillés qui permettent de découvrir une branche méconnue de la biologie marine. Section après section, une myriade de coquillages aux multiples couleurs, formes et provenances sont exposés aux yeux des visiteurs, surpris de découvrir qu’autant de gastéropodes et céphalopodes aussi variés peuplent les fonds marins. Le coquillage le plus étonnant? Le genre Xenophora, connu pour souder à sa coquille d’autres coquillages mais aussi, hélas, des détritus jetés dans la mer.
Le fort de Civitella del Tronto
A 50 kilomètres au sud, à la frontière entre les Marches et les Abruzzes, le fort de Civitella del Tronto domine la vallée de Val Vibrata. Pour y parvenir, il faut se rendre dans le village homonyme, qui offre une vue à couper le souffle sur le massif du Gran Sasso et l’Adriatique. A l’entrée, un café fourmille d’habitants et de touristes. Le souffle du vent et le chant des oiseaux, tout en contemplant le bleu de la mer, procure une véritable bouffée de sérénité. Le bourg et ses ruelles étroites, conçues à l’origine pour orienter les assaillants dans des passages étroits ou pour les surprendre par derrière, offrent un cadre pittoresque. D’ailleurs, une des ruelles les plus étroites d’Italie se trouve ici… appelée ruetta, une seule personne à la fois peut l’emprunter. Une petite boutique, située en face d’un des points de vue panoramique du village, propose des produits de la tradition locale. Pour accéder au fort, il faut sortir des remparts du bourg et gravir une pente assez raide. La citadelle joue à cache-cache avec l’épais feuillage des arbres qui l’entourent, bien que ce soit l’une des fortifications les plus grandes d’Europe, avec ses 500 mètres de longueur et ses 25.000 mètres carrés de superficie. Construite au xvie siècle par les Espagnols, l’imposante citadelle est aujourd’hui un musée à ciel ouvert. Le visiteur navigue entres les bastions et les casemates, la forge et le four à pain, le cachot et les réserves, le tout avec une vue à 360° sur la mer et la montagne. Le forteresse accueille un petit musée, situé dans l’ancien réfectoire, qui expose des armes, des cartes et des documents d’époque issus de collections privées racontant les vicissitudes de la forteresse.
Riches d’histoire, d’art et de traditions, les terres des Marches et des Abruzzes possèdent une forte identité culturelle ainsi que des lieux insolites et originaux qui sauront ravir aussi bien les curieux que les aventuriers.