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Le directeur de la fondation Augustins dans le monde illustre le projet lancé à Dungu, au nord de la RDC

Sauver les enfants soldats

 Sauver les enfants soldats  FRA-008
01 juillet 2025

Enrico Casale

Democracy a connu la violence, les abus et la paranoïa des commandants rebelles. Il a descendu tous les échelons de la spirale déshumanisante des milices qui sévissent dans l’est de la République démocratique du Congo. Il a fait partie d’un système qui ne laissait aucune place à l’innocence, au jeu et à l’insouciance. Democracy a été un enfant soldat dans l’Armée de résistance du Seigneur, l’armée du warlord ougandais Joseph Kony. Il n’a pas résisté et s’est enfui. Sur son chemin, il a rencontré les pères augustins qui, dans la province de Haut-Uélé, œuvrent, à travers le Centre Juvenat, à la réinsertion des jeunes filles et garçons enrôlés de force dans les milices rebelles qui sévissent dans la région.

En République démocratique du Congo, le phénomène des enfants soldats reste l’une des urgences humanitaires les plus graves et persistantes. Les zones orientales du pays, marquées par des décennies d’instabilité et de conflits armés, sont le théâtre de violations systématiques des droits humains, en particulier au détriment des mineurs. Selon le Rapport annuel des Nations unies sur les enfants et les conflits armés de «Save the Children Italia», en 2022, 3377 violations graves ont été enregistrées contre les mineurs dans cet Etat africain, dont près de la moitié (46%) a concerné l’enrôlement forcé d’enfants, certains même âgés de cinq ans seulement, par des forces ou groupes armés. Les données mises à jour en 2025 révèlent une situation dramatique. Au cours des seuls mois de janvier et février, «Save the Children» a dénoncé le recrutement de plus de quatre cents enfants dans les provinces orientales du Nord et du Sud Kivu. Les mineurs sont souvent arrachés à la vie scolaire ou enlevés dans la rue. Certains, âgés de quatorze ans à peine, sont immédiatement exposés à des violences physiques et psychologiques et entraînés au combat. D’autres sont destinés à des rôles de soutien, utilisés comme espions, gardes ou porteurs.

Les épisodes horrifiants ne manquent pas. Certains enfants ont été exposés à des rituels violents basés sur des superstitions locales. Parmi eux, «Save the Children» signale la pratique consistant à inciser l’estomac afin de tester de présumés pouvoirs magiques avant l’envoi au combat.

«A Dungu, ville de 147.000 habitants, souvent théâtre des incursions des hommes de Jo-seph Kony», explique Maurizio Misitano, directeur de la fondation Augustins dans le monde, «les membres de l’institut ont commencé à rencontrer les jeunes garçons et les jeunes filles qui ont fui les milices. Les Augustins se sont très tôt rendu compte qu’il y avait besoin d’un projet structurel pour les aider dans le processus de récupération psychophysique et dans la réinsertion sociale. Ainsi est né le Centre Juvenat qui accueille actuellement une centaine de jeunes et en aide au moins mille autres à travers son programme de jour». La structure, qui a vu le jour en 2020, accueille les jeunes qui n’ont pas la possibilité de retourner dans leur famille. Après une période de récupération psychophysique, ils sont formés au travail et leur réinsertion sociale est facilitée», explique Maurizio Misitano: «En ce moment, il n’existe aucune structure qui accueille également les jeunes filles mais elles peuvent quoi qu’il en soit bénéficier de ce programme de formation. Nous avions commencé par des cours d’informatique et de menuiserie. Puis se sont ajoutés, à la demande des jeunes filles, des cours de couture et de catering. Nous offrons en outre des parcours de formation agricole grâce au fait que les Augustins ont une ferme où ils cultivent des légumes et des fruits mais offrent aussi des produits transformés comme le miel, des conserves, de la farine».

Le projet est actif également sur le plan énergétique. Grâce à la donation d’une société italienne, des panneaux solaires ont été installés et, dans la ferme, des briquettes sont fabriquées avec des déchets végétaux qui remplacent l’utilisation du kérosène et du bois, en aidant à la lutte contre la déforestation. Mais le défi est également culturel. «Nous avons créé des cours de création vidéo et de théâtre», continue le responsable. «Cela peut sembler une folie. Mais à travers ces formes d’expression, les jeunes ont la possibilité de raconter plus facilement leur histoire. Sur le plan de la guérison psychologique, ce sont des outils très puissants. C’est la même chose pour le théâtre: mettre en scène leur vie, certaines parties de leur existence dont ils ont du mal à parler, est un élément très fort. Nous avons installé un cinéma parce que notre rêve est de transformer ce centre de jeunes en un centre culturel pour tous ceux qui veulent se rencontrer dans un milieu sain, respectueux et agréable».

Mais tout n’est pas simple. Les garçons et les filles qui réussissent à s’enfuir ou qui sont libérés sont désorientés et ont souvent de grandes difficultés à retrouver un comportement socialement acceptable. Ils sont habitués à la violence, observe Maurizio Misitano: «Certains d’entre eux ont passé des années dans les milices et ont subi des abus incroyables. Les jeunes filles sont celles qui ont souffert le plus parce qu’elles sont presque toujours utilisées comme esclaves sexuelles. Beaucoup arrivent avec de petits enfants nés à la suite d’un viol. Malgré cela, elles aiment leurs enfants et donc, précisément par amour pour eux, elles veulent continuer à vivre. Malheureusement, un grand nombre d’entre elles portent les cicatrices des violences tant à l’intérieur qu’à l’extérieur».

Les pères augustins, avec la Commission justice et paix du diocèse local, ont lancé un programme radio pour affronter le problème des enfants soldats. «En outre — conclut le directeur de la fondation — l’école des augustins a été agrandie grâce aux fonds de la Conférence épiscopale italienne. Nous pensons préparer un programme spécifique pour les anciens enfants soldats, garçons et filles. Il faut savoir que ces jeunes ont des comportements violents qui doivent être gérés. Les enseignants doivent être en mesure de le faire pour les aider à se ré-insérer dans une communauté pacifique. C’est un engagement complexe pour lequel nous avons besoin de soutien. Même la plus petite contribution peut aider».