
Charles de Pechpeyrou
«Je veux rappeler mes impuretés passées, et les charnelles corruptions de mon âme, non que je les aime, mais afin de vous aimer, mon Dieu», écrit saint Augustin au début de ses Confessions. Par la suite, l ’évêque d’Hippone se remémore un exploit dont il n’est pas fier. A 16 ans, le manque d’argent le contraint à revenir à la maison familiale. A cette époque, Augustin commet de menus larcins, tels que le célèbre vol des poires, non par besoin, mais par plaisir de la transgression. Il se le reprochera plus tard et écrira dans les Confessions (2, 4, 9): «Eh bien! moi, j’ai voulu faire un vol, et je l’ai fait; aucun dénuement ne m’y poussait, sinon le fait que j’étais dépourvu et dégoûté de justice, et engraissé d’iniquité».
Augustin n’est pas le seul saint à avoir affronté les combats de l’adolescence, en y laissant quelques plumes. Charles de Foucauld, François d’Assise, la liste est longue. Les saints aussi commettent des erreurs de jeunesse. Et souvent, ces erreurs sont le résultat non pas tant de la mauvaise volonté ou de la paresse que de la solitude, de la défiance envers l’autre, de l’égoïsme mal placé. Bref, du rejet du prochain et de ce qui nous dépasse, en particulier de Dieu. Pourtant, au fond de nous, «chacun vit avec de nombreuses questions dans son cœur», comme l’a affirmé Léon XIV dans un message vidéo adressé le 14 juin aux jeunes de Chicago, sa ville natale, et du monde entier. Les jeunes en particulier. Saint Augustin, d’ailleurs — poursuit le Saint-Père — «parle très souvent de notre cœur qui “est sans repos tant qu’il ne repose pas en toi, Seigneur” (Les Confessions, 1, 1, 1). Cette inquiétude n’est pas une chose négative, et nous ne devrions pas chercher des manières d’éteindre le feu, pour éliminer les tensions que nous sentons ou les difficultés que nous vivons, voire même nous anesthésier. Nous devrions plutôt entrer en contact avec notre cœur et reconnaître que Dieu peut agir dans nos vies, à travers nos vies et, à travers nous, rejoindre d’autres personnes».
Léon XIV s’apprête d’ailleurs à canoniser deux jeunes hommes en septembre, Pier Giorgio Frassati et Carlo Acutis, modèles par excellence pour les jeunes et les adolescents, tous deux étant connus pour leur sens de l’humour, leur humilité et leur générosité. Des figures exemplaires, parce qu’elles rayonnent d’une joie et d’une foi contagieuses. Car le saint est contagieux. Il attire non par la séduction, mais par une forme de transparence d’âme qui ne fait pas obs-tacle au rayonnement de Dieu en lui. Au-delà de ces figures connues, il y a ces membres de la famille ou ces amis qui peuvent nous accompagner de manière significative dans ce grand pèlerinage qu’est notre vie. Pour l’auteur de ces lignes, il s’agit de son grand-oncle, le serviteur de Dieu italien Dino Zambra. Né en mars 1922 dans une famille catholique aisée des Abruzzes, après des études en littérature à l’Université catholique du Sacré-Cœur, Dino fut appelé aux armes en 1943 et partit dans les Pouilles, où il tomba très gravement malade avant de succomber en janvier 1944, à 21 ans seulement. Ses parents n’apprirent sa mort que plusieurs mois plus tard. A l’hôpital, le jeune Dino n’a jamais révélé sa véritable identité, con-scient du risque de faire l’objet de traitement de faveur au regard de sa condition sociale, au détriment des plus démunis. Jusqu’aux dernières heures de son existence, Dino s’est effacé au profit du plus faible, du plus pauvre. Autant de frères d’adoption pour ce fils unique, autant d’amis.