
Xavier Lefebvre
Formateur au Séminaire pontifical français de Rome
«Nous ne sommes pas encore parfaits, mais il nous faut être crédibles!». La parole du Pape Léon XIV a retenti dans la basilique Saint-Pierre lors de la célébration des ordinations sacerdotales pour le diocèse de Rome. Le Saint-Père aime reprendre cette expression à l’adresse des prêtres et de ceux qui se forment pour répondre à l’appel de Dieu. A ceux qui étaient réunis à la cathédrale Notre-Dame de Paris le 4 juin, il envoyait ce message : «Je vous invite à enraciner votre vie et votre ministère dans un amour toujours plus fort, personnel et authentique de Jésus qui a fait de vous ses amis et qui vous a configurés à Lui pour l’éternité (...) De cette manière, vous serez crédibles, même si vous n’êtes pas encore des saints». Et devant les prêtres de Rome, son exhortation est tout aussi vigoureuse: «Je vous le demande avec le cœur d’un père et de pasteur: engageons-nous à être des prêtres crédibles et exemplaires!».
Intendant des trésors divins pour les hommes de ce temps, le prêtre apprend, pendant sa formation, la souplesse nécessaire pour faire le grand écart entre le ciel et la terre. Depuis 2016, avec la parution de la nouvelle Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis, cette formation du prêtre s’articule autour de quatre dimensions: humaine, spirituelle, intellectuelle et pastorale.
On n’entre pas en religion par mépris de son humanité. Qui veut faire l’ange fait la bête... «Avant d’être croyants, nous sommes appelés à être humains», enseignait Léon XIV dans sa catéchèse du mercredi 28 mai. Cela peut surprendre… Mais nous pourrions dire, en d’autres termes: «Si vous n’avez pas une humanité saine, vous n’aurez pas une humanité sainte». C’est le premier enjeu de la formation. Dans le climat d’une société narcissique, où la valeur de l’humain se mesure à des critères de rentabilité et d’hédonisme, se perd peu à peu le sens de la dignité humaine et de ses trois dimensions fondamentales: vérité, liberté, amour. Veiller à la formation humaine des prêtres, c’est s’assurer qu’ils soient des hommes heureux, équilibrés affectivement et moralement, particulièrement dans le choix libre d’un célibat consacré, signe de l’Amour Divin qui peut combler le cœur de l’homme, et annonce du Royaume qui vient. Le célibat, comme signe d’un amour donné auquel Dieu veut répondre dès ici-bas, est sans aucun doute au cœur de la crédibilité sacerdotale.
Second aspect de cette crédibilité, la formation spirituelle a aussi toute son importance. Notre monde marqué par le matérialisme étouffant, est tenté par le marché des techniques d’épanouissement individuel, la fuite du réel par des méditations du vide, et la prolifération des gourous profitant lucrativement de la crédulité ou de l’ignorance. Face au sensationnalisme, la vie spirituelle s’apprend. L’union fidèle et persévérante à l’amitié du Christ se découvre et s’approfondit dans l’écoute attentive d’une Parole divine qui est Lumière et Vie. La prière véritable n’est jamais une fuite du réel. «L’amour du Christ nous presse», disait saint Paul. Les plus grands contemplatifs ont été de grands actifs. «Le connaître et Le faire connaître, L’aimer et Le faire aimer», disait saint Dominique. Toute oraison authentique, rappelait aussi le Pape Benoît XVI, doit renouveler notre façon d’agir au cœur du monde.
La formation intellectuelle, troisième dimension de la crédibilité sacerdotale, permet de ne pas en rester à un émotivisme religieux ou une piété sentimentale, mais aide les séminaristes et les prêtres, à être toujours prêts à rendre compte de l’espérance qui est en eux par le contact avec l’intelligence des Ecritures et de la Sagesse Eternelle. Former son intelligence, c’est aussi apprendre à se mettre au service de la charité, avec créativité et perspicacité, pour répondre aux grands défis de l’homme d’aujourd’hui. Cela rejoint encore l’appel du Saint-Père aux prêtres à relever «les défis de notre temps dans une perspective prophétique»: la paix, l’économie, l’écologie, l’intelligence artificielle...
Mais tout cela est encore en vue de la formation pastorale du prêtre, la croissance de son cœur sacerdotal, pour apprendre, «dans une époque difficile» à «aimer avec le Cœur de Jésus», selon les mots du Saint-Père adressés le 24 juin, lors du Jubilé des séminaristes. Et celle-ci, elle ne s’arrêtera jamais! «Configuré à Lui pour l’éternité» dit bien Léon XIV: c’est toute une vie de don de soi à la rencontre des hommes de tous milieux et sous toutes les latitudes, pour leur faire connaître l’Amour dont ils sont aimés, et qui les attend, qui leur ouvre les bras pour les réconcilier avec le Père. Dans les paroisses, les aumôneries d’hôpitaux, sur les terrains de guerre ou dans les maisons de retraite, dans les déserts citadins, ou au milieu des campagnes, auprès des enfants comme des vieillards, le cœur du prêtre, en s’élargissant aux di-mensions du Christ, veut embrasser les joies et les peines de tous les cœurs humains, pour leur apporter la Consolation et la Miséricorde de Dieu.
Léon XIV, Pasteur de l’Eglise universelle, nous montre par sa formation et son expérience, le chemin de cette crédibilité sacerdotale: missionnaire avec un cœur unifié, formé à l’Ecole de saint Augustin et avec un cœur de pasteur, sa crédibilité est le témoignage qu’une rencontre avec le Seigneur est possible. Aux prêtres, il peut ainsi assurer: «Chers amis, je vous assure de ma proximité, de mon affection et de ma disponibilité à marcher avec vous. Confions au Seigneur notre vie sacerdotale et demandons-lui de grandir dans l’unité, dans l’exemplarité et dans l’engagement prophétique pour servir notre temps».