· Cité du Vatican ·

Qui était le nouveau bienheureux?

Martyr de la corruption

 Martyr de la corruption  FRA-008
01 juillet 2025

«Je me souviens du témoignage d’un jeune homme comme vous, Floribert: alors qu’il n’avait que vingt-six ans, il a été tué à Goma pour ne pas avoir laissé entrer dans le pays des denrées alimentaires avariées, qui auraient porté atteinte à la santé de la population. Il aurait pu laisser faire, on ne l’aurait pas su et il y aurait même gagné. Mais en tant que chrétien, il a prié, il a pensé aux autres et il a choisi d’être honnête, en disant non à la saleté de la corruption. C’est cela garder non seulement les mains propres, mais aussi le cœur propre». C’est ainsi que le Pape François a évoqué Floribert Bwana Chui, devant des milliers de jeunes réunis dans le stade de Kin-shasa le 2 février 2023, lors de son voyage en République démocratique du Congo. Qui était ce jeune homme de la communauté de Sant’Egidio, tué en juillet 2007 pour avoir résisté à une tentative de corruption et montré en exemple pour se libérer de la dictature de l’argent?

Né le 13 juin 1981 à Goma, capitale du Nord-Kivu, dans l’Est de la RDC, Floribert vit dans une région qui ne connaît pas la paix: une terre riche, à la nature luxuriante, mais politiquement complexe et troublée, marquée par un long et sanglant conflit. Au cours de ses études de droit, il rencontre la communauté de Sant’Egidio, qui l’emmène à la rencontre des pauvres, en particulier les «maibobo» — les enfants des rues —, comme on les appelle avec mépris dans la région des Grands Lacs. Ce n’est pas le cas de Floribert qui veut, à travers l’Ecole de la Paix, les faire étudier et les aider à devenir les Congolais de demain. Il est engagé à l’Office congolais de contrôle, à Kinshasa, l’organisme d’Etat chargé de vérifier la qualité des marchandises qui transitent dans le pays. Après une période de formation, dans une capitale pleine d’opportunités, où il aurait pu rester, il décide de retourner dans sa ville de Goma, là où se trouvaient ses amis, sa petite amie et les enfants de la rue qu’il côtoyait.

L’un d’eux est Jonathan, que Floribert a rencontré parce qu’il s’était retrouvé seul dans la rue à Goma, après avoir été embarqué sur un bateau à Bukavu, au Sud-Kivu, peut-être à la suite d’une dispute avec ses parents. Une profonde amitié se développe entre eux, à tel point que Floribert, avec son salaire de douanier, lui propose de payer ses études. D’ailleurs, dans les témoignages recueillis par don Francesco Tedeschi, prêtre de la communauté de Sant’Egidio, ami de Floribert, puis postulateur de sa cause de béatification, il y a aussi celui de Jonathan. «Quand je l’ai vu pour la première fois, j’ai eu peur. Il était bien habillé, une personne comme celle-là n’a pas l’habitude de s’approcher des enfants des rues, de leur parler. Au lieu de cela, il s’est dirigé vers moi, comme s’il me cherchait. J’ai pensé qu’il se passait quelque chose, qu’il avait l’intention de me faire du mal. J’étais donc sur mes gardes. Au lieu de cela, il a commencé à parler et m’a invité à ce qu’il appelait l’Ecole de la Paix. Je ne lui faisais pas confiance, je ne voulais pas y aller, lui ai-je dit. Mais j’ai été frappé par son insistance. C’était vraiment une surprise! Ce n’était pas comme si j’étais de sa famille, mais il venait me chercher, me posait des questions, s’intéressait à moi». Lorsque Jonathan lui demande pourquoi il l’aide, Floribert répond: «Parce que pour Dieu, tous sont égaux, ils ont les mêmes droits».

A Goma, Floribert commence à travailler à la douane de la frontière avec le Rwanda. Il s’agit d’un poste à responsabilité, à une frontière où les tensions sont nombreuses, traversée par des armées de miliciens et des flots de réfugiés, mais aussi où entrent de nombreuses marchandises. Comme commissaire d’avarie, il a pour mission de vérifier la qualité des denrées alimentaires et de signaler les infractions: contrefaçons, marchandises abîmées et impropres à la consommation. Entré en service en avril 2007, il est immédiatement confronté à ceux qui veulent faire passer des marchandises avariées et tentent de le corrompre par tous les moyens. Ils commencent par lui proposer mille dollars, puis deux mille et même plus. Mais il répond «non», un «non» qui ne s’achète pas. Il pen-se à ses enfants des rues et se demande: «Est-il dangereux pour la vie des gens de permettre la mise en vente d’aliments déjà périmés?» Il confie à une amie, sœur Jeanne-Cécile Nyamungu, chirurgienne à l’hôpital de Goma: «L’argent va bientôt disparaître et les gens qui consommeraient ces produits, que deviendront-ils? Si j’accepte cet argent, est-ce que je vis dans le Christ? Est-ce que je vis pour le Christ? En tant que chrétien, je ne peux pas accepter que la vie des gens soit sacrifiée. Il vaut mieux mourir que d’accepter cet argent».

Nous en arrivons à ce terrible samedi 7 juillet 2007, lorsque Floribert est enlevé à la sortie d’un magasin et embarqué de force dans une voiture. Les tentatives de recherche restent vaines. Deux jours plus tard, à midi, il est retrouvé sans vie par un motard. Son corps porte les traces des coups et des tortures qu’il a subis pendant les heures de captivité. L’autopsie dira qu’il est mort le 8 juillet, jour qui est devenu sa fête dans le calendrier de l’Eglise.

On peut mourir de corruption. L’histoire de Floribert en témoigne, mais elle nous dit aussi que l’on peut résister au mal et ouvrir la voie à l’espoir d’un avenir souvent refusé aux jeunes en Afrique.

La phase diocésaine du procès de béatification, ouverte en mars 2015, s’est achevée le 9 décembre 2018. Le 25 novembre 2024, le Pape François a autorisé le Dicastère des causes des saints à promulguer le décret reconnaissant le martyre «en haine de la foi» de Floribert Bwana Chui, ouvrant la voie à la béatification.

(Textes et photos: communauté de Sant’Egidio)