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Livres

Il était un jardin

 Il était un jardin  FRA-008
01 juillet 2025

Charles de Pechpeyrou

Dans la Bible, c’est peu dire que le jardin occupe une place fondamentale: lieu de la rencontre, de la tentation, de la révélation, qu’il s’agisse de l’Eden ou du jardin du tombeau ouvert, où Jésus se révèle à Marie-Madeleine qui le prend dans un premier temps pour un jardinier… C’est dans un jardin aux dimensions de l’Angleterre que Charles Wright part en pèlerinage familial avec son père anglais et sa tante, afin de décrypter l’énigme de ce géniteur «contract manager» qu’il a longtemps rêvé «agent secret».

Beaucoup de livres ont été écrits sur la quête des origines, au point d’en faire un sous-genre autobiographique à part entière. Mais le livre de Wright va bien au-delà de l’introspection narcissique. Ce serait même plutôt le contraire. Un mouvement d’ouverture plus que de retour sur soi. Un corps à corps avec la réalité humaine de cet autre qu’est son père, héroïque dans son anti-héroïsme, pour entrevoir la part de Ciel qui se trouve en lui. «En vérité, en vérité, je vous le dis, écrit-il, la foi de notre héros est un angle mort, un chapitre aussi mystérieux que son métier de contract manager. Pour lui, “My Sweet Lord” est le titre d’une chanson de George Harrison. Clairement, ce n’est pas lui qui m’a appris à me tourner vers le Père, ce qu’un paternel peut enseigner à son fils de plus grand. Ce n’est pas à lui non plus que je dois ces fortes vérités, à savoir que notre origine repose ailleurs que dans nos familles et que nos pères de sang ne sont pas les vrais maîtres de nos vies. Le don de la foi, je l’ai reçu de ma mère. Quand je l’interrogeais sur cette dimension, Tom, lui, bottait en touche ou se planquait derrière la punchline de son saint patron: “Je ne crois que ce je vois”. Il y avait chez lui une indifférence à cette question que je trouvais suspecte, moi qui, après une conversion, avais placé la quête de Dieu au cœur de ma vie».

De pubs en églises fraîches, père et fils se rencontrent comme dans la fresque de Michel Ange, où le doigt de l’homme et celui de Dieu se touchent presque, c’est-à-dire avec ce petit espace que sont la liberté et la pudeur. C’est ainsi que le livre s’achève, par un jardin retrouvé, rempli de sausage rolls, de sonnets de Shakespeare et d’ancêtres, mais qui n’éteint pas le grand mystère, ce jardin secret qu’est la question des origines. «La fable chrétienne ne prétend pas résoudre la question des origines — constate l’auteur — aucun mot, même celui de Dieu, ne peut arraisonner ce grand mystère. Mais en parlant de ce dernier comme d’un abîme d’amour paternel, elle rend possible, serein et joyeux l’engagement dans l’existence. Car désormais nous ne sommes plus seuls, livrés aux conditionnements et aux forces de ce monde. Quand on mène sa vie comme si se tenait à la racine de tout une paternité infiniment aimante, il n’y a plus de raisons d’avoir peur. Oui, il est bon de vivre, toute existence est une grâce, une donation». Avec un humour tout anglais, où la légèreté est la politesse de la gravité, Wright signe un roman poignant, tendre et nostalgique comme une promenade dans un jardin anglais.

Le Jardin anglais, Charles Wright, Albin Michel, 240 pages, 18 euros