
Le jeudi 5 juin, le Pape Léon XIV a reçu au Vatican la Commission pontificale pour la protection des mineurs et s’est entretenu avec ses membres pendant une heure. Dans une interview accordée aux médias du Vatican peu après la rencontre, le cardinal Seán Patrick O’Malley, archevêque émérite de Boston, qui compte parmi les fondateurs de la Commission, déclare que les priorités de l’Eglise «sont toujours les mêmes»: «nous essayons de donner la priorité aux victimes et à leurs familles». Le cardinal américain souligne également le besoin de transparence, de responsabilité et d’éducation comme priorités pour l’Eglise dans ses efforts continus pour traiter la question des abus sur les mineurs et les personnes vulnérables.
Il est important que les gens réalisent que «l’Eglise de par sa mission même doit être l’expression de l’amour et de la miséricorde de Dieu et que, par conséquent, le soin et la protection des enfants et des jeunes doivent être au cœur de notre mission». Le religieux franciscain insiste sur le fait que les gens n’écouteront le message de l’Eglise «que s’ils sont convaincus que nous nous soucions d’eux, de leurs enfants, de la sécurité de leurs enfants».
La Commission pontificale pour la protection des mineurs, créée en 2014 à la demande du Pape François, est constituée de personnes du monde entier, beaucoup ayant une grande expérience dans le domaine de la protection de l’enfance. -Elle compte notamment parmi ses membres des victimes, ainsi que des parents de victimes. Cela facilite le contact avec la communauté des personnes marquées par ce drame ainsi que la compréhension de leurs expériences et de la manière dont l’Eglise a réagi et traité des problèmes d’abus commis par des membres du clergé.
L’objectif principal de cette Commission est de conseiller le Saint-Père dans le domaine de la protection et de la prévention. Elle est également impliquée dans les efforts éducatifs de l’Eglise, plus précisément auprès de ses responsables, élaborant les lignes directrices et protocoles visant à promouvoir la sauvegarde et la protection des enfants et des mineurs. De plus, la Commission rédige un rapport annuel visant à évaluer l’action de l’Eglise en matière de protection, les réussites et les lacunes. En octobre prochain, paraîtra le rapport annuel pour 2024 dont les thèmes principaux seront les réparations et la justice de conversion. Ce document est le fruit de visites dans 22 pays différents, où les discussions avec les communautés religieuses ont révélé les défis affrontés, ainsi que les erreurs commises. Ces dernières années, le travail s’est concentré sur l’Eglise du Sud, où la question de la protection commence à peine à être débattue et où de nombreuses Eglises manquent cruellement de ressources. Pour cette raison, un fonds a été créé pour former des personnes dans ces pays et les aider à mettre en place des politiques, à recevoir des plaintes, et à s’occuper des victimes, de leurs familles, et de leurs communautés.
Depuis la Constitution apostolique Praedicate evangelium publiée par le Pape François en 2022, la Commission, qui était auparavant indépendante, fait désormais partie du Dicastère pour la doctrine de la foi. Cela permet un plus grand dialogue avec les différents Dicastères et contribue à la promotion d’une culture de la protection des mineurs au sein du Vatican. Désormais, la Commission accueille les Conférences épiscopales locales tous les cinq ans. «Il est très gratifiant de constater l’intérêt et le désir des évêques d’en savoir plus et de recevoir de l'aide dans ce domaine», se réjouit le cardinal O’Malley, «malheureusement, les évêques sont très souvent isolés et tentent de prendre seuls des décisions politiques très difficiles, cela se traduit par de nombreuses erreurs et/ou, parfois, par de l’inaction». C’est la raison pour laquelle, selon lui, il est important d’essayer de renforcer les Conférences épiscopales et de promouvoir une plus grande participation des laïcs à la protection des mineurs dans les diocèses du monde entier, action qui s’est révélée être une contribution importante de la Commission.
La collaboration avec les autorités civiles, d’après le cardinal américain, constitue également un pas en avant important vers plus de transparence. Dans le passé, «les pires actions de l’Eglise consistaient à couvrir les crimes et à ne pas les signaler». Ces dernières années, une prise de conscience s’est produite au sein de l’Eglise. Selon le franciscain, les médias généralistes et catholiques ont contribué à faire connaître ces questions aux gens. «Cela a certainement été très douloureux mais c’est un processus important» affirme-t-il, «la vérité est ce qui nous rendra libres, comme le disent les Evangiles». Si le rôle des médias a été très important, leurs révélations ont néanmoins souvent été accueillies avec scepticisme par les catholiques. C’est la raison pour laquelle l’engagement des Papes a été également important dans ce processus, défend l’archevêque émérite de Boston. Lors-qu’ils sont intervenus pour appeler à la transparence, demander le pardon et rencontrer les victimes, cela a contribué à sensibiliser les catholiques et les citoyens du monde entier. S’il est vrai qu’il s’agit d’un «problème humain» qui touche aussi les écoles publiques ou les groupes sportifs, l’Eglise a fait l’objet de tant d’attention car il y a, dans ce cas, «une autre dimension qui, à bien des égards, rend les abus encore plus horribles», rappelle le cardinal O’Malley, car il s’agit d’une «trahison que les gens ressentent à l’égard de leurs sentiments religieux, de leur dévotion et de leur foi».
Le cardinal O’Malley conclut l’entretien en se disant honoré de siéger à la Commission depuis toutes ces années et de «travailler avec des personnes merveilleuses et dévouées». Reconnaissant au Pape François d’avoir fondé et soutenu la Commission, il annonce être impatient de travailler avec le Pape Léon XIV à l’avenir. (christopher wells)