· Cité du Vatican ·

FEMMES EGLISE MONDE

NonPlacet

Féminisme et postmodernité : quand les critiques ne lisent pas vraiment

 Femminismo e postmodernità:  quando i critici non leggono davvero  DCM-007
05 juillet 2025

Dans le monde académique catholique, il n'est pas rare de faire face à des critiques adressées à des auteurs postmodernes — parmi lesquels certaines penseuses féministes — par des personnes qui, en réalité, ne les ont jamais lus sérieusement. Il m’arrive souvent de noter que les mêmes citations, peu nombreuses, de Simone de Beauvoir ou de Judith Butler sont répétées, accompagnées d'objections plutôt banales, au point de leur attribuer des propos qu'elles n'ont jamais tenus. Non seulement je trouve cela incorrect : je le considère également dangereux.

Des penseurs comme Daniel Dennett ou Paul Graham distinguent deux façons d'aborder le dialogue. La première est celle de « l'argument de paille » (straw man) : on prend la version la plus faible de l'idée d'un autre pour la ridiculiser et la réfuter facilement. C'est malheureusement ce qui se passe souvent lorsque nous nous confrontons à des auteurs éloignés de la pensée chrétienne. La seconde version, en revanche, est celle de « l'argument d'acier » (steel man) : elle consiste à reconstruire l'argument de l'autre dans sa forme la plus forte et la plus cohérente, voire à l'améliorer, avant d'en souligner les éventuelles fragilités et contradictions.

Le Pape François a déclaré à plusieurs reprises que nous ne vivons pas simplement une époque de changement, mais un changement d'époque. Un tel tournant historique exige un nouveau paradigme, et donc de nouvelles synthèses. Mais comment pourrons-nous y parvenir sans un authentique exercice de la raison ouverte, comme aimait à le dire le Pape Benoît XVI ? Et comment pourrons-nous être crédibles si nous ne nous laissons pas sérieusement interpeller, même par des penseurs dont nous ne partageons pas les idées ?

C'est dans cette perspective que s'insère également le Pape Léon XIV qui, lors de sa rencontre avec la Fondation Centesimus Annus, a invité à comprendre la doctrine sociale de l'Eglise non pas comme un ensemble rigide de réponses préconstituées, mais comme une connaissance vivante, fruit de l'écoute, d'hypothèses, de dialogue et de confrontation. Ce n'est qu’ainsi, — a-t-il dit —, que la doctrine peut soutenir le dialogue et contribuer à la construction d'une culture de la rencontre.

Aujourd'hui, nous avons besoin de ce courage que Paul VI reconnaissait à saint Thomas d'Aquin : le « courage de la vérité, la liberté d’esprit face à de nouveaux problèmes, l’honnêteté intellectuelle de celle ou celui qui n'admet pas la contamination du christianisme par la philosophie profane, mais qui n'admet pas non plus son rejet a priori ».

J'aimerais voir un peu plus de ce courage chez les penseurs catholiques d'aujourd'hui.

Marta Rodriguez