
Alessandro Gisotti
Dans la chapelle Sixtine, lors du conclave qui a élu Léon XIV, ils étaient assis à côté. Le cardinal philippin Luis Antonio Tagle et le cardinal américain devenu Pape Robert Francis Prevost se connaissent depuis de nombreuses années et ont collaboré étroitement ces deux dernières années à la tête de leurs Dicastères respectifs, celui des évêques et celui de l’évangélisation. Nous publions des extraits d’un entretien aux médias du Vatican dans lequel le cardinal Tagle dresse un portrait personnel du nouveau Souverain Pontife.
Dans la chapelle Sixtine, vous étiez assis à côté du cardinal Prevost. Comment le futur Pape a-t-il réagi lorsque le quorum des deux tiers a été atteint?
Sa réaction a été une alternance de sourires et de respirations profondes. C’était à la fois une sainte acceptation et une sainte crainte. J’ai prié pour lui en silence. Dès qu’il a obtenu le nombre de voix nécessaire, un tonnerre d’applaudissements a éclaté, comme lors de l’élection du Pape François. Les cardinaux ont exprimé leur joie et leur gratitude envers leur frère, le cardinal Prevost. Mais cela a été aussi un moment intime entre Jésus et lui, dans lequel nous ne pouvions pas entrer et que nous ne devions pas déranger. Je me suis dit: «Laissons le silence sacré envelopper Jésus et Pierre».
Après un fils de saint Ignace, un fils de saint Augustin. Que signifie, à votre avis, le fait que deux Papes appartenant à des ordres religieux importants se succèdent dans l’Eglise, après un jésuite, à présent un augustin?
Saint Augustin et saint Ignace avaient de nombreux points communs. Tous deux avaient suivi un parcours mondain et avaient éprouvé un sentiment d’inquiétude qui les avait poussés vers la recherche de l’aventure. Puis, au moment décidé par Dieu, ils ont trouvé en Jésus ce que leur cœur désirait. «Beauté toujours ancienne et toujours nouvelle», «Seigneur éternel de toutes choses». Les «écoles» augustinienne et ignatienne sont nées de la base commune de la grâce et de la miséricorde de Dieu, qui libère le cœur pour aimer, servir et partir en mission. En gardant son esprit augustinien, le Pape Léon fera écho à l’esprit ignatien du Pape François. Je pense que toute l’Eglise et toute l’humanité bénéficieront de leurs dons. Après tout, saint Augustin et saint Ignace (et tous les saints) sont les trésors de toute l’Eglise.
Mgr Prevost a été un évêque missionnaire, qui est né et a grandi aux Etats-Unis, mais qui a été formé au Pérou en tant que prêtre et pasteur. Certains ont dit qu’il était le «Pape de deux mondes». En Asie, d’où vous êtes originaire, comment les gens voient-ils un tel Pape?
Sans nier le primat de la grâce dans le ministère du Pape Léon, je crois que sa formation humaine, culturelle, religieuse et missionnaire peut donner un visage unique à son ministère. Mais cela vaut pour tous les Papes. Le ministère pétrinien consistant à confirmer les frères et sœurs dans la foi en Jésus, le Fils du Dieu vivant, reste constant, mais il est vécu et exercé par chaque Pape dans son humanité unique. L’expérience multicontinentale et multiculturelle du Pape Léon l’aidera certainement dans son ministère et servira l’Eglise. Les Asiatiques aiment le Pape en tant que Pape, quel que soit son pays d’origine. Il est aimé non seulement par les catholiques, mais aussi par les autres chrétiens et les fidèles de religions non chrétiennes.