
Andrea Monda
Lorsque Léon XIV a tracé le profil du Pape, pasteur universel de l’Eglise tel qu’il a été dessiné par les cardinaux réunis en Conclave, il a parlé d’«un pasteur capable de garder le riche héritage de la foi chrétienne et, en même temps, de jeter son regard au loin pour répondre aux questions, aux inquiétudes et aux défis d’aujourd’hui». Les inquiétudes d’aujourd’hui: ce mot frappe aussi parce que le Pape l’a répété à plusieurs reprises au cours de l’homélie de la Messe pour le début de son pontificat, du début à la fin. Cela a commencé avec l’Incipit des «Confessions» de saint Augustin et du célèbre «cor inquietum» («Tu nous as faits pour Toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose en Toi») et cela n’est pas une surprise étant donné la vocation et la spiritualité de l’augustin Robert Francis Prevost qui a immédiatement «confessé» avoir accepté l’élection «avec crainte et tremblement».
Porter notre regard au loin, sans peur du monde, et jeter aussi les filets dans le monde: «poursuivre cette mission, de jeter le filet encore et encore pour plonger dans les eaux du monde l’espérance de l’Evangile, de naviguer sur la mer de la vie pour que tous puissent se retrouver dans l’étreinte de Dieu». Cette «pêche» n’est pas un acte de prosélytisme, mais d’amour: «Il ne s’agit jamais d’emprisonner les autres par la domination, la propagande religieuse ou les moyens du pouvoir, mais il s’agit toujours et uniquement d’aimer comme Jésus l’a fait». Le chrétien est sel, levain, ferment, a rappelé Léon XIV. Jeter le regard et les filets exige le «duc in altum», de quitter son enclos où l’eau est peu profonde et calme et de défier les vagues du large: «Tel est l’esprit missionnaire qui doit nous animer, sans nous enfermer dans notre petit groupe ni nous sentir supérieurs au monde; nous sommes appelés à offrir à tous l’amour de Dieu, afin que se réalise cette unité qui n’efface pas les différences, mais valorise l’histoire personnelle de chacun et la culture sociale et religieuse de chaque peuple». Tous les peuples, personne n’est exclu; le chemin des catholiques n’est pas une aventure solitaire, mais une expérience à vivre ensemble: «Et c’est la route à parcourir ensemble, entre nous, mais aussi avec les Eglises chrétiennes sœurs, avec ceux qui suivent d’autres chemins religieux, avec ceux qui cultivent l’inquiétude de la recherche de Dieu, avec toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté, pour construire un monde nouveau où règne la paix». Si la paix est l’horizon vers lequel nous devons marcher, comme l’a clairement indiqué Léon XIV dès sa première prise de parole («Que la paix soit avec vous tous!»), elle n’est pas séparée de cette «inquiétude» qu’il faut cultiver; la paix, en effet, n’est pas un «repos» qui éteint toute anxiété, mais elle est l’ancre sur laquelle repose l’espérance du chrétien, cette foi en Jésus et en son amour qui n’évite pas, mais traverse toutes les crises, les doutes, les inévitables insuffisances et incomplétudes de la vie et même les tourments spirituels. Voilà comment se rencontrent deux inquiétudes: les chercheurs inquiets de Dieu sont frères, alliés des croyants authentiques qui connaissent bien cette inquiétude et ne la craignent pas. Les chrétiens eux-mêmes ont une conscience inquiète et, grâce à elle, ils «provoquent» le monde, l’interpellent, l’interrogent, avec un humble courage, afin qu’il ne perde jamais de vue la protection de tout ce qui est humain, à commencer par la dignité de chaque être vivant.