· Cité du Vatican ·

Eglise et économie

Les pauvres et l’exclusion

 Les pauvres et l’exclusion  FRA-007
03 juin 2025

Pierre de Lauzun

Il est approprié, en mémoire du Pape François, de revenir sur ce qui fut un de ses thèmes principaux: celui de l’exclusion et de la pauvreté. Ainsi, dans Evangelii gaudium, au n. 53: «Aujourd’hui, nous devons dire “non à une économie de l’exclusion et de la disparité sociale”. […] Nous avons mis en route la culture du “déchet” qui est même promue. Il ne s’agit plus simplement du phénomène de l’exploitation et de l’oppression, mais de quelque chose de nouveau: avec l’exclusion reste touchée, dans sa racine même, l’appartenance à la société dans laquelle on vit». Et il conteste l’idée d’une correction automatique par l’économie, les «retombées favorables».

Ce qui importe alors est une prise de conscience, et des politiques spécifiques (n. 202) «renonçant à l’autonomie absolue des marchés et de la spéculation financière, et attaquant les causes structurelles de la disparité sociale». Au n. 203: «La dignité de chaque personne humaine et le bien commun sont des questions qui devraient structurer toute la politique économique». Ce qui vise notamment les entreprises, car «la vocation d’entrepreneur est un noble travail», pour «servir vraiment le bien commun, par ses efforts de multiplier et rendre plus accessibles à tous les biens de ce monde». En définitive (n. 204), «la croissance dans l’équité exige quelque chose de plus que la croissance économique, bien qu’elle la suppose; elle demande […] des processus spécifiquement orientés vers une meilleure distribution des revenus, la création d’opportunités d’emplois, une promotion intégrale des pauvres qui dépasse le simple assistanat».

Ceci retrouve une position cons-tante de l’Eglise, qui n’a jamais cru que le jeu automatique du marché était suffisant pour atteindre le Bien commun. Notons que le Pape soulignait ici le besoin de croissance économique, sans y insister. De fait, une grande partie de l’humanité a réellement progressé matériellement. Mais on ne peut attendre l’inclusion de tous par des mécanismes automatiques. Cela suppose une volonté consciente de la part de l’ensemble des acteurs, publics évidemment mais pas seulement et loin de là; elle doit viser bien au-delà de l’assistanat, car celui-ci, au fond, ne règle pas véritablement l’exclusion, la non-participation à la société. Et comme le Pape le soulignait, c’est une question nouvelle, sans rapport avec la problématique marxiste par exemple: celle-ci est construite sur l’idée de l’exploitation du travail; or, ici, le problème est l’absence de contribution à la société, justement par absence de travail. Et si la réponse va bien au-delà de l’assistanat, cela dépasse aussi la perspective de l’Etat-providence, du «welfare».

Rappelons la prière conclusive de Laudato si’, au n. 246: «Dieu tout Puissant… Illumine les détenteurs du pouvoir et de l’argent pour qu’ils se gardent du péché de l’indifférence, aiment le bien commun, promeuvent les faibles, et prennent soin de ce monde que nous habitons». Le message s’adresse donc à tous, mais en priorité à ceux qui peuvent apporter une réponse dans le champ de l’économie, précisément en visant l’intégration digne de toutes les personnes qui en sont exclues.