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Le réseau «The last 20» défend les pays les plus pauvres

La voix des laissés-pour-compte

(FILES) People who fled the Zamzam camp for the internally displaced after it fell under RSF ...
03 juin 2025

Luca Attanasio

L’intuition a jailli en 2021, l’année où l’Italie présidait le G20. Le projet con-sistait à créer un contrepoids au sommet des pays les plus puissants, en faisant émerger les instances, les demandes, les histoires des pays les plus faibles, ainsi que les motifs de leur faiblesse. Voilà pourquoi est né «The Last 20» (L20) — dont l’édition 2025 a été présentée ces derniers jours à Rome — un observatoire composé de chercheurs, de communautés de la diaspora et d’associations, qui rédige un rapport après avoir étudié pendant un an les vingt derniers pays de la Terre selon les statistiques internationales relatives aux principaux indicateurs socioéconomiques. Il engage une lutte civile pour placer ces pays au centre de l’agenda international.

Voici, par ordre alphabétique, la liste des L20 d’après le rapport qui vient d’être publié: Afghanistan, Burkina Faso, Burundi, Tchad, Erythrée, Gambie, Haïti, Libéria, Madagascar, Malawi, Mali, Mozambique, Niger, République Centrafricaine, République Démocratique du Congo, Sierra Leone, Somalie, Soudan du Sud, Togo, Yémen. L’étude ne se limite pas à fournir des informations, elle offre aussi des analyses sociologiques, statistiques, économiques, géopolitiques très détaillées et elle se présente comme un instrument précieux pour comprendre l’état de santé du monde le plus négligé mais aussi pour proposer des solutions.

Les problèmes qui font de ces nations les vingt dernières de la Terre sont très nombreux: une histoire multiséculaire, jamais apaisée définitivement, de colonialisme inaugurée et organisée depuis l’Europe (dont le Vieux Continent, d’ailleurs, n’a pas encore payé le prix); les conflits; l’exploitation inconsidérée des ressources infinies; les très graves problèmes environnementaux, créés en grande partie par l’Occident, et beaucoup d’autres. De plus, les économies des pays du L20 sont accablées de manière dramatique par deux facteurs qui pèsent très lourdement sur elles.

Le premier facteur est l’endettement. «Du point de vue économique — explique Ugo Melchionda, l’un des rédacteurs du dossier — les pays du L20 sont caractérisés par une extrême vulnérabilité due à leur forte dépendance vis-à-vis des aides extérieures, aux taux d’intérêt élevés qui frappent leur endettement extérieur, ce qui contraint fréquemment leurs gouvernements à y consacrer une grande partie de leur bilan au lieu de l’investir dans des services publics et maintient l’Etat dans une situation de sous-développement».

Le second facteur est lié aux dépenses militaires: une partie significative des dépenses publiques de presque tous ces pays est destinée à se procurer des armes. Ce facteur réduit notablement les ressources disponibles pour des services sociaux comme la santé et l’instruction publique.

La croissance économique au sein du groupe des pays du L20 est très peu homogène: le Niger et la République Démocratique du Congo ont enregistré des taux de croissance cumulatifs significatifs (pour le Niger plus de 35% entre 2019 et 2024), grâce notamment à l’extraction de ressources naturelles. Au contraire, d’autres pays comme Haïti et le Soudan du Sud ont subi une contraction significative du PIB à cause des conflits en cours ou de la crise structurelle de l’autorité de l’Etat.

Selon l’Indice de la faim dans le monde, dans certains pays tels que la Gambie et le Burkina Faso, le pourcentage d’enfants morts de faim (malnutrition aiguë) a diminué, alors que, dans d’autres comme le Niger ou le Yémen, il reste à un niveau grave. La malnutrition chronique (rachitisme) atteint plus de 40% des enfants en Afghanistan, au Burundi et au Niger. Le taux d’alphabétisation féminin a progressé dans certains pays, comme le Mozambique ou le Togo, grâce aux efforts réalisés pour inscrire les filles à l’école. Cependant, des problèmes persistent en termes de qualité, en raison de l’inadéquation des infras-tructures et du manque de ressources didactiques. Des améliorations dans le domaine de la santé sont mises en évidence par la baisse des taux de mortalité chez les enfants âgés de moins de cinq ans dans des pays comme la République Centrafricaine et la Somalie, même si ces taux restent bien au-dessus de la moyenne mondiale.

La question que se sont posée les concepteurs du rapport est la suivante: à quoi bon multiplier les conférences, conclure des accords, chercher des solutions aux drames de notre époque si l’on n’écoute jamais la voix de ceux qui vivent concrètement ces drames? Ne serait-il pas plus intéressant, et également plus juste, d’entendre le point de vue de ceux qui vivent et relèvent personnellement d’immenses défis et qui, évidemment, les comprennent beaucoup mieux que ceux qui les observent de loin?