· Cité du Vatican ·

Le saint du mois

Jacques Berthieu

San Jacques Berthieu
03 juin 2025

Rémi Bazin

Official du Dicastère des causes des saints

«Il nous faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le -royaume de Dieu» (Ac 14, 22). Ces paroles bibliques s’appliquent particulièrement au père Jacques Berthieu, premier bienheureux et martyr de Madagascar, dont la vie missionnaire fut constellée de souffrances aussi bien en temps de paix qu’en période de conflits. Par trois fois il fut contraint, à cause des lois françaises antireligieuses et des guerres coloniales, d’abandonner son champ d’apostolat pour partir en exil, mais il ne se découragea jamais et, pressé par l’amour du Christ, il poursuivit jusqu’au bout son travail d’évangélisation.

Né en 1838 à Polminhac (Cantal), ordonné prêtre à 26 ans, il exerça son ministère sacerdotal pendant neuf ans dans le diocèse de Saint-Flour, avant d’entrer dans la Compagnie de Jésus et d’être envoyé en mission à Madagascar et les îles voisines. Avec deux confrères jésuites et les Sœurs de Saint-Joseph de Cluny, il se dédia infatigablement à l’enseignement scolaire, à la formation des catéchistes et à l’éducation aux travaux agricoles. Il décrivait ainsi sa tâche: «Voilà le missionnaire: se faire tout à tous, à l’intérieur et à l’extérieur; s’occuper de tout, hommes, bêtes et choses, et tout cela finalement pour gagner des âmes, d’un cœur large et généreux».

En 1896, il est confronté à une insurrection de la tribu des Menalamba, qui voulait se libérer de la présence étrangère et rétablir le culte des idoles. Alors qu’il cherche à placer ses fidèles chrétiens à l’abri, il est attaqué par les rebelles. C’est ainsi qu’il tombe entre leurs mains dans l’après-midi du 8 juin. Arrêté, il est insulté et reçoit un coup de hache sur le front. Il lui est cependant proposé la vie sauve s’il renonce à la foi chrétienne.

On rapporte alors ce dernier dialogue:

— Veux-tu nous suivre et renoncer à ta prière?

— Je ne pourrai jamais ne pas prier, tant qu’il me restera un souffle de vie. (…)

— Renonce à ta vilaine religion; n’égare plus le peuple, nous te prendrons pour faire de toi notre chef et notre con-seiller et nous ne te tuerons pas.

— Je ne puis absolument pas consentir à cela, mon enfant; je préfère mourir.

Au long d’un pénible parcours de 12 kilomètres, on le fait trébucher, on lui retire ses habits, on lui arrache son crucifix, on le frappe encore. A la tombée du jour, il s’écroule. On décide alors de le fusiller. Le chef rassemble un peloton de six hommes armés de fusils. A cette vue, il s’agenouille. Quelques minutes après il reçoit une décharge de fusil. Un coup à bout portant l’achève. Son corps est traîné jusqu’au fleuve Mananara et jeté dans les eaux.

«La mission progresse, bien que les fruits ne soient encore qu’en espérance en bien des endroits et peu visibles en d’autres — écrivait-il à son frère le 7 avril 1882 — mais que nous importe, pourvu que nous soyons de bons semeurs: Dieu fera pousser en son temps». Par sa vie comme par sa mort, le père Berthieu fut un bon semeur et Dieu a fait mûrir la moisson. Certains de ceux qui lui ont donné la mort adhéreront plus tard à l’Evangile et demanderont à recevoir le baptême. Une fois de plus, le sang des martyrs s’est révélé être une semence de chrétiens.