· Cité du Vatican ·

Analyse

Un augustin profondément augustinien

 Un augustin profondément augustinien  FRA-006
14 mai 2025

Benoît Grière

Augustin de l’Assomption

Lorsque le nouveau Pape Léon XIV est apparu à la Loggia de la basilique Saint-Pierre, l’émotion était là, mais plus encore la joie de voir un religieux de l’Ordre de Saint-Augustin succéder à l’apôtre Pierre.

J’ai eu la chance de rencontrer le père Robert Prevost à l’Union des Supérieurs généraux entre 2011 et 2013. Après avoir été nommé supérieur général des Augustins de l’Assomption, lors de ma première Assemblée semestrielle de l’USG, le père Prevost a tenu à m’accueillir comme membre de la famille augustinienne. Les Assomptionnistes sont en effet agrégés à l’Ordre de Saint-Augustin depuis les débuts de leur congrégation. Le père Prevost m’est apparu sous le jour d’un homme délicat et humble. Il émane de lui tout à la fois de la douceur et une force intérieure. Découvrant l’assemblée des supérieurs généraux où ceux-ci sont plus de 120 à chaque session, il avait tenu à me recevoir comme un frère augustinien. Je crois que l’une des caractéristiques principales de la vie augustinienne est la fraternité évangélique. La vie commune demandée par saint Augustin tient en ces quelques mots de la Règle qu’il a rédigée: «Avant tout vivez unanimes à la maison, ayant une seule âme et un seul cœur tournés vers Dieu». Je pense que nous avons ici une des marques du Saint-Père: l’accueil fraternel de l’autre.

La spiritualité augustinienne est présente dans sa personnalité. Il y a trois mots qui résument assez bien les orientations principales de l’évêque d’Hippone: Unité, Vérité, Charité. Dès la première prise de parole du nouveau Pape l’appel à la Paix et l’Unité est apparu. Augustin a consacré sa vie entière pour que l’Eglise soit une. Il a été un pacificateur dans les querelles avec notamment les Donatistes qui ba-fouaient l’unité de l’Eglise par leurs agissements. La devise de Léon XIV, «in illo uno unum» (dans l’unique Christ nous sommes un) rappelle le commentaire du psaume 127 prononcé par Augustin. Augustin a toujours cherché à réconcilier les diverses sensibilités qui existaient dans l’Eglise. Le père Prevost, au Pérou notamment, a été un évêque qui a travaillé à pacifier son diocèse. Vérité car Augustin a été le «théologien de service» de l’Eglise d’Afrique du nord, comme le disait le père Goulven Madec, un grand connaisseur de l’œuvre augustinienne. La vérité, c’est le Christ. Il est tout à la fois la Patrie où nous allons et la Voie par où nous allons (Sermon 123, 3, 3). Le nouveau Pape est un homme dont la spiritualité est christocentrique: le Christ total, tête et corps.

La charité enfin. Le prieur général de l’Ordre de Saint-Augustin a été un missionnaire actif au Pérou. Il a un souci des pauvres et de la création. Ce n’est pas un hasard s’il a choisi de prendre le nom de Léon pour marquer son attachement à la figure de saint Léon Le grand, mais je crois aussi à celle de Léon XIII qui a été le Pape de la doctrine sociale de l’Eglise. Le principe de subsidiarité, issu de l’encyclique Rerum novarum, est aussi un appel à la synodalité mise en avant par le Pape François et que le Pape Léon reprendra à sa suite. Comment ne pas réentendre ce qu’a dit le Pape en citant Augustin: «avec vous, je suis chrétien, pour vous je suis évêque» (sermon 340,1).

Un jour, alors qu’il prêchait à la basilique de la Paix à Hippone, Augustin se montrait fatigué par l’intense activité qu’il déployait pour le bien de l’Eglise. Une lassitude se fit jour, et l’évêque d’Hippone dit aux fidèles, cette parole étonnante: «A quoi servent mes sermons? (…) A quoi sert ma vie? Le but unique, c’est que nous arrivions enfin à vivre ensemble de la vie du Christ!» (sermon 17, 2). Augustin est un pasteur entièrement donné pour le service du Peuple de Dieu. Gageons que Léon XIV suivra son exemple.