
Frère Matthew
Prieur de la Communauté œcuménique
de Taizé
Voici que nous pouvons enfin chanter de nouveau «Alléluia»! C’est seulement quand nous célébrons la fête de la résurrection du Christ que je me rends compte combien ce cri de louange m’a manqué pendant le temps de Carême.
Nos frères et sœurs orthodoxes ne s’imposent pas une telle discipline liturgique. L’action de grâce doit être chantée même pendant le temps de pénitence et de préparation pour la Fête des Fêtes. Il y a là une bonne logique me semble-t-il, car chaque fois que nous nous tournons de nouveau vers Dieu, c’est une action de la grâce qui nous conduit vers la -louange.
Cette année, nous avons tous fêté Pâques à la même date. Je me rappelle des deux occasions que j’ai eues de célébrer Pâques en pays orthodoxe. La joie qui éclate après les prières intenses et émouvantes de la Semaine Sainte emporte tout le monde avec elle.
Et le cri à pleine voix du prêtre «Le Christ est ressuscité!» suscite la réponse du peuple encore plus forte «Il est vraiment ressuscité!». C’est un chant qui se répète sans cesse au cours des cinquante jours qui suivent. Personne ne se retient — les églises vibrent de cette proclamation.
Voilà ce qui me semble si important: proclamer que le Christ est ressuscité! Oserions-nous saluer nos proches dans la foi avec ces mots pendant le temps pascal? Saint Séraphin de Sarov le faisait même tout au long de l’année! Voilà un beau fruit à recevoir de la tradition orthodoxe.
Ce que notre bouche annonce affirme une réalité qui habite déjà dans nos cœurs, aussi difficile qu’elle soit à expliquer. La dire entraîne tout notre être vers une espérance: la souffrance et la mort n’auront jamais le dernier mot. Nous en avons tellement besoin actuellement.
Est-ce que c’est cela que les femmes ont compris au tombeau de Jésus? Marie de Magdala, apôtre aux apôtres, l’a annoncé aux amis de Jésus, enfermés par peur chez eux. Et la transformation commence à s’opérer. De ces personnes timides, un message se propagera: tous sont accueillis par l’amour que Dieu a manifesté en Jésus.
Mais ils auront besoin de temps pour tout intérioriser. Ils ressentiront la présence du Christ, le verront même. Ils vont cependant devoir apprendre à vivre avec une absence, mais une absence habitée par la promesse qu’ils ne seront pas laissés comme orphelins.
La première fois que j’ai parlé avec frère Roger, il était venu vers moi dans l’église de la Réconciliation à Taizé. J’étais jeune bénévole et les frères ont dû lui parler de moi. Il m’a invité à prier avec lui devant l’icône de la Vierge à l’Enfant. Et il m’a dit «Marie, elle est la mère de nous tous». Ces paroles ne m’ont jamais quitté. Quand je vois Marie, je vois la mère qui a tout intériorisé et par cela a pu tellement porter.
Oui, que l’exemple de Marie nous donne d’intérioriser en nos cœurs ce que nous avons compris et aussi ce que nous n’avons pas encore saisi du mystère de la vie, de la mort et de la résurrection de son Fils, Jésus. Demanderons-nous cette grâce pendant ce temps avant l’Ascension et la Pentecôte?