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Merci, François

 Merci,  François  FRA-005
29 avril 2025

Charles de Pechpeyrou

Une expression populaire dit que lors-que l’on est sur le point de mourir, on voit notre vie défiler sous nos yeux… Alors que le Pape François a rejoint la maison du Père, les images jaillissent dans la chambre noire de nos mémoires intimes et collectives, comme pour une séance de diapositives intérieures. François au balcon de la Loggia, le 13 mars 2013, s’inclinant devant la foule. François face aux eaux de la Méditerranée à Lampedusa, quatre mois plus tard, une gerbe de fleurs jaunes et blanches dans les bras. François ouvrant en 2015 la porte de la Miséricorde à Bangui, capitale de la République centrafricaine, ravagée par la guerre. François franchissant le terrifiant portail d’Auschwitz en 2016, pendant les Jmj de Cracovie. François signant le document sur la fraternité humaine avec le grand imam de la mosquée d’Al-Azhar, en 2019, à Abou Dabi. François pèlerin dans la Rome déserte, vidée par l’épidémie de covid-19, en 2020. François serrant la main de l’ayatollah Al-Sistani, en 2021, en Irak, à l’occasion d’un pèlerinage sur la terre d'Abraham, en communion avec les martyrs de la guerre. François parmi les populations autochtones au Canada, en 2022. François célébrant la Messe au bout du monde, en Mongolie, en 2023. François à Marseille puis en Corse, en 2023 et en 2024. François assis à une table ronde dans la salle Paul vi, lors du Synode sur la synodalité. François serrant dans ses bras un petit garçon qui lui demande si son père athée est au Paradis… La liste est bien loin d’être exhaustive, et chacun garde en lui son album personnel du -Pape. Un geste, une parole, un regard, un texte.

Une des grâces du Pape François est d’avoir su créer un lien direct et organique avec le Peuple de Dieu, ce peuple qu’il aimait de tout son cœur de Pape, lui qui pensait que les pasteurs doivent avoir l’odeur de leurs brebis. Lors de sa première apparition à la fenêtre de l’hôpital Gemelli, où il venait d’être hospitalisé cinq semaines, il s’était enthousiasmé de la présence d’une dame portant une brassée de fleurs jaunes… Fraternité, simplicité, radicalité: François a tenu la promesse contenue dans le nom qu’il avait choisi, en référence au poverello d’Assise. A l’heure où notre monde, toujours plus complexe et divisé, déchiré par les guerres, a soif d’espérance et de miséricorde, il a su faire souffler l’air vivifiant de l’Eglise des origines, affirmant et attestant, à la suite de Be-noît xvi que «l’Eglise grandit non par prosélytisme, mais par attraction», et que «la foi se transmet par attraction, c’est-à-dire par témoignage». François avait commencé son pontificat avec la lettre apostolique Evangelii gaudium, publiée en 2013, et alors que les médias s’interrogent sur son héritage, cette joie de l’Evangile qu’il a su transmettre est une part essentielle de son legs.

La Joie est l’alliée de l’Espérance, cette vertu si chère à Charles Péguy qui est tellement plus que l’optimisme. C’est d’ailleurs par des paroles pleines d’espérance qu’il avait conclu son autobiographie Espère (Albin Michel, 2015), et qui résonnent à présent comme une lettre de mission adressée à chacun de nous: «Tant que nous continuerons à nous illuminer dans le regard d’un enfant et dans les infinies possibilités du bien, tant que nous nous laisserons habiter par la miséricorde, tout sera toujours possible. Le vent de l’Esprit n’a pas cessé de souffler. Faites bon voyage, frères et sœurs».