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Visite du palais royal de Caserte, en Campanie

La splendeur retrouvée

 La splendeur retrouvée  FRA-005
29 avril 2025

Texte et photos: Marine Gauchard

Il existe un lieu, près de Naples, où il est possible de replonger dans le faste baroque et dans la grandeur du Siècle des Lumières: le palais royal de Caserte. Conçu par l’architecte Luigi Vanvitelli dès 1752 à la demande de Charles de Bourbon, alors roi de Naples et de Sicile et arrière-petit-fils de Louis xiv, il fut pensé pour matérialiser la puissance et la magnificence de la maison de Bourbon-Sicile et rivaliser avec le château de Versailles. Une succession d’évènements — abdication de Charles de Bourbon en 1759, épidémie de choléra, décès de l’architecte, marche sur Naples par les troupes napoléoniennes — retarda la finalisation de l’édifice, qui eu lieu en 1845. Destiné à briller de mille feux, le palais ne connut qu’une courte apogée. Après des décennies de négligence, notamment au sortir de la Seconde Guerre mondiale, un vaste plan de restauration, entrepris en 2014, a redonné au complexe monumental sa splendeur d’antan.

Arriver à Caserte en train et se retrouver, à peine sorti de la gare, face au palais royal est une expérience saisissante. L’édifice est distant, mais paraît si proche en raison de sa façade imposante. Sa longueur — 247 mètres — et ses cinq étages impressionnent par leur symétrie parfaite. Dès ce premier instant, la Reggia affirme son ambition de rivaliser avec Versailles. De la musique classique diffusée sur l’esplanade plonge les visiteurs dans une ambiance d’époque le temps de faire la file.

Une fois l’entrée franchie, la visite débute par le «cannocchiale», ou «longue-vue»: une galerie parfaitement rectiligne qui relie l’entrée à l’allée principale des jardins, la Via d’Acqua, qui mesure 3 km de long, dévoilant une profondeur qui semble infinie. Sur la droite, un majestueux escalier de marbre composé de 116 marches, ouvre la voie. Le regard est immédiatement attiré par les deux lions en marbre, disposés de part et d’autre, qui montent la garde. Trois statues, en hauteur, observent les visiteurs alors qu’ils contemplent attentivement la beauté qui s’offre à eux. La double voûte est une source supplémentaire d’émerveillement. Au temps des Bourbons, un orchestre était même installé dans l’espace situé entre les deux voûtes afin d’accompagner de manière triomphale l’entrée du cortège royal. L’effet escompté se produit: c’est une entrée digne d’un roi.

L’escalier mène au vestibule supérieur, qui conduit à la chapelle palatine, commandée par Charles de Bourbon mais consacrée en 1784. Elle s’inspire de celle du château de Versailles, tout en introduisant des éléments distinctifs qui font d’elle un chef-d’œuvre unique. L’architecture et les ornements montrent à quel point le roi souhaitait honorer la maison de Dieu. La chapelle possède un sol et des murs en marbres polychromes, les plus raffinés à l’époque, ainsi qu’une voûte à caissons en or pur et de belles colonnes géminées. D’immenses fenêtres baignent la chapelle de lumière naturelle. Comme si tout cela n’était pas assez grandiose, le souverain commissionna également huit toiles à de grands peintres de l’époque. Une seule œuvre, celle du retable de l’autel, a été épargnée lors d’un bombardement en 1943. Certaines colonnes portent aujourd’hui encore les marques de ce tragique évènement.

Un peu plus loin se trouvent les appartements royaux, qui constituent le cœur de la vie privée des souverains et saisissent par leurs décors grandioses. Salons, chambres, antichambres, studioli, cabinets, boudoirs… pièce après pièce, le mobilier et les ornements, composés de meubles d’époque, de porcelaines raffinées, d’imposants lustres en cristal ou en verre de Murano et de murs tapissés en soie, reflètent le pouvoir et la magnificence dont jouissaient la maison royale. Une des salles les plus impressionnantes est la salle du trône, où l’or abonde, qui mesure 40 mètres de long. Au plafond, une fresque monumentale rappelle la pose de la première pierre du palais, le 20 janvier 1752. La bibliothèque est un autre joyau du palais. Elle se développe en trois salles de consultation, précédées de deux salles de lecture, et comporte plus de 14.000 volumes datant principalement de la période des Lumières. Le théâtre est un autre lieu fascinant et suggestif du complexe. Situé au premier étage, cette salle de spectacle baroque avait pour but de créer un espace de divertissement pour la cour. Il peut accueillir environ 400 spectateurs et se distingue par son opulente décoration, bleue et or. Les colonnes en albâtre soutiennent la voûte ornée d’une superbe fresque représentant Apollon vainqueur du serpent Python. Bien que de taille modeste par rapport à d’autres théâtres royaux, sa beauté et son charme sont incomparables.

La splendeur de Caserte ne se limite pas à ses 1200 pièces; le parc, qui s’étend sur 120 hectares, en est le prolongement. Lui aussi s’inspire du château de Versailles. Il est si grand qu’il est proposé de louer des vélos ou des petites voiturettes pour le parcourir. Le petit bois, situé à l’ouest, offre un coin parfait pour faire une pause au frais. En cette période de l’année, les parterres de fleurs ont éclos, offrant un spectacle coloré tandis que leur parfum envahit l’air. L’harmonie des couleurs et des odeurs se mêle à la magnificence de l’immense allée principale, agrémentée de fontaines ornées de statues mythologiques et de bassins en succession. Des allées transversales permettent de marcher à l’ombre des oliviers, ce qui rend la visite agréable quand les jours se réchauffent.

Si, aujourd’hui, l’on est subjugué par la Reggia, certaines personnes, à l’époque, n’étaient pas du même avis. En effet, Stendhal, dans Rome, Naples, et Florence émit un jugement en demi-teinte sur le palais: «Je viens de faire trente milles inutiles. Caserte n’est qu’une caserne dans une position aussi ingrate que Versailles. A cause des tremblements de terre, les murs ont cinq pieds d’épaisseur: cela fait, comme à Saint-Pierre, qu’on y a chaud en hiver et frais en été. Murat a essayé de faire finir ce palais: les peintures sont encore plus mauvaises qu’à Paris, mais les décors sont plus grandioses». Ne vous fiez pas à l’écrivain, les deux heures de train depuis Rome valent la peine!

Souvent surnommé «Le Versailles napolitain» en raison des éléments inspirés du château français, le palais de Caserte, en réalité, n’est pas une pâle imitation, mais un chef-d’œuvre à part entière. Son escalier monumental en marbre, ses salles décorées de matériaux précieux et ses jardins interminables coupent le souffle à quiconque se rend en ces lieux. Il n’y a aucun doute, Caserte n’a rien à envier à Versailles.