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Editorial

Vincent, l’ami des pauvres

 Vincent, l’ami des pauvres  FRA-004
07 avril 2025

Charles de Pechpeyrou

C’est un humble document, un texte signé par quelques personnes de bonne volonté. Mais parfois de petits gestes peuvent marquer définitivement l’histoire, en l’occurrence celle de la charité chrétienne, en France et dans le monde. Il y 400 ans, le 17 avril 1625, à Paris, Philippe-Emmanuel de Gondi et son épouse Françoise-Marguerite de Silly fondent la «Congrégation des prêtres de la mission» devant les notaires Dupuys et Le Boucher, en présence de Vincent de Paul qui a lui aussi signé le contrat. Les deux bienfaiteurs — est-il écrit — attendent du jeune prêtre qu’il se charge «d’élire et choisir, entre ci et un an prochainement venant six personnes ecclésiastiques, ou tel nombre que le revenu de la présente fondation en pourra porter, dont la doctrine, piété, bonnes mœurs et intégrité de vie lui soit connu pour travailler audit œuvre sous sa direction sa vie durant». L’aventure débute…

Tout ce qui est décrit dans le contrat est le résultat des expériences missionnaires vécues par Vincent de Paul comme curé de la paroisse de Clichy-la-Garenne, dans ce qui est encore la campagne environnant la capitale. Un écrit fondateur qui va permettre l’éclosion de tant de vocations missionnaires auprès des plus pauvres, dans une variété de charismes qui forment aujourd’hui la grande famille vincentienne. Ces personnes les plus démunies justement, saint Vincent de Paul les appelle ses «amis», anticipant de quatre siècles l’encouragement formulé par le Pape François dans son Message pour la viiie Journée mondiale des pauvres célébrée le 17 novembre dernier. «Nous sommes appelés en toute circonstance — exhorte le Saint-Père — à être amis des pauvres, en suivant les traces de Jésus qui, le premier, s’est montré solidaire des derniers». Les pauvres étaient pour Vincent le point le plus sensible de sa conscience. Jean Calvet, l’un de ses biographes, dit de lui: «Il sentait et croyait que, sans métaphore, le mendiant, le malheureux était réellement son frère. S’il faisait asseoir à sa table deux pauvres de la rue chaque jour et souhaitait les servir lui-même, c’était parce qu’il voyait en eux Jésus-Christ, mais avant tout parce qu’il les considérait comme ses frères».

Ces «amis» de saint Vincent sont malheureusement toujours trop nombreux aujourd’hui. Selon le dernier rapport de la Banque mondiale publiée le 15 octobre dernier, Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté, 44% de la population mondiale vit avec moins de 6,85 dollars par jour. «Après des décennies de progrès, la lutte contre la pauvreté dans le monde subit de graves régressions dues à une convergence de défis: une croissance économique au ralenti, la survenue de la pandémie, le poids de la dette, la montée des conflits et de la fragilité, et les chocs climatiques», déplore le directeur général Axel van Trotsenburg.

Dans ce contexte, on ne peut que louer l’effort infatigable de tous les missionnaires vincentiens engagés dans le monde entier, fidèles à la devise de la Congrégation: «Evangelium proclament pauperibus misit me», «Il m’a envoyé pour évangéliser les pauvres». Puisse ce 400e anniversaire — comme l’écrit le Pape lui-même dans un message adressé au supérieur général — «être une occasion de joie et de fidélité renouvelée de la vision de disciple missionnaire, fondée dans l’imitation de l’amour préférentiel du Christ pour les pauvres».