
Andrea Monda
Au cours des quelques minutes où il est apparu sur le balcon de l’hôpital Gemelli et a béni la foule de près de 3000 personnes, le Pape a prononcé peu de mots, mais a dit beaucoup de choses. Sa force communicative a pu de nouveau se déployer.
Il l’avait déjà fait lors des jours de «silence», un silence précisément éloquent, où il a été «hors de la scène» mais en même temps au centre de la scène du monde. Non seulement parce que, comme on dit, «le monde entier avait les yeux rivés» sur cette fenêtre d’hôpital, mais aussi parce que le Pape a la force d’accueillir la réalité, d’y entrer en relation de façon directe, vive, féconde. Le 27 mars a marqué le cinquième anniversaire de la Statio Orbis sur la place Saint-Pierre durant le moment le plus sombre de la pandémie de covid-19. Là aussi: la place était vide, mais en même temps remplie, remplie de tout le monde et de ses blessures et de sa douleur. Et cette douleur était portée par cet homme seul sous la pluie.
Comme le 23 mars, à l’hôpital Gemelli. Il est apparu au balcon, a béni, à grand-peine, avec les bras, mais surtout il a vu, observé, accueilli la réalité, y est entré en relation. Et il a prononcé de simples paroles: «Et je vois cette dame avec les fleurs jaunes! Elle est gentille!» indiquant de sa main une autre main, celle de Carmela Mancuso, 78 ans, calabraise, au premier rang, avec un bouquet de fleurs jaunes dans les mains. Tel est le style du Pape François: en face de lui se trouvent des milliers de personnes, mais il cherche le rapport «un à un», «face à face». Tout comme Jésus dans l’épisode de la femme hémoroïsse, quand il demande à la foule «qui m’a touché?» et qu’il scrute du regard pour chercher la personne avec qui il est déjà entré en contact. «Je ne sais pas quoi dire. Merci, merci, merci, au Seigneur et au Saint-Père. Je ne pensais pas être aussi “vue”» a déclaré Carmela aux médias du Vatican. C’est précisément cela! La surprise d’être «aussi vue», vue d’une certaine façon. La façon dont le Pape voit le monde et les personnes nous surprend encore. Et c’est un signal ambigu: c’est laid car cela signifie que nous n’avons pas encore compris, après douze ans, le regard et l’importance du regard du Pape, mais c’est également beau car ce regard naît de l’émerveillement et de l’amour et donc il est toujours surprenant, il est toujours source à son tour d’émerveillement. Cet émerveillement est synonyme d’ouverture à la réalité sans préjugés, sans conditionnements idéologiques.
Le Pape nous demande quelle est notre approche à la réalité: est-elle «artistique» ou instrumentale, utilitariste? Est-ce une approche d’ouverture attentive et étonnée ou «inventée»? Si elle naît de l’étonnement, elle amènera une autre attitude fondamentale pour François et pour chaque chrétien: la gratitude. Immédiatement après avoir quitté l’hôpital Gemelli, avant de revenir à Sainte-Marthe, le Pape est allé à Sainte-Marie-Majeure, comme il le fait quand il revient de voyages apostoliques dans le monde entier, pour remercier Marie, la Salus Populi Romani. Au terme de ce long «voyage» de 38 jours à l’hôpital, le Pape a voulu amener des fleurs à la Vierge, des fleurs jaunes, celles de Carmela.