
Texte et photos: Marine Gauchard
Située entre le Latium, les Abruzzes et l’Ombrie, la Sabine est une région historique d’Italie. Son nom provient du peuple Sabin, qui a habité la région entre les viiie et iiie siècle av. j.-c. Pour y arriver depuis Rome, il faut emprunter la Via Salaria, une antique voie tracée par les Sabins et améliorée par les Romains, utilisée pour acheminer le sel récolté des marais salants, les campus salinarum, à l’embouchure du Tibre. Cette région historique, moins connue que d’autres, a de nombreuses surprises à offrir, comme la ville de Rieti et son Umbilicus Italiae, point qui constitue le centre géographique de l’Italie, le lac del Turano et son eau bleu turquoise, ou encore l’abbaye Santa Maria di Farfa, étape immanquable d’un séjour en terre sabine.
L’abbaye bénédictine s’élève au pied du mont Acuziano, entre les oliviers et les cyprès. A l’entrée du bourg, les premiers habitants à accueillir les visiteurs sont les chats de la colonie de Farfa. Ils font partie intégrante de l’expérience car on les retrouve partout: sur un banc, à la terrasse de l’unique café et même à l’intérieur des boutiques.
Le cœur vibrant du village est la place attenante à l’abbaye, qui accueille ledit café. La grande terrasse rectangulaire rassemble résidents et touristes qui viennent s’y rafraîchir et faire une pause. Aujourd’hui, les habitants permanents sont surtout les commerçants et les restaurateurs, qui vivent au-dessus de leurs échoppes. Et si Farfa semble aujourd’hui dépeuplée et isolée, elle fut pourtant un puissant centre monastique pendant le Moyen-Age. Construite au vie siècle par saint Laurent Siro, l’abbaye fut détruite et reconstruite au fil des siècles. Elle devint abbaye impériale après avoir obtenu la protection de Charlemagne, qui y séjourna lors de son voyage vers Rome pour être couronné empereur en l’an 800. A son apogée, l’abbaye contrôlait quelque 600 églises, 132 châteaux forts, six villes fortifiées et sept ports, dont celui de Civitavecchia, le premier du Latium. Des chiffres qui donnent le vertige pour un édifice niché au cœur des collines sabines. Pour l’anecdote, l’abbaye était également propriétaire du terrain sur lequel a été édifiée l’église Saint-Louis-des-Français à Rome.
La visite — nécessairement accompagnée d’un guide — commence dans l’abbatiale. Depuis l’extérieur, il est difficile d’imaginer les richesses que renferme l’édifice. L’église rassemble des éléments de l’architecture carolingienne, romane et gothique: on peut y admirer, parmi des vestiges médiévaux, des œuvres de grands peintres de l’époque, comme les frères Zuccari ou Orazio Gentilleschi, et, sur la contre-façade, une fresque peinte par le Flamand Hendrick van den Broeck. Les colonnes des nefs sont d’époque romaine, une magnifique icône dorée représente Notre-Dame de Farfa, le chœur et le plafond sont richement décorés. Le parcours se poursuit dans l’abbaye, qui renferme de nombreuses surprises, comme la bibliothèque, qui héberge environ cinquante mille volumes, dont des incunables et des codex, et la crypte, qui abrite un sarcophage d’époque romaine.
Une fois la visite finie, il est temps de visiter le village. Les ateliers et boutiques d’artisans bordent les quelques rues pavées et la place offre une vue magnifique sur les collines environnantes. Comme l’explique notre guide, le bourg était en réalité bien plus grand au Moyen-Age. Il fut même considéré comme le premier centre commercial d’Italie. On s’y rendait de toute la Péninsule pour acheter des étoffes, de l’huile, de la cire et des produits provenant d’Orient. Aujourd’hui, on y vend toutes sortes de produits régionaux, du linge de maison et des petits souvenirs faits main, pour ne pas oublier la magie du vieux bourg de Farfa. Histoire, culture, tranquillité et gastronomie: tels sont les ingrédients d’un week-end enchanté en Sabine…