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Entretien

Un défi anthropologique

 Un défi anthropologique  FRA-003
04 mars 2025

Dans le cadre du Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle qui s’est déroulé à Paris les 10 et 11 février, l’un des auteurs de la Note du Vatican Antiqua et Nova, Mgr Carlo Maria Polvani, secrétaire du Dicastère pour la culture et l’éducation, s’est exprimé au micro de Radio Vatican. Nous publions une partie de l’interview réalisée par Delphine Allaire.

Quelle relation homme-machine va se profiler et de quelle façon l’anthropologie chrétienne en sort-elle bouleversée?

Dans les années 1940, il y a déjà près de cent ans, Georges Bernanos expliquait dans Révolution et liberté que le problème n’est pas qu’il y a plus de machines, mais toujours plus d’hommes qui ne désirent que ce que les machines peuvent donner. La technologie devient un problème selon la manière dont l’homme interprète ce qu’elle est et la façon dont il va l’utiliser. Le problème supplémentaire de l’intelligence artificielle par rapport à d’autres outils comme la télévision, la radio ou les autres développements technologiques, est qu’elle fonc-tionne toute seule. Contrairement à une radio ou une télé que je dois éteindre ou allumer, l’intelligence artificielle, une fois qu’elle a été programmée pour résoudre un problème, non seulement va continuer à le faire, mais va également devenir toujours plus apte à le faire parce qu’elle aura emmagasiné plus de détails et plus de données. Son logiciel fonctionnera mieux. Et donc, le danger est qu’elle ait pratiquement une vie indépendante de notre volonté.

Quels sont les dangers de l’ia pour la foi? Va-t-elle altérer notre rapport à Dieu, Verbe fait chair?

La manière dont l’intelligence artificielle pourrait toucher les questions de foi est qu’elle change notre anthropologie, la façon dont l’on se conçoit comme chrétien, et surtout comme catholique, parce que c’est quelque chose qui distingue les catholiques par rapport à d’autres dénominations chrétiennes: nous voyons toujours dans la nature un réceptacle de la grâce.

Il n’y a jamais d’opposition entre la grâce et la nature pour nous, sauf le péché. S’il y a un outil qui change la façon dont nous concevons notre nature humaine, par conséquent, il y a aussi un danger que l’on conçoive différemment la grâce, et le rapport entre la grâce et la nature. Ce sont des concepts très classiques. On revient à Aristote, à saint Thomas. Rien de nouveau sous le soleil. Seulement, ni saint Thomas ni Aristote ne pouvaient imaginer qu’il y aurait une machine qui arriverait à pousser l’homme à croire qu’il est différent.

Je prends un exemple extrême, celui de ceux qui croient au transhumanisme. Ils pen-sent que l’homo sapiens est simplement une bête comme les autres, une espèce comme les autres, et que l’intelligence artificielle nous aidera à devenir un autre homo, un surhomme. Cela évidemment serait détruire l’humain. Ce serait nier que c’est l’humain comme humain qui a eu le privilège de voir son Dieu s’incarner en un homme.