
Frère Matthew
Prieur de la Communauté œcuménique
de Taizé
Les signes du printemps sont déjà bien présents dans nos campagnes bourguignonnes. Nivéoles, jonquilles et scilles bleus nous ont réjouis de leur floraison précoce, comme des précurseurs de la beauté à venir qui rompt l’austérité hivernale des bois. Les anémones commencent à se mettre en bouton et bientôt vont tapisser le sol de certains coins sylvestres.
Ce mois de mars nous fait entrer dans le Carême. Je me souviens de ma venue à Taizé comme étudiant pour un premier temps de bénévolat auprès de la communauté il y a 39 ans pendant cette période de l’année.
Tout rempli de résolutions ascétiques pour me rapprocher du Christ et accueillir le Royaume de Dieu, j’étais bouleversé d’entendre frère Roger parler de cette période de préparation comme de «quarante jours pour célébrer le pardon que le Christ nous révèle à travers le don de sa vie».
Soudain, il m’est devenu clair que la conversion personnelle ne dépendait pas de mes propres efforts aussi louables qu’ils soient, mais de me tourner tout simplement vers le Christ qui me recevait à bras ouverts et même avec joie, tel que j’étais.
Cette compréhension a ouvert quelque chose en moi. Accueillir le regard du Christ sur ma vie m’a permis de faire vraiment face à ce que je devais déposer en lui pour en être libéré et pouvoir ensuite chercher des chemins de communion auprès des personnes que j’avais blessées, entrer plus profondément dans la prière, et rendre grâce pour l’amour que Dieu m’avait manifesté.
Le sacrement de réconciliation est un don de l’Eglise qui nous confirme dans le pardon de Dieu. Nous avons besoin d’entendre les paroles qui nous absolvent de nos péchés. Mais elles ne sont pas le point final. Elles nous relèvent aussi pour que le chemin de conversion continue. Elles nous interpellent pour que nous rétablissions les liens de communion brisés en nous-mêmes, envers d’autres personnes et envers la création que nous blessons si souvent.
Bien sûr, parler du pardon aujourd’hui n’est pas évident. Nous avons dans certains cas utilisé ce trésor d’Evangile, qui est au cœur de l’enseignement de Jésus, pour faire taire, pour empêcher l’expression d’une souffrance. Comment trouver les paroles et gestes qui reconnaissent une injustice subie et qui n’enferment pas la personne dans sa blessure, mais qui libèrent? Pour cela, il faut souvent de la patience et surtout une vraie écoute qui ne saute pas les étapes.
L’autre soir dans l’église à Taizé, quand les frères restent pour écouter à la fin de la -prière, trois adolescentes sont venues me voir avec leurs questions. Elles demandaient combien nous sommes dans la communauté, est-ce que nous avions des temps de prière entre nous, quel était mon chant préféré… Et puis les questions se sont taries et elles ont dit au revoir.
Mais l’une d’entre elles est restée et, avec une candeur toute simple, m’a demandé «Comment consacrer ma vie à Dieu?». C’est cette question qui va me porter pendant ce temps du Carême. Nous sommes tous des débutants.