
Offrir une expérience immersive dans le monde de l’iconographie médiévale tout en respectant la beauté et la solennité de la cathédrale par l’absence de toute installation superflue: le Centre international du vitrail (Civ) de Chartres a décidé de faire appel à l’intelligence artificielle pour relever ces deux défis à travers un projet initié il y a quatre ans et qui permettra aux visiteurs de découvrir les histoires — trop souvent méconnues du grand public — que racontent les quelque 2.600 m2 de verrières de l’église. Vie des saints, épisodes de la Bible ou de l’Histoire, les récits ne manquent pas et seule la technologie est en mesure de présenter une telle quantité d’informations, note Jean Touchard, chargé de mission pour le Civ, expliquant le projet à notre journal.
Une application gratuite et accessible à tous, intégrant les dernières avancées en intelligence artificielle, et qui devrait voir le jour d’ici quelques semaines, permettra donc de raconter les vitraux de la cathédrale de Chartres et d’en dévoiler tout la beauté, à portée de main. Grâce à une carte interactive de la cathédrale et à un système de reconnaissance numérique des vitraux, les visiteurs pourront utiliser une tablette ou un smartphone pour scanner un vitrail. En un instant, ils accéderont au contenu des images et comprendront leur sens de lecture, la symbolique des scènes et leur rôle dans l’édifice et la liturgie. Grâce à la possibilité de sauvegarder les vitraux qui les ont intéressés, les visiteurs pourront ensuite se rendre au Musée du vitrail voisin pour les approfondir avec l’Encyclopédie numérique du vitrail, en grand format sur des écrans interactifs géants. L’idée est également de constituer progressivement une base de données aussi exhaustive que possible, sachant que la cathédrale contient plus de 170 vitraux au total. «Pour réaliser ce projet, nous avons fait appel à une entreprise d’informatique spécialisée dans l’ia», raconte Jean Touchard. «Deux algorithmes sont utilisés: l’un permet de reconnaître des objets à distance — puisque certains vitraux se trouvent à trente mètres de haut — tandis que l’autre permet la reconnaissance faciale, comme dans les points de contrôles dans les aéroports». Par exemple, il existe de nombreuses images de personnages bibliques et de rois sur les vitraux: l’ia sera capable de les identifier et de les thématiser pour les visiteurs.
«Le projet permet donc de se rapprocher des détails. Et les détails, c’est la vie concrète — commente de son côté Mgr François Bousquet, membre du comité scientifique du Civ — mais il racontera aussi l’histoire présentée par chaque ensemble ou séquence et chaque scène». «Pour l’Ecriture, Ancien et Nouveau Testament, comme pour la vie des saints à travers l’histoire de l’Eglise, le récit mis ainsi en forme visuelle peut être interprété par ses sources et ce qu’en ont retenu les maîtres-verriers — ajoute celui qui fut par le passé recteur de Saint-Louis-des-Français, à Rome — cette fois, il ne s’agit plus seulement de la vie concrète, mais de la vie transfigurée». Enfin, le projet, avec toutes les ressources des technologies les plus modernes, permettra de saisir combien la luminosité est nécessaire à la révélation. «C’est notre propre regard, et notre regard intérieur, qui en sera illuminé», conclut-il.
D’autres projets liant les nouvelles technologies et l’art sacré sont également en cours d’étude. Il est ainsi envisagé de proposer une exposition immersive en réalité virtuelle d’une trentaine de 30 minutes. A l’aide d’un casque de réalité virtuelle, chaque visiteur pourra revivre l’histoire de la cathédrale de Chartres, de sa construction au xiie siècle jusqu’à aujourd’hui, guidé par les commentaires de l’évêque Fulbert, qui décida de reconstruire l’édifice après l’incendie de 1020, avec une narration centrée sur l’architecture et les vitraux.
Le projet prévoit également la possibilité de visites guidées en ligne de la cathédrale de Chartres. Le conférencier guidera la visite en partageant son écran avec les utilisateurs grâce à l’outil informatique. Il pourra donc commenter en direct à ses interlocuteurs chacun des éléments décoratifs, depuis le parvis extérieur jusqu’à l’abside. Cet outil — soulignent les respon-sables — nécessite encore la capture vidéo complète de la cathédrale de Chartres. Un nouveau chapitre à écrire pour l’un des plus anciens et symboliques lieux de culte en France. (charles de pechpeyrou)