
Charles de Pechpeyrou
Prêtre du diocèse de Beauvais au service de la diplomatie vaticane passé par l’Iran et à présent en Tanzanie, ancien élève de l’Académie pontificale ecclésiastique, le père Martin Pinet avait reçu le prix de Lubac en 2022 pour sa thèse La notion de munus au Concile Vatican ii et après: pour une fondation théologique du pouvoir dans l’Eglise. Dans un un nouvel ouvrage publié aux éditions du Cerf, il poursuit sa réflexion sur le pouvoir dans l’Eglise en répondant à une série de grandes questions telles qu’elles se posent pour certaines au sein du grand public: Le patriarcat dans l’Eglise, quelles origines? Comment Jésus a-t-il été charismatique sans être manipulateur? Jésus a-t-il voulu une Eglise hiérarchique? Des élections sont-elles nécessaires pour que le peuple participe au pouvoir? Faut-il être un ministre ordonné et un homme pour exercer le pouvoir dans l’Eglise? etc.
En se fondant sur les textes bibliques, la tradition et la jurisprudence de l’Eglise, le théologien cherche à apporter plus que des prises de position à l’emporte-pièce, des éléments de réflexion et des arguments parfois contradictoires, afin d’éclairer le discernement de son lecteur. Son propos est d’aider à entrer dans la complexité et la dimension dynamique de la notion de pouvoir dans l’Eglise. «Le pouvoir, tel qu’il y est compris et exercé, entre aussi dans le mouvement, écrit-il. C’est dans ce balancement entre société et mystère, droit et théologie, entre terrestre et céleste, humain et spirituel, qu’il trouve sa spécificité. (…) En quelque sorte, l’Eglise se comprend dans un fonctionnement “en triangle”: il y a l’institution elle-même, celui qui l’a fondée, et le monde dans lequel elle évolue. Le seul pôle qui ne change pas, c’est le Christ. Le monde, lui, est en constante évolution. L’Eglise porte la mission de s’ajuster en même temps à l’un et à l’autre pour permettre leur rencontre».
L’époque contemporaine, justement, l’auteur la décrit comme un retour à une situation pré-constantinienne. Il note que si les persécutions obligeaient l’Eglise antique à faire «front commun», et à se positionner tout entière face à la société, «ce face à face» a disparu lorsque l’Eglise et la société ont fini par s’identifier presque totalement l’une à l’autre, déplaçant la tension à l’intérieur même de l’Eglise, entre clercs et laïcs. Dans la situation actuelle, où la société ne peut plus être décrite comme chrétienne, «il est malheureux de voir l’énergie dépen-sée dans des luttes de pouvoir entre prêtres et laïcs, luttes qui ne sont que le vestige d’une chrétienté désormais révolue», estime l’auteur. Ainsi, poursuit-il, «il s’agit aujourd’hui pour l’Eglise de retrouver une tension évangélisatrice qui, comme aux premiers siècles, dépense son énergie dans le témoignage du Christ plus que dans les luttes internes qui la traversent». Une parole bienvenue.
Le pouvoir dans l’Eglise, on en parle? Martin Pinet, Cerf, 2025, 224 pages, 22 euros