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5 Questions à…

Rossella Miccio (Emergency) : le pacifisme est réduit au silence

 Rossella Miccio (Emergency):   il pacifismo è silenziato  DCM-002
01 février 2025

Des civils comme cibles et des hôpitaux sous les bombes. La guerre bafoue le droit humanitaire international, et pas seulement à Gaza et au Soudan. Cela a déjà été le cas en Afghanistan, en Syrie et au Yémen. Cette tendance, dénoncée par les ONG, s’accentue et entrave le travail des agents humanitaires. Nous en avons parlé avec Rossella Miccio, présidente d’Emergency, l’association italienne fondée en 1994 pour offrir des soins médicaux et chirurgicaux gratuits et de qualité aux victimes de la guerre, des mines antipersonnel et de la pauvreté.

La politique a-t-elle répondu à vos dénonciations ?

Non, et pourtant c’est un problème pour l’ensemble de la communauté internationale. Outre les bombes, la bureaucratie entrave également les services essentiels dans les zones de conflit. Par le passé, on cherchait au moins des excuses, aujourd’hui il y a un manque total de pudeur.

Le mouvement pacifiste est-il en crise ?

Au contraire, il est fort et transversal, interreligieux et laïc. Il est peut-être fragmenté, mais le vrai problème est celui de la visibilité. Le seul à pouvoir parler librement de la paix est le Pape François, le reste du mouvement est réduit au silence, ridiculisé ou criminalisé par la politique. Nous devons travailler sur une stratégie de visibilité.

Un exemple concret de crise humanitaire ?

Le Soudan. La communauté internationale a fui. Notre Centre Salam de chirurgie cardiaque à Khartoum était unique au monde : les patients venaient de pays en guerre avec le Soudan, ils bénéficiaient d’un visa gratuit et une partie des coûts était prise en charge par le gouvernement. L’année dernière, le Centre n’a été financé qu’à moitié. Depuis plus d’un an et demi, nous attendons le financement d’un hôpital par l’Italie. La paix est urgente, mais en attendant, nous avons besoin de ressources.

Les femmes artisanes de la paix. Vérité ou stéréotype ?

Dans le troisième secteur, les femmes sont majoritaires. Une réponse honnête ? On considère que c’est un monde avec peu de perspectives de carrière, donc moins intéressant pour les hommes. Le stéréotype réside dans l’idée qu’il suffit de s’occuper des autres pour faire le bien, mais en réalité il faut aussi des compétences et du professionnalisme. Si je regarde la politique, je ne vois pourtant pas tellement de femmes pacifistes.

Comment construire la paix après la guerre ?

Je prends l’exemple de l’Afghanistan. Après 20 ans de guerre, nous ne pouvons pas faire comme si 35 millions de personnes n’existaient pas. En termes économiques et en termes de droits, la situation s’est aggravée et ce sont les femmes qui paient le plus lourd tribut. Nous travaillons sur la formation ainsi que sur les soins, nous avons trois hôpitaux, 40 cliniques et une école d’anesthésie à Kaboul. Les femmes afghanes représentent 30 % de notre personnel. Le fait que ces femmes, souvent veuves, contribuent à soutenir leur famille et le village, les aide à ne pas se perdre.

Carmen Vogani
Journaliste et autrice