· Cité du Vatican ·

Préoccupation du nonce à Damas

En Syrie l’espérance meurt

People walk at Aleppo's ancient citadel, after the Syrian army said that dozens of its soldiers had ...
05 décembre 2024

En Syrie «l’espérance est morte, elle meurt, et dans certains cas, elle est déjà enterrée». La population n’a qu’un seul souhait: «fuir». Quatorze ans de conflit, la pauvreté extrême, les sanctions internationales, le tremblement de terre, et maintenant une nouvelle vague de tensions et de violences, commencent à peser également sur le cœur du cardinal Mario Zenari. Nonce depuis seize ans à Damas, le prélat regarde avec préoccupation la prise d’Alep qui a déjà causé des centaines de morts et des milliers de déplacés. «On verra ce qui se passera. Actuellement un calme suspect règne», déclare le cardinal aux médias du Vatican. Un appel bref, au milieu de nombreuses demandes, avec le téléphone qui sonne à répétition en arrière-plan. La Syrie vit une nouvelle urgence. Une nouvelle guerre.

«Malheureusement, on ne parlait plus de la Syrie depuis environ trois ans, elle avait disparu du radar des médias. Maintenant, on parle à nouveau d’elle avec ces évènements tragiques», déclare le prélat, expliquant être en contact avec les communautés chrétiennes d’Alep. «Il y a beaucoup de peur, les bureaux gouvernementaux ont disparu, tout comme l’armée, il y a des groupes armés qui circulent et qui ont promis de ne pas s’attaquer à la population civile. Jusqu’à présent, il semblerait qu’ils aient respecté cela, mais les personnes se sont enfermées chez elles». Tout, souligne-t-il, «est très incertain»: «L’inquiétude règne. Les évêques ont rassuré leurs fidèles qui restent à Alep, tout comme les prêtres, les religieux restés auprès de la population». Il est difficile de prévoir si la violence s’étendra au-delà du pays. «On ne sait pas ce que nous réserve l’avenir pour cette région, pour la Syrie en général. D’autre part, tout le Moyen-Orient brûle et les cartes géopolitiques sont également brouillées».

La souffrance la plus grande pour le nonce est de voir la population fuir, en particulier les jeunes. Cette situation provoquera une nouvelle émigration, fait-il remarquer: «Le nombre déjà préoccupant des déplacés internes — environ 7 millions —, augmentera certainement, tout comme le nombre de réfugiés. C’est inévitable. Dans les pays voisins, il y a environ 6 millions de Syriens. Entre ceux dans le pays et en-dehors, la Syrie détient le triste record de réfugiés: environ 13 millions, plus de la moitié de la population».

La population fuit car «elle a perdu espoir en l’avenir du pays. On ne voit pas de reconstruction, on ne voit pas de reprise économique, il n’y a pas de travail, donc l’unique souhait de la population, des jeunes, est de partir», souligne le cardinal Zenari. Et avec un filet de voix, il déclare: «Ici l’espérance est morte». L’espérance est que le Jubilé qui approche «puisse apporter une bouffée d’oxygène à cette population qui souffre de la guerre, de la faim, du manque de travail».

Le cardinal adresse un dernier message à la communauté internationale: «il est juste d’aider à résoudre les conflits, mais avant toute chose, il y a la prévention. Certains des derniers conflits qui ont éclaté dans le monde étaient prévisibles, il fallait agir avant. Au Moyen-Orient, en Ukraine… J’insisterais donc sur la prévention des guerres, sur le fait d’agir avant, sinon on agit quand les pots sont déjà cassés».

Salvatore Cernuzio