
L’encouragement aux chrétiens du Moyen-Orient afin qu’ils puissent toujours témoigner du Christ Ressuscité «dans ces terres martyrisées par la guerre» et l’annonce de l’insertion de saint Isaac de Ninive dans le «Martyrologe romain» ont été les éléments centraux du discours prononcé par le Pape François dans la matinée du samedi 9 novembre, recevant en audience dans la Bibliothèque privée du Palais apostolique Sa Sainteté Mar Awa iii, Catholicos-Patriarche de l’Eglise Assyrienne d’Orient, ainsi qu’une délégation de la Commission mixte internationale pour le dialogue théologique entre cette dernière et l’Eglise catholique. A cette occasion, ont été célébrés le 30e anniversaire de la Déclaration christologique commune entre les deux Eglises — document qui a mis fin à la controverse remontant au Concile d’Ephèse — et le 40e anniversaire de la première visite à Rome du Patriarche Mar Dinkha iv.
Sainteté, chère sœur,
chers frères dans le Christ!
«Le Maître des siècles […] a commencé en ces derniers temps de répandre plus abondamment sur les chrétiens divisés entre eux l’esprit de repentance et le désir de l’union» (Décret Unitatis redintegratio, 1). Je me rappelle ce que disait le grand Zizioulas, homme de Dieu; il disait: «Moi je connais la date de l’union, je la connais». Quand? «Le lendemain du Jugement dernier». Avant cela, il n’y aura pas d’union, mais entre-temps, nous devons marcher ensemble, prier ensemble et œuvrer ensemble. C’est ce que nous faisons en ce moment. Saint Jean-Paul ii accueillit Sa Sainteté Mar Dinkha iv lors de la première rencontre officielle entre un Evêque de Rome et un Catholicos-Patriarche de l’Eglise Assyrienne d’Orient il y a quarante ans, comme Votre Sainteté vient de le rappeler. Ces paroles étaient tirées du décret sur l’œcuménisme du Concile Vatican ii Unitatis redintegratio, dont l’Eglise catholique célèbre ce mois-ci le soixantième anniversaire. Pas à pas, lentement.
C’est le «désir d’union», auquel le Décret fait allusion à plusieurs reprises (cf. Ur, 7), qui a poussé nos prédécesseurs à se rencontrer. Ce «desiderium unitatis», selon la belle expression de saint Jean Cassien (Conférences, 23, 5), est une grâce qui a inspiré le mouvement œcuménique depuis ses origines et que nous devons constamment cultiver. Suscité par l’Esprit Saint, ce désir n’est autre que celui du Christ lui-même, exprimé à la veille de sa Passion, «afin que tous soient un» (Jn 17, 21).
Sainteté, cher Frère, c’est précisément ce même «désir d’union» qui nous anime aujourd’hui, alors que nous commémorons le trentième anniversaire de la Déclaration christologique commune entre nos Eglises, qui a mis fin à 1.500 ans de controverses doctrinales relatives au Concile d’Ephèse. Cette Déclaration historique a reconnu la légitimité et l’exactitude des diverses expressions de notre foi christologique commune, telle qu’elle a été formulée par les Pères dans le Credo de Nicée. Cette approche «herméneutique» a été rendue possible par un principe fondamental affirmé par le décret conciliaire, à savoir que la même foi, transmise par les Apôtres, a été exprimée et acceptée sous des formes et des modalités diverses en fonction des différentes conditions de vie (cf. Unitatis redintegratio, 14). C’est un principe important.
C’est bien cette Déclaration christologique commune qui a annoncé la création d’une Commission mixte pour le dialogue théologique entre nos Eglises, qui a produit des résultats notables, même au niveau pastoral. Je voudrais rappeler en particulier l’accord de 2001 sur l’anaphore d’Addai et Mari, qui a permis aux fidèles respectifs une communicatio in sacris dans certaines circonstances; et en 2017 une Déclaration commune sur la «vie sacramentelle». Plus récemment, il y a deux ans, un document sur Les images de l’Eglise dans les traditions patristiques syriaque et latine a jeté les bases d’une compréhension commune de la cons-titution de l’Eglise.
Aujourd'hui, j’ai donc l’occasion de remercier chacun de vous, théologiens membres de la Commission mixte, pour votre engagement. En effet, sans votre travail, ces accords doctrinaux et pastoraux n’auraient pas été possibles. Je me réjouis de la publication d’un livre commémoratif, avec les différents documents marquant les étapes de notre chemin vers la pleine communion, avec une préface commune de Votre Sainteté et la mienne. En effet, le dialogue théologique est indispensable dans notre chemin vers l’union, car l’union à laquelle nous aspirons est l’union dans la foi, à condition que le dialogue de la vérité ne soit jamais séparé du dialogue de la charité et du dialogue de la vie: un dialogue humain, total.
Cette union dans la foi est déjà atteinte par les saints de nos Eglises. Ce sont eux les meilleurs guides sur la voie de la pleine communion. C’est pourquoi, avec l’accord de Votre Sainteté et du Patriarche de l’Eglise Chaldéenne, et encouragé également par le récent Synode de l’Eglise catholique sur la synodalité, qui a rappelé que l’exemple des saints d’autres Eglises est «un don que nous pouvons recevoir, en insérant leur mémoire dans notre calendrier liturgique» (Document final, n. 122), je suis heureux d’annoncer que le grand Isaac de Ninive, l’un des Pères les plus vénérés de la tradition syro-orientale, reconnu comme un maître et un saint par toutes les traditions, sera inséré dans le Martyrologe romain.
Par l’intercession de saint Isaac de Ninive, unie à celle de la bienheureuse Vierge Marie, Mère du Christ notre Sauveur, puissent les chrétiens du -Moyen-Orient toujours témoigner du Christ Ressuscité dans ces terres martyrisées par la guerre. Et que continue de fleurir l’amitié entre nos Eglises, jusqu’au jour béni où nous pourrons célébrer ensemble sur le même autel et recevoir la communion du même Corps et Sang du Sauveur, «afin que le monde croie» (Jn 17, 21)!
Merci, Sainteté! Continuons de marcher ensemble, de prier ensemble et d’œuvrer ensemble, et avançons sur cette voie vers la pleine union. Et merci à vous tous pour cette visite. Restons unis dans la prière réciproque.
Et maintenant, je vous invite à réciter ensemble la prière que le Seigneur Jésus nous a enseignée, le Notre Père. Chacun prie selon sa tradition et sa langue, à mi-voix.