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Le Document final approuvé intégralement par l’assemblée repropose une expérience d’Eglise entre «communion, participation, mission»

Synodalité, une conversion pour être davantage missionnaires

 Synodalité, une conversion  pour être davantage missionnaires  FRA-044
31 octobre 2024

Le Document final voté samedi 26 octobre, après l’approbation des 155 paragraphes, a été publié et ne fera pas l’objet d’une exhortation du Pape: François a en effet décidé qu’il soit diffusé immédiatement afin qu’il puisse inspirer la vie de l’Eglise. Cependant «le processus synodal ne s’achève pas avec la fin de l’assemblée mais il comprend la phase de mise en œuvre» (n. 9). En impliquant chacun dans le «chemin quotidien avec une méthodologie synodale de consultation et de discernement, en identifiant des modalités concrètes et des parcours de formation pour parvenir à une conversion synodale tangible dans les diverses réalités ecclésiales» (n. 9). Le document interpelle les évêques sur leur engagement en matière de trans-parence et de responsabilité, tandis que — comme l’a également déclaré le cardinal Víctor Manuel Fernández, préfet du Dicastère pour la doctrine de la foi — un travail est en cours pour donner plus d’espace et de pouvoir aux femmes.

Deux mots-clés qui émergent du texte — traversé par la perspective et la proposition de conversion — sont «relations» — qui est une manière d’être Eglise — et «liens», sous le signe de «l’échange de dons» entre les Eglises vécu de manière dynamique et, par conséquent, pour convertir les processus. Ce sont précisément les Eglises locales qui sont au centre de l’horizon missionnaire qui est le fondement même de l’expérience de pluralité de la synodalité, avec toutes les structures au service, précisément, de la mission avec les laïcs, de plus en plus au centre et protagonistes. Dans cette perspective, le caractère concret de l’enracinement dans le «lieu» ressort fortement de ce document final. La proposition présentée dans le document pour garantir que les dicastères du Saint-Siège puissent lancer une consultation «avant de publier d’importants documents normatifs» (n. 135) est également particulièrement significative.

La structure du Document

Le Document final est articulé en cinq parties (n. 11). La première — intitulée «Le cœur de la synodalité» —, est suivie de la deuxième — «Ensemble, sur la barque de Pierre» — «con-sacrée à la conversion des relations qui édifient la communauté chrétienne et donnent forme à la mission dans l’entrelacement des vocations, des charismes et des ministères». La troisième partie — «Sur ta parole» — «identifie trois pratiques intimement liées entre elles: le discernement ecclésial, les processus de prise de décision, la culture de la transparence, de la responsabilité et de l’évaluation». La quatrième partie — «Une pêche abondante» — «définit la manière dont il est possible de cultiver sous des formes nouvelles l’échange de dons et l’entrelacement des liens qui nous unissent dans l’Eglise, à une époque où l’expérience de l’enracinement dans un lieu est en train de changer profondément». Enfin, la cinquième partie — «Moi aussi je vous envoie» — «permet de regarder le premier pas à accomplir: veiller à la formation de tous à la synodalité missionnaire». En particulier, il est noté que le développement du document est guidé par les récits évangéliques de la Résurrection (n. 12).

Les blessures du Ressuscité continuent de saigner

L’introduction du Document (nn. 1-12) met d’emblée en évidence l’essence du Synode comme «expérience renouvelée de la rencontre avec le Seigneur ressuscité que les disciples ont eue au Cénacle le soir de Pâques» (n. 1). «En contemplant le Ressuscité» — affirme le Document — «nous avons aussi vu les signes de ses blessures (...) qui continuent à saigner dans le corps de tant de frères et sœurs, également à cause de nos fautes. Notre regard sur le Seigneur ne se détourne pas des drames de l’histoire, mais ouvre les yeux pour reconnaître la souffrance qui nous entoure et nous pénètre: les visages des enfants terrifiés par la guerre, les pleurs des mères, les rêves brisés de tant de jeunes, les réfugiés qui affrontent de terribles voyages, les victimes du changement climatique et de l’injustice sociale» (n. 2).

Le Synode, en rappelant les «trop nombreuses guerres» en cours, s’est associé aux «appels répétés à la paix du Pape François, en condamnant la logique de la violence, de la haine et de la vengeance» (n. 2). En outre, le chemin synodal est nettement œcuménique — «orienté vers une unité pleine et visible des chrétiens» (n. 4), et «constitue un véritable acte supplémentaire de réception» du Concile Vatican ii, en prolongeant «son inspiration» et en relançant «pour le monde d’aujourd’hui sa force prophétique» (n. 5). Tout n’a pas été facile, reconnaît-on dans le Document: «Nous ne cachons pas que nous avons expérimenté parmi nous des difficultés, des résistances au changement et la tentation de faire prévaloir nos idées sur l’écoute de la Parole de Dieu et la pratique du discernement» (n. 6).

Le cœur de la synodalité

La première partie du Document (nn. 13-48) s’ouvre sur des réflexions partagées au sujet de «l’Eglise Peuple de Dieu, sacrement de l’unité» (nn. 15-20) et sur les «racines sacramentelles du Peuple de Dieu» (nn. 21-27). C’est un fait que, précisément «grâce à l’expérience de ces dernières années», le sens des termes «synodalité» et «synodal» a été «mieux compris et plus encore vécu» (n. 28). Et «ils ont été de plus en plus associés au désir d’une Eglise plus proche des personnes et plus relationnelle, qui soit la maison et la famille de Dieu» (n. 28). «En termes simples et synthétiques, on peut dire que la synodalité est un chemin de renouveau spirituel et de réforme structurelle pour rendre l’Eglise plus participative et missionnaire, c’est-à-dire pour la rendre plus capable de marcher avec chaque homme et chaque femme en irradiant la lumière du Christ» (n. 28). Conscients que l’unité de l’Eglise n’est pas uniformité, «la valorisation des contextes, des cultures et des diversités, et des relations entre eux, est une clé pour grandir en tant qu’Eglise synodale missionnaire» (n. 40). Avec la relance des relations également avec d’autres traditions religieuses en particulier «pour construire un monde meilleur» et en paix (n. 41).

La conversion des relations

«L’appel en vue d’une Eglise davantage capable de nourrir les relations: avec le Seigneur, entre hommes et femmes, dans les familles, dans les communautés, entre tous les chrétiens, entre les groupes sociaux, entre les religions, avec la création» (n. 50) est le constat qui ouvre la deuxième partie du document (nn. 49-77), qui «n’oublie pas non plus ceux qui ont partagé la souffrance de se sentir exclus ou jugés» (n. 50).

«Pour être une Eglise synodale, il faut donc une véritable conversion relationnelle. Nous devons à nouveau apprendre de l’Evangile que le soin des relations et des liens n’est pas une stratégie ou un instrument pour une plus grande efficacité organisationnelle, mais que c’est la manière dont Dieu le Père s’est révélé en Jésus et dans l’Esprit» (n. 50). Précisément «les expressions récurrentes de douleur et de souffrance des femmes de toutes les régions et de tous les continents, tant laïques que con-sacrées, au cours du processus synodal, révèlent que souvent, nous n’y parvenons pas» (n. 52). En particulier, «l’appel au renouveau des relations dans le Seigneur Jésus résonne dans la pluralité des contextes», liés «au pluralisme des cultures» avec, parfois aussi, «les signes de logiques relationnelles déformées, parfois opposées à celles de l’Evangile» (n. 53). Le document affirme de façon directe: «Les maux qui affligent notre monde trouvent leurs racines dans cette dynamique» (n. 54), mais «la fermeture la plus radicale et la plus dramatique est celle envers la vie humaine elle-même, qui conduit au rejet des enfants, dès le ventre de leur mère, et des personnes âgées» (n. 54).

Ministères pour la mission

Les «charismes, les vocations et les ministères pour la mission» (nn. 57-67) sont au cœur du document, qui met l’accent sur une participation plus large des laïcs. Le ministère ordonné est «au service de l’harmonie» (n. 68), et en particulier «le ministère de l’évêque» est de «composer les dons de l’Esprit dans l’unité» (nn. 69-71). Parmi les différentes questions, il a été souligné que «la relation constitutive de l’évêque avec l’Eglise locale n’apparaît pas aujourd’hui avec suffisamment de clarté dans le cas des évêques titulaires, comme par exemple, les représentants pontificaux et ceux qui prêtent service dans la Curie romaine». Avec l’évêque, il y a «les prêtres et les diacres» (nn. 72-73), pour une «collaboration entre les ministres ordonnés au sein de l’Eglise synodale» (n. 74). L’expérience de la «spiritualité synodale» (nn. 43-48) est également significative, avec la certitude que «si la profondeur spirituelle personnelle et communautaire fait défaut, la synodalité se réduit à un expédient organisationnel» (n. 44). C’est pourquoi, note-t-on, «pratiqué avec humilité, le style synodal peut faire de l’Eglise une voix prophétique dans le monde d’aujourd’hui» (n. 47).

La conversion des processus

Dans la troisième partie du document (nn. 79-108), on souligne d’em blée que «dans la prière et le dialogue fraternel, nous avons reconnu que le discernement ecclésial, le soin des processus de décision et l’engagement à rendre compte de son action et à évaluer les résultats des décisions prises, sont des pratiques par lesquelles nous répondons à la Parole qui nous montre les chemins de la mission» (n. 79). En particulier, «ces trois pratiques sont étroitement liées. Les processus de prise de décision nécessitent un discernement ecclésial, qui requiert l’écoute dans un climat de confiance, que la transparence et la responsabilité soutiennent. La confiance doit être réciproque: ceux qui prennent les décisions doivent pouvoir faire confiance et écouter le Peuple de Dieu, qui à son tour doit pouvoir faire confiance à ceux qui détiennent l’autorité» (n. 80). «Le discernement ecclésial pour la mission (nn. 81-86), en réalité, n’est pas une technique d’organisation, mais une pratique spirituelle à vivre dans la foi» et «n’est jamais l’affirmation d’un point de vue personnel ou de groupe, ni ne se résout en une simple somme d’opinions individuelles» (n. 82). «L’articulation des processus de décision» (nn. 87-94), «la transparence, la responsabilité, l’évaluation» (nn. 95-102), «la synodalité et les organes participatifs» (nn. 103-108) sont des points centraux des propositions contenues dans le document, qui ont émergé de l’expérience du Synode.

La conversion des liens

«A une époque où l’expérience des lieux d’enracinement et de pèlerinage de l’Eglise change, il est nécessaire de cultiver sous de nouvelles formes l’échange des dons et l’enchevêtrement des liens qui nous unissent, soutenus par le ministère des évêques en communion entre eux et avec l’évêque de Rome»: telle est l’essence de la quatrième partie du document (nn. 109-139). L’expression «enracinés et pèlerins» (nn. 110-119) nous rappelle que «l’Eglise ne peut être comprise sans être enracinée dans un territoire concret, dans un espace et un temps où se forme une expérience partagée de rencontre avec Dieu qui sauve» (n. 110). Avec une attention également sur les phénomènes de la «mobilité humaine» (n. 112) et de la culture numérique (n. 113). Dans cette perspective, «marcher ensemble dans les différents lieux comme disciples de Jésus dans la diversité des charismes et des ministères, ainsi que dans l’échange des dons entre les Eglises, est un signe efficace de la présence de l’amour et de la miséricorde de Dieu dans le Christ» (n. 120). «L’horizon de la communion dans l’échange des dons est le critère inspirateur des relations entre les Eglises» (n. 124). D’où les «liens pour l’unité: Conférences épiscopales et assemblées ecclésiales» (nn. 124-129). La réflexion synodale sur le «service de l’Evêque de Rome» (130-139) est particulièrement significative. Précisément dans le style de la collaboration et de l’écoute, «avant de publier d’importants documents normatifs, les Dicastères sont invités à entamer une consultation avec les Conférences épiscopales et les organismes correspondants des Eglises orientales catholiques» (n. 135).

Former un peuple de disciples missionnaires

«Pour que le saint Peuple de Dieu puisse témoigner de toute la joie de l’Evangile, en grandissant dans la pratique de la synodalité, il a besoin d’une formation adéquate: avant tout à la liberté de fils et de filles de Dieu à la suite de Jésus Christ, contemplé dans la prière et reconnu dans les pauvres», affirme le document dans sa cinquième partie (nn. 140-151). «L’une des demandes apparues le plus fortement et de toutes parts tout au long du processus synodal est que la formation soit intégrale, continue et partagée» (n. 143). Dans ce domaine également a été relevée l’urgence de «l’échange des dons entre vocations diverses (communion), dans la perspective d’un service à accomplir (mission) et dans un style d’implication et d’éducation à la coresponsabilité différenciée (participation)» (n. 147). Et «un autre domaine de grande importance est la promotion dans tous les milieux ecclésiaux d’une culture de la protection (safeguarding), pour faire des communautés des lieux toujours plus sûrs pour les mineurs et les personnes vulnérables» (n. 150). Enfin, «les thèmes de la doctrine sociale de l’Eglise, de l’engagement pour la paix et la justice, de la sauvegarde de la maison commune et du dialogue interculturel et interreligieux doivent également être plus largement diffusés au sein du Peuple de Dieu» (n. 151).

Les résultats du synode confiés
à la Vierge Marie

«En vivant le processus synodal — conclut le document (n. 154) — nous avons pris conscience que le salut à recevoir et à proclamer passe par les relations. Il est vécu et témoigné ensemble. L’histoire nous apparaît tragiquement marquée par la guerre, par la rivalité pour le pouvoir, par mille injustices et abus. Nous savons cependant que l’Esprit a déposé dans le cœur de chaque être humain un désir profond et silencieux de relations authentiques et de liens véritables. La création elle-même parle d’unité et de partage, de variété et d’imbrication entre différentes formes de vie». Le texte se conclut par une prière à la Vierge Marie à laquelle sont confiés «les résultats de ce Synode: “Apprends-nous à être un Peuple de disciples missionnaires qui marchent ensemble: une Eglise synodale” (n. 155)».

Giampaolo Mattei