
Durant la veillée pénitentielle dans la basilique Saint-Pierre, après le témoignage de trois victimes — d’abus, des migrations et de la guerre — des cardinaux — travaillant dans des dicastères au Vatican ou archevêques dans des pays du monde entier — ont prononcé solennellement des demandes de pardon, écrites par le Pape lui-même.
Cardinal Oswald Gracias
archevêque de Bombay
Je demande pardon à Dieu le Père, ayant honte du péché du manque de courage, du courage nécessaire dans la recherche de la paix entre les peuples et les nations, en reconnaissance de la dignité infinie de toute vie humaine dans toutes ses étapes, de la naissance à la vieillesse, en particulier des enfants, des malades, des pauvres, du droit d’avoir un travail, une terre, une maison, une famille, une communauté dans laquelle vivre librement, de la valeur que représentent le paysage et la culture de chaque zone de la planète. Faire la paix demande du courage: dire oui à la rencontre et non à l'affrontement; oui au respect des pactes et non à la provocation; oui à la sincérité et non à la duplicité. Au nom de tous les fidèles, je demande pardon à ceux qui naissent aujourd’hui et qui naîtront après nous, aux générations futures qui nous prêtent ce monde et qui ont le droit de l'habiter un jour dans la concorde et dans la paix. Plus grave encore est notre péché, si nous invoquons le nom de Dieu pour justifier la guerre et la discrimination. Pardonnez-nous, Seigneur.
Cardinal Michael Czerny, s.j.
préfet du dicastère pour le service
du développement humain intégral
Je demande pardon, en éprouvant de la honte pour ce que nous, les fidèles, avons fait pour transformer la Création de jardin en désert, en la manipulant à notre guise, et pour ce que nous n'avons pas fait pour l'empêcher. Je demande pardon, avec un sentiment de honte, pour les moments où nous n'avons pas reconnu le droit et la dignité de chaque personne humaine, en la discriminant et en l'exploitant — je pense en particulier aux peuples indigènes — et pour les moments où nous avons été complices de systèmes qui ont favorisé l'esclavage et le colonialisme. Je demande pardon, avec un sentiment de honte, pour avoir pris part à la mondialisation de l'indifférence face aux tragédies qui font passer les routes maritimes et les frontières entre les nations d'un chemin d'espoir à un chemin de mort pour tant de migrants. La valeur de la personne est toujours plus grande que celle de la frontière. J'entends en ce moment la voix de Dieu qui nous demande à tous: «Où est ton frère, où est ta sœur?» Pardonne-nous, Seigneur.
Cardinal Seán Patrick O’Malley, o.f.m. Cap., archevêque émérite de Boston
(Etats-Unis d’Amérique)
Je demande pardon, en ayant honte, pour toutes les fois où nous, fidèles, avons été complices ou avons directement commis des abus de conscience, des abus de pouvoir et des abus -sexuels. J’éprouve de la honte et de la tristesse en pensant en particulier aux abus sexuels commis sur des mineurs et des personnes vulnérables, qui ont volé l’innocence et profané le caractère sacré des personnes faibles et sans défense. Je demande pardon, en ayant honte, pour toutes les fois où nous avons utilisé le statut du ministère ordonné et de la vie consacrée pour commettre ce terrible péché, en nous sentant en sécurité et protégés tout en profitant diaboliquement des petits et des pauvres. Pardonne-nous, Seigneur.
Cardinal Kevin Joseph Farrell
préfet du dicastère pour les laïcs, la famille
et la vie
Je demande pardon au nom de toute l’Eglise, en particulier de nous les hommes, en ayant honte de toutes les fois où nous n’avons pas reconnu et défendu la dignité des femmes, où nous les avons rendues muettes et soumises, et bien souvent exploitées, en particulier dans la condition de la vie consacrée. Je demande pardon, en ayant honte, pour toutes les fois où nous avons jugé et condamné avant de prendre soin des fragilités et des blessures de la famille. Je demande pardon, en ayant honte, pour toutes les fois où nous avons volé l’espoir et l’amour des jeunes générations, quand nous n’avons pas compris la délicatesse des transitions de la croissance, du travail de formation de l’identité, et que nous ne sommes pas prêts à nous sacrifier pour leur droit d’exprimer leurs talents et leur professionnalisme en trouvant un travail décent et en recevant un salaire juste. Je demande pardon, j’ai honte de toutes les fois où nous avons préféré nous venger plutôt que de nous engager dans la recherche de la justice, en abandonnant ceux qui se trompent en prison et en recourant à la peine de mort. Pardonne-nous, Seigneur.
Cardinal Víctor Manuel Fernández, préfet
du dicastère pour la doctrine de la foi
Je demande pardon, ayant honte pour toutes les fois où dans l’Eglise, en particulier nous, les pasteurs, à qui est confiée la tâche de confirmer nos frères et sœurs dans la foi, nous n’avons pas su sauvegarder et proposer l’Evangile comme une source vivante de nouveauté éternelle, en l’«endoctrinant» et en risquant de le réduire à un tas de pierres mortes à jeter sur les autres. Je demande pardon, j’ai honte pour toutes les fois où nous avons donné une justification doctrinale à des traitements inhumains. Je demande pardon, j'ai honte pour toutes les fois où nous n’avons pas été des témoins crédibles du fait que la vérité libère, pour toutes les fois où nous avons entravé les diverses inculturations légitimes de la vérité de Jésus-Christ, qui parcourt toujours les chemins de l'histoire et de la vie pour être trouvée par ceux qui veulent la suivre fidèlement et joyeusement. Je demande pardon, ayant honte des actions et des omissions qui ont empêché et rendent encore difficile la recomposition dans l’unité de la foi chrétienne et l’authentique fraternité de tout le genre humain. Pardonne-nous, Seigneur.
Cardinal Cristóbal López Romero, S.D.B.,
archevêque de Rabat (Maroc)
Je demande pardon au nom de toute l’Eglise, ayant honte d’avoir détourné la tête devant le sacrement des pauvres, préférant nous parer et parer l’autel de préciosités coupables qui enlèvent le pain aux affamés. Je demande pardon, en ayant honte pour l’inertie qui nous empêche d’accepter l’appel à être une Eglise pauvre des pauvres et qui nous fait céder à la séduction du pouvoir et à la flatterie des premières places et des titres vaniteux. Je demande pardon, en ayant honte, lorsque nous cédons à la tentation de nous mettre au centre, protégés dans nos espaces ecclésiaux malades d’autoréférentialité, refusant de sortir, négligeant la mission dans les périphéries géographiques et existentielles. Pardonne-nous Seigneur.
Christoph Schönborn, o.p.,
archevêque de Vienne (Autriche)
Je demande pardon, j’ai honte des obstacles que nous mettons à la construction d’une Eglise vraiment synodale, symphonique, cons-ciente d’être le peuple saint de Dieu marchant ensemble, reconnaissant sa commune dignité baptismale. Je demande pardon, j’ai honte pour toutes les fois où nous n’avons pas écouté l’Esprit Saint, préférant nous écouter nous-mêmes, défendant des opinions et des idéologies qui blessent la communion dans le Christ de tous, attendue à la fin des temps par le Père. Je demande pardon, j’ai honte pour les fois où nous avons transformé l’autorité en pouvoir, en étouffant la pluralité, en n’écoutant pas les personnes, en rendant difficile la participation de tant de frères et sœurs à la mission de l’Eglise, en oubliant que nous sommes tous appelés dans l’histoire, par la foi dans le Christ, à devenir des pierres vivantes de l’unique temple de l’Esprit Saint. Pardonne-nous, -Seigneur.