· Cité du Vatican ·

FEMMES EGLISE MONDE

Le prêtre idéal de la doyenne des vaticanistes

Mes trois Papes
et un Indiana Jones

 I miei tre Papi  e un Indiana Jones  DCM-009
28 septembre 2024

J’ai eu l’immense privilège, grâce à mon travail de correspondante TV au Vatican, de suivre pas à pas trois grands Papes : Jean-Paul II, Benoît XVI et le Pape François. Je les ai suivis dans le monde entier et j’ai été témoin d’événements historiques pour l’Église et le monde, mais l’expérience humaine la plus intense et la plus profonde a été de découvrir le prêtre qui était en chacun d’eux et de comprendre que le prêtre que je souhaiterais devrait peut-être être capable d’incarner leurs trois différentes façons de vivre le sacerdoce.

Je voudrais que mon prêtre « idéal » ait tout d’abord le mysticisme dont Karol Wojtyla a fait preuve dès les premières années de sa vocation vécue dans des temps difficiles et hostiles. Je voudrais qu’il soit, comme lui, profondément amoureux de Dieu et de l’homme, qu’il ait sa profonde et belle dévotion à Marie et sa confiance totale en la providence, capable de changer  le cours de l’histoire. J’aimerais qu’il puisse se plonger dans la prière comme il le faisait. Le voir prier, surtout dans sa chapelle, dans des moments d’intimité, était une expérience spirituelle qu’aucun de ceux qui ont eu ce privilège ne peut oublier. J’ai été témoin de ces moments à plusieurs reprises et son mysticisme était tangible. Je n’ai jamais vu personne prier comme lui. On avait l’impression qu’il était complètement détaché de ce monde et qu’il avait un dialogue direct avec Dieu.

Je voudrais un prêtre avec cette capacité de parler avec Dieu, de trouver dans la prière la force de son témoignage et de s’abandonner totalement à sa volonté.
Je voudrais un prêtre qui sache porter sur ses épaules la Croix du Christ et les croix du monde, qui sache se dépenser jusqu’à la fin de ses jours, capable de transmettre toujours l’espérance et la force, même dans les moments les plus durs.
Je voudrais un prêtre à la foi granitique, capable de rapprocher Dieu des hommes et les hommes de Dieu. Un prêtre qui nous ferait comprendre que la vie est une succession de bons moments et de moments difficiles, et qui nous apprendrait à trouver en nous-mêmes et dans notre foi la capacité de les affronter.

Je voudrais que mon prêtre idéal ait la formation théologique du Pape Benoît XVI, sa clarté et sa profondeur de pensée, son amour de la vérité, sa capacité à rapprocher la foi et la raison et à nous faire comprendre qu’il n’y a pas d’opposition entre elles. Je voudrais un prêtre capable comme lui de présider les cérémonies d’adoration eucharistique devant des milliers de fidèles, dans un silence absolu, dans le monde turbulent et bruyant d’aujourd’hui.
Je voudrais un prêtre qui ne quitte pas une tribune malgré un orage soudain et le danger d’une bâche gonflée par la pluie, pour rester avec des jeunes du monde entier dans une veillée de prière, comme l’a fait le Pape Benoît XVI à Madrid, à l’aéroport de Cuatro Vientos.

Je voudrais un prêtre qui ait le courage d’aller à contre-courant, de ne pas se compromettre avec les modes du moment, un prêtre capable de transmettre des certitudes, surtout dans un monde confus et de plus en plus liquide. Un prêtre qui perçoive que la souillure et l’ennemi sont à l’intérieur de l’Église et non à l’extérieur, et qu’il faut donc les combattre de l’intérieur.
Je voudrais un prêtre qui ait l’humilité que seuls les grands ont de demander pardon pour les erreurs et les péchés des autres, comme Benoît XVI l’a fait à plusieurs reprises, un prêtre dont l’humilité et la conscience de ses limites soient si grandes qu’il se mette lui-même de côté pour le bien de son Église.

Ensuite, je voudrais ensuite un prêtre avec l’humanité et l’empathie du Pape François, un prêtre qui soit un vrai berger, qui « sente la brebis » parce qu’il est toujours au milieu de son troupeau et non dans des palais somptueux. Un prêtre qui s’approche de tous et pas seulement des catholiques parfaits, qui sait écouter tout le monde, qui sait toucher et apaiser les blessures du cœur et de l’âme, les bras et le cœur toujours ouverts, avec la volonté de comprendre et de ne pas juger, un prêtre doté d’une grande tendresse et d’une grande compassion qui cherche à s’approcher des hommes et des femmes de son temps, en les plaçant au centre de sa mission. Un prêtre qui préfère les périphéries aux centres de pouvoir, qui abandonne le superflu pour revenir à l’essentiel, qui comprend que le monde a un immense besoin de miséricorde et l’aide à prendre conscience que Dieu pardonne tout et à tous, et que c’est nous qui sommes fatigués de demander pardon. Un prêtre convaincu que l’église doit être un hôpital de campagne aux portes toujours ouvertes, où l’on guérit les blessures et où l’on ne fait pas de pronostics décourageants.

Je voudrais un prêtre qui, comme le dit le Pape François, « n’est pas un comptable de l’Esprit », mais un bon samaritain à la recherche de ceux qui sont dans le besoin, un berger et non un inspecteur du troupeau, un homme prêt à se salir les mains, « qui ne connaît pas les gants », qui « ne se pavane pas » attiré par le carriérisme, la vanité ou la séduction de l’argent.
Je voudrais un prêtre qui aime et respecte les femmes, qui ne les considère pas seulement comme des assistantes sans importance, des servantes ou des soignantes, mais comme des créatures merveilleuses avec une égale dignité et des droits égaux. Je voudrais un prêtre qui comprenne la grandeur et la fragilité des femmes, les difficultés qu’elles rencontrent, la violence qu’elles subissent simplement parce qu’elles sont des femmes, l’humiliation qu’elles doivent endurer dans de nombreux contextes, même au sein de l’Église. Je voudrais un prêtre avec un équilibre émotionnel et une maturité qui lui permettent de regarder, d’embrasser une femme avec le naturel d’un homme et la transparence, l’innocence et la clarté d’un enfant.

C’est d’ailleurs l’un des traits qui m’a le plus fasciné dans la relation de Jean-Paul II avec les femmes.
Je voudrais un prêtre qui ne commette jamais d’abus, qu’il soit physique, moral ou de pouvoir envers qui que ce soit, qu’il s’agisse d’un mineur, d’un adulte vulnérable ou simplement d’un adulte. Un prêtre qui, lorsqu’il parle d’abus de femmes par des hommes d’Église, ne dise pas « après tout, ce sont des mineures », comme si abuser d’une femme n’était pas grave. Un prêtre qui comprend avec son cœur, et pas seulement avec sa tête, que dans l’Église il n’y a pas d’enfants de première classe et de seconde classe, et qu’il faut avoir le courage de punir le fils qui commet une erreur, au nom de la vérité et de la justice. Un prêtre qui pense que sa priorité doit toujours être la victime qui a d’abord le droit d’être entendue et crue et ensuite aidée à guérir.

Je voudrais un prêtre qui comprenne que dans l’Église, il faut toujours agir avec transparence parce que les fidèles ne tolèrent plus les mensonges et les dissimulations, et parce que la véritable mission de l’Église est d’être porteuse de lumière, de vérité et de justice.
Dans le portrait-robot du prêtre que j’aimerais, je voudrais aussi mentionner le prêtre « ami » ou l’« ami prêtre » que beaucoup d’entre nous ont la chance d’avoir. Il ne s’agit pas du prêtre « idéal », mais d’un prêtre en chair et en os, avec ses qualités et ses défauts, avec ses forces, ses faiblesses et ses moments de solitude, qui nous écoute et que nous écoutons, et qui, avec le temps, fera partie intégrante de notre famille.

Mon ami prêtre est une sorte d’Indiana Jones qui parcourt le monde pour apporter de l’aide aux plus pauvres, aux familles nécessiteuses auxquelles il garantit l’adoption à distance de leurs enfants, aux détenus auxquels il offre un terrain de football, une infirmerie ou un lieu où les mères détenues peuvent garder leurs enfants, aux malades du sida auxquels il offre un traitement, sans parler des puits, des ponts, de l’électricité, des cabanes, qui rendent la vie de ces personnes en difficulté plus vivable.

En quelques mots, il ne s’agit pas un super-héros qui accomplit des miracles et des exploits extraordinaires, mais d’un prêtre qui sent la brebis, qui se salit les mains, touche la chair du Christ, compatit, aide, sans jamais cesser de prier et d’essayer de faire comprendre aux drogués, aux prostituées, aux épaves humaines, aux femmes violées et humiliées que derrière lui et ses petites bonnes œuvres, il y a toujours Dieu, parce que le bon prêtre vit pour et avec le Christ.

Valentina Alazraki
Vaticaniste, correspondante de Televisa