Vous désespérez de ne pas être un bon chrétien? Vous ne vous sentez pas à la hauteur pour annoncer l’Evangile et vous vous demandez comment, vulnérable comme vous êtes, vous pouvez participer au plan de Dieu? Vous pouvez vous réjouir, car Dieu a une politique de «recrutement» bien à lui. Loin des logiques de ce monde, il ne recherche pas des champions de l’évangélisation, mais s’intéresse au contraire aux personnes les moins douées. Les Ecritures saintes elles-mêmes, depuis la Genèse jusqu’aux Actes des Apôtres, regorgent d’exemples de personnes médiocres, qui ne brillent pas forcément par leur courage. Autant de «bons à rien» qui malgré tout ont reçu leur gloire, sauvés par l’amour inconditionnel dont Dieu les entoure, malgré les misères de leurs vies. Cela, comme le rappelle le prophète Isaïe, parce que chacun de nous est précieux aux yeux de Dieu, digne de son estime et de son amour. C’est en substance l'objet de l'ouvrage du père dominicain français Sylvain Detoc, La gloire des bons à rien, désormais disponible en italien, et édité par la Librairie éditrice vaticane (144 pages, 14 euros). Ce «guide spirituel pour accueillir l’imperfection» sera notamment présenté le 28 septembre au Festival franciscain de Bologne.
Commentant le sens du titre de son livre dans une interview à L’Osservatore Romano, le religieux, qui enseigne à l’Institut catholique de Toulouse mais également à l’Université pontificale Saint Thomas d’Aquin-Angelicum, met tout de suite les point sur les i. En parlant de gloire il n’entend pas la «gloriole terrestre» mais «une gloire de type théologique, une glorification à laquelle Dieu nous appelle tous, quelles que soient les misères qui nous accablent». «Cette glorification n’est pas purement spirituelle — précise le père Detoc — elle emporte toute la pâte humaine, y compris dans la lourdeur qui est la sienne». Le thème de la pâte, de la glaise, de la boue, de la terre est précisément très présent dans le livre, où l’auteur a souci à recourir à un langage imagé — «simple, gourmand, nourrissant» — et à de nombreuses métaphores filées tout au long des pages afin de rendre son propos accessible au plus grand nombre. Le défi pour l’homme, poursuit le père Detoc, est de passer de son corps de terre à un corps de gloire, dans le sillage de Jésus et de sa mère. «Nous pouvons le croire — écrit-il: rien de l’être de Jésus et Marie n’a été abandonné à la corruption du sépulcre. Tout ce qui est terrien en eux a été transporté dans la gloire». «En Jésus et Marie — complète le religieux dans notre interview — nous contemplons le premier homme et la première femme en qui le plan de Dieu est accompli».
Mais allons plus loin. Qui sont ces fameux «bons à rien»? Cette fois-ci, l'auteur recourt au monde de l’entreprise pour expliquer non sans ironie comment Dieu recrute son «personnel», une expression empruntée à Jacques Maritain, en rappelant que Jésus lui-même, dans sa politique de ressources humaines, a pris en charge la médiocrité de Pierre. Un choix réconfortant pour le personnel de l’Eglise, appelé avant tout au service. «Nous sommes tous par notre baptême serviteurs de Dieu, de son projet, de son dessein, de sauver l’humanité. Donc au sens large tout le peuple de Dieu est serviteur de l’humanité tout entière», explique-t-il. Parmi ces serviteurs se trouvent les ministres ordonnés, dont beaucoup, note avec regret le religieux, traversent aujourd’hui en France une crise profonde marquée notamment par le drame des abus commis au sein de l’Eglise. Ces ministres, relève le père Detoc, doivent sans cesse se rappeler que le «pouvoir» qu’ils détiennent est précisément celui de servir.
A l'appui de sa réflexion, il évoque les communautés nouvelles nées dans le sillage du Concile Vatican ii, en les comparant à des starts-up, au succès fulgurant mais qui ont rencontré ensuite bon nombre de difficultés, sources de polémiques. Pour éviter de devoir déposer le bilan, elles doivent désormais suivre l’exemple des ordres religieux et congrégations pluricentenaires, à l’instar des dominicains et les franciscains. «Afin de se stabiliser et entrer dans la grande tradition de l’Eglise — commente le religieux — il faut substituer au culte du fondateur une structure commune collégiale avec des institutions, des votes, des chapitres. Cette armature composée de multiples contre-pouvoirs permet d’échapper à l’idolâtrie des fondateurs».
On l’aura compris, il s’agit de rompre avec un certain fantasme d'héroïsme déconnecté de la réalité pour renouer avec une approche plus humaine et plus spirituelle. «Il existe deux manières d’être lucides sur sa propre misère et sur celle des autres», indique le père Detoc en conclusion de son livre. La première «consiste à placer son péché sous une lumière froide, qui met en évidence de façon brutale ce que cache le cœur de l’homme. C’est la tentation que le diable inflige souvent aux amis de Dieu pour qu’ils n’aient plus espoir en sa miséricorde». La seconde manière, à l’opposé, «place notre péché sous une lumière chaude: celle, radieuse, de l’amour de Dieu». Une véritable école d’espérance.
Charles de Pechpeyrou