Des messages à accueillir «comme des textes édifiants» qui peuvent encourager une «belle expérience spirituelle», bien qu’il n’y ait aucune «certitude qu’ils soient de la Vierge», au «grand respect» manifesté par les trois derniers Papes envers la «dévotion répandue» de Medjugorje. Des innombrables œuvres de charité apparues autour de cette expérience spirituelle, des nombreuses conversions, confessions et fruits de bien, aux «problèmes» et aux contestations internes (certains vont jusqu’à définir le phénomène de «démoniaque»). C’est une longue et vaste intervention qui a concerné l’histoire, l’actualité et également certaines expériences personnelles qu’a prononcée le cardinal Victor Manuel Fernández, préfet du dicastère pour la doctrine de la foi, à la salle de presse du Saint-Siège, en présence d’une foule de personnes, à l’occasion de la conférence de présentation de la note «La Reine de la Paix». Un document dont le cardinal argentin a retracé le parcours, en soulignant les lumières et les ombres d’un épisode à travers lequel «Dieu, dans ses mystérieux desseins, même au milieu des imperfections humaines, a trouvé un -moyen de faire couler un fleuve de bien et de beauté».
Le préfet n’a pas manqué de rappeler les «problèmes» importants qui «dans une petite partie (5 ou 6 diocèses)» du monde sont apparus et qui empêchent de «parler d’effets uniquement positifs» à Medjugorje. Il a indiqué comme «point obscur et triste» le long «conflit» entre les franciscains rebelles et les évêques et, avec une grande clarté, a évoqué également l’épisode controversé du père Tomislav Vlasic, célèbre pour être con-sidéré comme le «père spirituel» des six voyants et ensuite déchu de son état clérical pour divers crimes.
Le cardinal s’est ensuite penché sur le phénomène Medjugorje à travers le regard de trois Papes: Jean-Paul ii, qui avait manifesté «l’intense désir» de visiter ce lieu, Benoît xvi qui, en tant que préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi de l’époque, avait exprimé en 1985 une «pensée claire» en ce qui concerne la séparation de l’attestation de l’éventuelle «supernaturalité» du phénomène de ses fruits spirituels. Enfin, François, qui sur le vol de retour de Fatima en 2017, en parlant du rapport «très bon» de la Commission Ruini, affirma que «le noyau» est «le fait spirituel, le fait pastoral, des personnes qui vont là-bas et qui se convertissent, des personnes qui rencontrent Dieu, qui changent de vie».
Des Papes, a souligné le cardinal Fernández, ressort «une attitude de profond respect envers une dévotion aussi répandue dans le Peuple de Dieu», qui se traduit dans «une analyse du phénomène spirituel positif» et non «dans une conclusion sur l’origine surnaturelle ou pas du phénomène». En effet, le Pape François, a révélé le cardinal, au cours d’une récente rencontre entre eux, a répété que le nihil obstat est «absolument suffisant» et qu’«il n’y a pas besoin d’aller au-delà avec une déclaration de supernaturalité». C’est-à-dire qu’il est suffisant de dire aux fidèles: vous pouvez prier, on peut faire des pèlerinages, les messages peuvent être lus sans danger».
Concernant les messages de la «Gospa», le cardinal Fernández a souligné que certains d’entre eux contiennent «des phrases qui ne ressemblent pas vraiment à du saint Thomas d’Aquin». Mais, a-t-il précisé, ces messages ne doivent pas être lus comme «un texte du magistère». Il faut saisir «la pensée profonde» derrière «l’imperfection des mots».
«Nous accueillons désormais ces messages non pas comme des révélations privées, car nous ne sommes pas sûrs qu’il s’agisse de messages de la Vierge, mais seulement comme des textes édifiants qui peuvent encourager une véritable et belle expérience spirituelle», a ajouté le préfet. Les messages, a recommandé le cardinal Fernández, «doivent être évalués dans leur ensemble», car c’est seulement dans la vision d’ensemble qu’apparaissent «les grandes exhortations», à commencer par celle de la paix «dans le contexte œcuménique et interreligieux de la Bosnie-Herzégovine», autrefois déchirée par la guerre. Bien sûr, il y a des «points faibles» dans ces messages, à commencer par leur «fréquence» ou l’insistance sur la nécessité de les écouter: «cela provoque de la confusion et risque de créer une dépendance excessive aux apparitions et aux messages».
Le cardinal a également abordé la question des futurs messages : «S’il y en a, ils devront être évalués et approuvés pour leur éventuelle publication, et tant qu’ils n’auront pas été analysés, il sera décon-seillé aux fidèles de les considérer comme des textes édifiants». La «prudence» est toujours nécessaire, en gardant à l’esprit que la Vierge «n’ordonne pas que quelque chose soit communiqué nécessairement ou immédiatement» et qu’«elle ne nous utilise pas comme des marionnettes ou des instruments morts mais laisse toujours de la place à notre propre discernement».
Quant à entrer en relation avec les -voyants, le cardinal Fernández a expliqué que «ce n’est pas interdit mais déconseillé», y compris pour eux-mêmes. «L’esprit de Medjugorje n’est pas de suivre les voyants mais de prier la Reine de la Paix». Le préfet du dicastère pour la doctrine de la foi a déclaré avoir envoyé une petite lettre «avec quelques suggestions ou mots», destinée à rester confidentielle.
A la table des intervenants se trouvaient également Mgr Armando Matteo, secrétaire de la section doctrinale du dicastère pour la doctrine de la foi, et le directeur éditorial des médias du Vatican, Andrea Tornielli. Mgr Matteo a souligné que la Note était le fruit d’un «vaste travail de discernement» commencé en mai avec la publication des Normes procédurales pour le discernement de phénomènes surnaturels présumés. De son côté, s’appuyant également sur une expérience personnelle de pèlerinage, Tornielli a mis en évidence quelques «données statistiques intéressantes», comme le nombre de communions distribuées dans la paroisse et dans les lieux liés à l’apparition (47.413.740 entre 1985 à 2024) ou le nombre de prêtres qui ont concélébré à Medjugorje de décembre 1986 à juin 2024 (1.060.799). Un nombre élevé, comme celui des fidèles attirés par l’adoration eucharistique, la méditation et la confession, le sacrement le plus diffusé à Medjugorje.
Salvatore Cernuzio