· Cité du Vatican ·

Dans la catéchèse le Pape met en garde contre les lois restrictives et les politiques de refoulements

Que les mers et les déserts ne deviennent pas des cimetières de migrants

 Que les mers et les déserts ne deviennent pas des cimetières de migrants  FRA-035
29 août 2024

Chers frères et sœurs, bonjour!

Aujourd’hui, je reporte la catéchèse habituelle et je voudrais m’arrêter avec vous pour penser aux personnes qui — même en ce moment — sont en train de traverser les mers et les déserts pour atteindre une terre où elles peuvent vivre en paix et en sécurité.

Mer et désert: ces deux mots reviennent dans de nombreux témoignages que je reçois, aussi bien de la part des migrants que des personnes qui s’engagent à leur secours. Et quand je dis «mer», dans le contexte des migrations, je pense aussi aux océans, aux lacs, aux fleuves, à toutes les étendues d’eau périlleuses que nombre de frères et sœurs du monde entier sont obligés de traverser pour atteindre leur destination. Et le «désert» n’est pas seulement celui de sable et de dunes, ou celui de rochers, mais aussi tous ces territoires inaccessibles et dangereux, tels que les forêts, les jungles, les steppes où les migrants marchent seuls, abandonnés à eux-mêmes. Migrants, mer et désert. Les routes migratoires d’aujourd’hui sont souvent marquées par des traversées de mers et de déserts qui, pour beaucoup, trop de personnes — trop! —, se révèlent mortelles. C’est pourquoi, aujourd’hui, je souhaite m’arrêter sur ce drame, cette douleur. Certaines de ces routes sont mieux connues, car elles sont souvent sous les feux des projecteurs; d’autres, la plupart, sont peu connues, mais non moins parcourues.

J’ai souvent parlé de la Méditerranée, parce que je suis Evêque de Rome et parce qu’elle est emblématique: la mare nostrum, lieu de communication entre les peuples et les civilisations, — la mare nostrum — est devenue un cimetière. Et la tragédie, c’est que beaucoup, la plupart de ces morts, auraient pu être sauvés. Il faut le dire clairement: il y a ceux qui travaillent systématiquement par tous les -moyens à repousser les migrants — pour repousser les migrants. Et agir ainsi, en toute conscience et responsabilité, est un péché grave. N’oublions pas ce que dit la Bible: «Tu ne molesteras ni n’opprimeras l’étranger» (Ex 22, 20). L’orphelin, la veuve et l’étranger sont les pauvres par excellence que Dieu défend toujours et demande de défendre.

Même certains déserts, malheureusement, deviennent des cimetières de migrants. Et même là, il ne s’agit souvent pas de morts «naturelles». Non. Parfois, ils sont amenés et abandonnés dans le désert. Nous avons tous vu la photo de l’épouse et de la fille de Pato, mortes de faim et de soif dans le désert. A l’ère des satellites et des drones, il y a des hommes, des femmes et des enfants migrants que personne ne doit voir: ils les cachent. Seul Dieu les voit et entend leur cri. Et c’est une cruauté de notre civilisation.

En effet, la mer et le désert sont également des lieux bibliques chargés d’une valeur symbolique. Ce sont des scènes très importantes dans l’histoire de l’exode, la grande migration du peuple conduit par Dieu, par l’intermédiaire de Moïse, de l’Egypte à la Terre promise. Ces lieux sont les témoins du drame du peuple fuyant l’oppression et l’esclavage. Ce sont des lieux de souffrance, de peur, de désespoir, mais en même temps ce sont des lieux de passage vers la libération — et ces personnes passent par les mers, les déserts pour se libérer, aujourd’hui —, ce sont des lieux de passage pour la rédemption, la liberté et l’accomplissement des promesses de Dieu (cf. Message pour la Journée mondiale du migrant et du réfugié 2024).

Un psaume, s’adressant au Seigneur, dit: «Par la mer passait ton chemin [dit: vie], / tes sentiers, par les eaux profondes» (77 (76), 20). Et un autre chante ainsi: «Lui qui mena son peuple au désert, / éternel est son amour!» (136 (135), 16). Ces paroles, paroles saintes, nous disent que, pour accompagner le peuple sur le chemin de la liberté, Dieu lui-même traverse la mer et le désert; Dieu ne reste pas à distance, non, il partage le drame des migrants, Dieu est avec eux, avec les migrants, il pleure et espère avec eux, avec les migrants. Il nous sera bon, aujourd'hui: le Seigneur est avec nos migrants dans la mare nostrum, le Seigneur est avec eux, non avec ceux qui les repoussent.

Frères et sœurs, nous pourrions tous être d’accord sur un point: les migrants d’aujourd’hui ne devraient pas se trouver dans ces mers et ces déserts mortels — et il y en a, malheureusement. Mais ce n’est pas par des lois plus restrictives, ce n’est pas par la militarisation des frontières, ce n’est pas par des rejets que nous y parviendrons. Nous y parviendrons plutôt en élargissant les voies d’accès sûres et les voies d’accès légales pour les migrants, en facilitant l’accueil de ceux qui fuient la guerre, la violence, la persécution et les nombreuses calamités; nous y parviendrons en encourageant de toutes les manières possibles une gouvernance mondiale des migrations fondée sur la justice, la fraternité et la solidarité. Et en unissant nos forces pour lutter contre la traite des êtres humains, pour arrêter les trafiquants criminels qui exploitent sans pitié la misère d’autrui.

Chers frères et sœurs, pensez aux nombreuses tragédies des migrants: tous ceux qui meurent dans la Méditerranée Pensez à l’île de Lampedusa, à Crotone, en Calabre… c’est si laid et triste. Et je voudrais conclure en reconnaissant et en louant les efforts de tant de bons samaritains, qui font tout leur possible pour secourir et sauver les migrants blessés et abandonnés sur les routes du désespoir, sur les cinq continents. Ces hommes et ces femmes courageux sont le signe d’une humanité qui ne se laisse pas contaminer par la culture néfaste de l’indifférence et du rejet: ce qui tue les migrants, c’est notre indifférence et cette attitude de rejet. Et ceux qui ne peuvent pas être comme eux «en première ligne» — je pense à tous ces gens braves qui sont en première ligne, à Mediterranea Saving Humans et aux nombreuses autres associations — ne sont pas exclus de ce combat pour la civilisation: nous ne pouvons pas être en première ligne mais nous ne sommes pas exclus; il y a de nombreuses façons d’y contribuer, en premier lieu par la prière. Et je vous demande: priez-vous pour les migrants, pour ceux qui viennent dans nos terres pour sauver des vies? Et vous voulez les repousser… [on ne dirait pas une question, mais je ne pense pas que l’affirmation s’adresse aux fidèles présents ici…]

Chers frères et sœurs, unissons nos cœurs et nos forces pour que les mers et les déserts ne soient pas des cimetières, mais des espaces où Dieu peut ouvrir des chemins de liberté et de fraternité.

A l'issue de l'audience générale, le Pape a prononcé l'appel suivant:

Pensons aux pays en guerre, aux nombreux pays en guerre. Pen-sons à la Palestine, à Israël, à l'Ukraine martyrisée, pensons à la Birmanie, au Nord-Kivu et à tant de pays en guerre. Que le Seigneur leur donne le don de la paix.

Je vous donne à tous ma bénédiction!

Parmi les pèlerins qui assistaient à l'audience générale du 28 août se trouvait les groupes francophones suivants:

Du Sénégal: Groupe de pèlerins, avec S.Exc. Mgr Paul Abel Mamba, évêque de Tambacounda.

Du Burkina Faso: Groupe de pèlerins.

Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier le groupe de pèlerins du Burkina Faso et le groupe de fidèles du Sénégal conduits par S.Exc. Mgr Paul Abel Mamba.

Prions saint Augustin que nous fêtons aujourd’hui, afin que les mers et les déserts deviennent des espaces où Dieu puisse ouvrir des voies de liberté et de fraternité.
Dieu vous bénisse!