· Cité du Vatican ·

Préface du Pape François au livre de Dale Recinella

La peine de mort ne rend pas justice mais elle est un poison pour la société

2019.03.29 violenza, prigione, tortura, pena di morte
22 août 2024

«Un chrétien dans le couloir de la mort. Mon engagement aux côtés des condamnés» est le titre du livre de Dale Recinella, édité par la Librairie éditrice vaticane (192pp, 17 euros), qui sortira le mardi 27 août, avec une préface du Pape François. Dale Recinelli, 72 ans, ancien avocat à succès à Wall Street, accompagne spirituellement en tant qu’aumônier laïc, depuis 1998, les condamnés à mort dans des prisons de Floride avec son épouse Susan. Il raconte dans cet ouvrage son expérience née de la rencontre avec Jésus. Nous publions ci-dessous une traduction de la préface du Pape au livre:

L’Evangile est une rencontre avec une Personne vivante qui change la vie: Jésus est capable de révolutionner nos projets, nos aspirations et nos perspectives. Le connaître, c’est donner un sens à notre existence, car le Seigneur nous offre la joie qui ne passe pas. Car c’est la joie même de Dieu.

L’aventure humaine de Dale Recinella, que j’ai rencontré lors d’une audience, que j’ai appris à mieux connaître à travers les articles qu’il a écrits au fil des ans pour L’Osservatore Romano et maintenant à travers ce livre qui touche le cœur, est une confirmation de ce qui a été dit: ce n’est que de cette manière que l’on peut expliquer comment il a été possible pour un homme, qui avait d’autres objectifs à atteindre pour son avenir, de devenir l’aumônier, en tant que chrétien laïc, époux et père, de ceux qui sont condamnés à la peine de mort.

C’est une mission très difficile, risquée et ardue à pratiquer, parce qu’elle touche du doigt le mal dans toutes ses dimensions: le mal fait aux victimes, qui ne peut être réparé; le mal que vit le condamné, se sachant destiné à une mort certaine; le mal qui, avec la pratique de la peine capitale, est instillé dans la société. Oui, comme je l’ai dit à plusieurs reprises, la peine de mort n’est en aucun cas la solution face à la violence qui peut s’abattre sur des innocents. Les exécutions, loin de rendre justice, nourrissent un sentiment de vengeance qui se trans-forme en un poison dangereux pour le corps de nos sociétés civiles. Les Etats devraient se préoccuper de donner aux prisonniers la possibilité de changer véritablement de vie, plutôt que d’investir de l’argent et des ressources pour les supprimer, comme s’ils étaient des êtres humains qui ne méritent plus de vivre et dont il faut se débarrasser. Dans son roman L’Idiot, Fiodor Dostoïevski résume ainsi, de façon impeccable, le caractère insoutenable sur le plan logique et moral de la peine de mort, en parlant d’un homme condamné à la peine capitale: «C’est une violation de l’âme humaine, rien d’autre! On dit: “Tu ne tueras pas”, et au lieu de cela, parce qu’il a tué, d’autres le tuent. Non, c’est quelque chose qui ne devrait pas exister». Le Jubilé devrait précisément engager tous les croyants à demander d’une voix univoque l’abolition de la peine de mort, une pratique qui, comme le dit le Catéchisme de l’Eglise catholique, «est inadmissible car elle attente à l’inviolabilité et à la dignité de la personne» (n. 2267).

En outre, l’action de Dale Recinella, sans oublier l’importante contribution de son épouse Susan comme cela transparaît dans le livre, est un grand don pour l’Eglise et pour la société des Etats-Unis, où Dale vit et travaille. Son engagement en tant qu’aumônier laïc, dans un milieu aussi inhumain que le couloir de la mort, est un témoignage vivant et passionné à l’école de l’infinie miséricorde de Dieu. Comme nous l’a enseigné le Jubilé extraordinaire de la miséricorde, nous ne devons jamais penser que l’un de nos péchés, l’une de nos erreurs ou l’une de nos actions puisse nous éloigner définitivement du Seigneur. Son cœur a déjà été crucifié pour nous. Et Dieu ne peut que nous pardonner.

Certes, cette infinie miséricorde divine peut aussi scandaliser, comme elle a scandalisé tant de gens à l’époque de Jésus, quand le Fils de Dieu mangeait avec les pécheurs et les prostituées. Notre frère Dale lui-même doit faire face à des critiques, des remontrances et des rejets pour son engagement spirituel auprès des condamnés. Mais n’est-il pas vrai que Jésus a accueilli dans ses bras un voleur condamné à mort? Bien, Dale Recinella a réellement compris et témoigne par sa vie, chaque fois qu’il franchit la porte d’une prison, en particulier celle qu’il appelle «la maison de la mort», que l’amour de Dieu est sans limite et sans mesure. Et que même le plus abject de nos péchés ne défigure pas notre identité aux yeux de Dieu: nous restons ses enfants, aimés par lui, protégés par lui et considérés comme précieux.

Je voudrais donc dire à Dale Recinella un merci sincère et ému: parce que son travail d’aumônier dans le couloir de la mort est une adhésion tenace et passionnée à la réalité la plus intime de l’Evangile de Jésus, qui est la miséricorde de Dieu, son amour gratuit et indéfectible pour chaque personne, même pour ceux qui ont commis des fautes. Et que c’est précisément à partir d’un regard d’amour, comme celui du Christ sur la Croix, qu’ils peuvent trouver un nouveau sens à leur vie et aussi à leur mort.

Cité du Vatican,
18 juillet 2024